vendredi 29 janvier 2016

Top 2015 - Sentiments simples et monde complexe

Arrivant relativement après la bataille, j'ai désormais lu çà et là que l'année cinématographique 2015 aurait été pauvre. Alors, je ne peux être que frappé de stupeur, ayant peiné à rentrer tous les films que je souhaitais dans une forcément injuste et incomplète liste. Que se passe-t-il ? Suis-je trop enthousiaste ? Je m'en tiens surtout à penser que je vois plein de bons films, et puis c'est comme ça. Alors du coup, j'en mets vingt-cinq dans mon top. Parce que je suis aussi comme ça.

Hacker, de Michael Mann

Alors 2015, c'était quoi ? Déjà, des maîtres. Il y en a chaque année, évidemment, et insatiablement on le relève, inéluctablement ils ponctuent les sorties et viennent s'incruster dans nos tops. Le retour de Michael Mann (Hacker) s'est donc combiné à celui de George Miller (Mad Max : Fury Road) alors qu'en parallèle, Steven Spielberg (Le Pont des espions), Arnaud Desplechin (Trois souvenirs de ma jeunesse), Terrence Malick (Knight of Cups), Clint Eastwood (American Sniper), Nanni Moretti (Mia Madre), Jacques Audiard (Dheepan), Tsui Hark (La Bataille de la Montagne du Tigre), Ridley Scott (Seul sur Mars) ou d'autres ont récidivé par excès de talent. Tant mieux. Mais plus important encore que ces grandioses noms (dinosauriens pour certains), je voudrais mettre en avant ceux des jeunes (l'adjectif est parfois relatif) qui ont construit les notables surprises de l'année. Des Clément Cogitore (Ni le ciel ni la terre), des Deniz Gamze Ergüven (Mustang), des Alice Winocour (Maryland), des László Nemes (Le Fils de Saul)... Bref, des noms que je vais désormais suivre avec un naïf enthousiasme dans leur ambitieuse quête.

Je profite aussi de cet article pour mettre en lumière d'autres coups de cœur un peu à part pour des raisons et d'autres.

Plus haut, je parlais de retour de grands cinéastes. Cette année aura également vu celui de John Woo dans The Crossing, puissante fresque mélodramatique façon David Lean, qui hélas ne jouit pas (encore) de date de sortie dans nos contrées, même en vidéo
.

Deuxième digression avec un cinéaste qui n'en est plus tout à fait un : Steven Soderbergh. En 2014, je parlais déjà de The Knick. Aujourd'hui il me faut parler de sa saison 2 qui voit, une fois de plus, le réalisateur profiter du média télévisuel pour jouir d'une liberté qu'il a toujours recherchée. En cela, c'est un aboutissement que désormais je ne peux plus séparer de sa filmographie, d'où l'importance d'en faire mention ici.


Enfin, il me tient à cœur de donner un humble coup de pouce pour le dernier film de Cameron Crowe, Aloha, sans doute très imparfait par un scénario pas toujours bien construit, mais capable de si jolies séquences émotionnelles (dont une parmi les plus belles de l'année) par le biais de si beaux personnages, que je ne pouvais que lui faire une petite place.


Évidemment, mieux vaut le préciser pour éviter toute confusion, mon classement se base d'après les sorties sur le territoire français pendant l'année 2015.

1) Hacker, de Michael Mann
La puissance de l'infiniment petit face au contrôle d'un monde infiniment grand. Michael Mann s’approprie comme jamais l'univers informatique dans un thriller grandiose, virtuose, et surtout passionné.


2) Mad Max : Fury Road, de George Miller
Forme ultime des apocalyptiques pérégrinations de Max Rockatansky, intelligent et imposant, le film de George Miller fait l'effet d'un tsunami dans le paysage du film d'action motorisé. On en a pris plein la gueule et on en redemande.


3) American Sniper, de Clint Eastwood
Par l'héritage du western crépusculaire, Eastwood transcende la sinistre destinée d'un héros fabriqué malgré lui sur les bases les plus sordides qui soient. Grand film de guerre, grand film sur l'Amérique.

4) Loin de la foule déchaînée, de Thomas Vinterberg
Vinterberg livre, étonnement, une fresque fordienne doublée par l'élégance littéraire de Thomas Hardy. Grand mélodrame romantique sur fond d'intelligent traitement vis-à-vis de l'émancipation féminine.

5) Le Pont des espions, de Steven Spielberg
Le naïf mais sublime idéalisme de Spielberg guide les pas du vertueux dans un monde confus et inquiétant. Troublant d'actualité, et, une fois de plus, impressionnant de maîtrise, comme une constante leçon de cinéma.


6) Seul sur Mars, de Ridley Scott
A l'heure où les surhommes sauvent la Terre, Scott fait sauver un seul homme par l'humanité dans une fable humaniste, ode à la bricole et à l'optimisme.


7) Sicario, de Denis Villeneuve
Denis Villeneuve confirme son incursion chez les très solides réalisateurs grâce à ce thriller non seulement haletant et anxiogène, mais plus important encore, à la dimension politique toujours d'actualité.
Critique sur Filmosphere.

8) Mustang, de Denis Gamze Ergüven
Film juvénile et solaire, il mue depuis le drame d'une cellule familiale jusqu'à un film carcéral et enfin un film d'évasion. Ambitieux, débordant d'énergie et surtout beau, magnifique premier film.


9) Knight of Cups, de Terrence Malick
A l'apogée d'une radicalisation qui aura divisé comme jamais, Malick retourne pourtant à l'essentiel : la lutte contre le vide par le besoin du sentiment, dans une odyssée visuelle qui voyage au sein du monde (post) moderne.


10) Le Bouton de Nacre, de Patricio Guzmán
Percutant documentaire sur la complexe identité du Chili, son rapport à l'eau et la culture qui en découle, du cosmos au cimetière géant qu'en a fait Pinochet. Bouleversant et si court qu'on en voudrait davantage.



11) L’Étreinte du serpent, de Ciro Guerra
Indiscutablement à mettre en parallèle avec le film ci-dessus, quant à la compréhension de la perte culturelle de l'Amérique du Sud. Un envoûtant voyage d'aventure, presque herzogien, vers l'inconnu.


12) Birdman, d'Alejandro González Iñárritu
Plus qu'un cocktail molotov lancé contre la prostitution de la culture, le film d'Iñárritu est une maline réflexion sur la société du spectacle, transcendée par l'énergie de la caméra infatigable selon Lubezki.



13) Les Cowboys, de Thomas Bidegain
Remake caché d'un John Ford bien connu, le premier et brillant film de Thomas Bidegain sonde ce qui aujourd'hui fait notre actualité, avec ceci dit une bienveillance certaine qui fait toute sa pudeur, toute son intelligence.


14) Dheepan, de Jacques Audiard
Fuir la guerre pour en retrouver une autre ailleurs, c'est la complexité du monde contemporain selon Audiard, dans un film bien plus malin et subtil qu'on ne voudrait le croire, posant le regard sur une réalité qu'il manipule pour mieux la comprendre.

15) Ni le ciel ni la terre, de Clément Cogitore
Avec une aventure minimaliste et pourtant si juste aux confins de l'Afghanistan, Cogitore transcende un premier long-métrage par l'esprit du genre mêlé à celui du réel. Du cinéma comme on aimerait en voir plus souvent.


16) Au-delà des montagnes, de Jia Zhangke
Alors que le précédent film de Jia Zhangke m'avait partiellement laissé sur la touche, celui-ci m'emporte dans sa réflexion sur le présent et l'avenir de la Chine, entre optimisme de meilleurs lendemains et inquiétude de la perte identitaire.
Critique sur Filmosphere.


17) Mia Madre, de Nanni Moretti
De la complexité du sentiment face à la simplicité de la situation selon Nanni Moretti : c'est un beau film de vie, d'anecdotes et de pensées, qui a une candeur à laquelle il n'est pas aisé d'échapper, émotionnellement parlant.



18) Mission Impossible : Rogue Nation, de Christopher McQuarrie
Le cinquième volet des aventures d'Ethan Hunt est possiblement le meilleur avec le premier, surplombant de peu son prédécesseur grâce à un scénario plus solide, prétexte à une mise en scène des plus classieuses et inspirées de la part de McQuarrie, piochant directement chez Hitchcock.

19) Foxcatcher, de Bennett Miller
L'habile Bennett Miller s'entoure d'un casting des plus remarquables et d'un brillant scénario pour questionner de nouveau l'Amérique, ses déviances et ses rêves déformés par d'ineptes démons.



20) Trois souvenirs de ma jeunesse, d'Arnaud Desplechin
Dans un film multiple et fantasmé, à l'image de la conception d'un souvenir, Desplechin parvient surtout à créer de somptueux personnages, fragiles mais si tendres, regard sur l'adolescence d'une justesse rare.


21) La Bataille de la Montagne du Tigre, de Tsui Hark
Tsui Hark signe incontestablement ou presque le meilleur film de sa période récente forgée à coups de numérique 3D. Épique et généreux conte d'action, il s'interroge également sur la valeur et la transmission de la légende.



22) Jupiter : le Destin de l'univers, d'Andy et Lana Wachowski
Sorte de version féérique de Dune, le nouveau film des Wachowski, en dépit de son échec commercial et de problèmes scénaristiques, renoue justement avec l'ambitieuse tradition de la science-fiction originale, rondement menée par leur efficacité de mise en scène.

23) Valley of Love, de Guillaume Nicloux
J'ai été vraiment terrassé par la simplicité du film, peut-être trop facile car résidant forcément sur la grandeur de ses deux interprètes principaux. Mais pourtant, quelle justesse d'écriture, quelle direction, quel grand Gérard, et quelle belle utilisation de Charles Ives.
Critique sur Filmosphere

24) The Big Short, d'Adam McKay
Faisant passer son cinéma à la vitesse supérieure, Adam McKay peut se fendre d'un scénario résolument béton quant à l'approche du monde de l'économie : sûrement le meilleur sur le sujet du cinéma américain avec le J.C. Chandor.


25) L'Hermine, de Christian Vincent
Plus frais et touchant qu'il ne pourrait paraître, le film de Christian Vincent est une subtile plongée dans la justice du quotidien, mêlée à celle des sentiments. Un prix d'interprétation pas volé pour Luchini, et une Sidse Babett Knudsen sublime.


Parce que je n'ai pas encore fini de tricher, pour remplir mon article un peu plus à ras-bord, et parce que je suis un éternel insatisfait, je conclus donc sur une liste de films que je n'ai pu inclure dans cette liste, peut-être bien plus imparfaits pour certains, juste victimes de mon injustice pour d'autres, mais qui dans tous les cas, ont mérité mon attention : Le Fils de Saul de László Nemes, Jamais de la vie de Pierre Jolivet, Youth de Paolo Sorrentino, The Lobster de Yorgos Lanthimos, Queen and Country de John Boorman, Maryland d'Alice Winocour, Black Sea de Kevin McDonald, The Program de Stephen Frears, Shaun le mouton de Mark Burton et Richard Starzack, The Voices de Marjane Satrapi, Les Mille et une nuits de Miguel Gomes, Every Thing Will Be Fine de Wim Wenders, Un Français de Diastème, L'Homme irrationnel de Woody Allen, While We're Young de Noah Baumbach et enfin Le Dernier loup de Jean-Jacques Annaud.

De quoi faire, en somme.

Pour enfin conclure sur de bons mots, j'invite, forcément, à la découverte de l'épisode spécial du Festival Des Bons Films animé par Alexis et moi-même, autour de l'année 2015.

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