jeudi 3 décembre 2015

[Avis en vrac] Vus et revus en 2015 #8

Knight of Cups, de Terrence Malick (2015)

AU CINÉMA - ACTUALITÉS


Le Pont des espions, de Steven Spielberg (2015)

Dans l'ultime virage de sa carrière, Steven Spielberg revient à ses sources, aux influences les plus naturelles du grand cinéaste américain qu'il est. Après des détours chez John Frankenheimer dans Munich, John Ford dans Lincoln et Cheval de Guerre, Blake Edwards dans Les Aventures de Tintin, son Pont des espions apparaît non seulement comme une synthèse, mais également une solide relecture de l'influence de Frank Capra. Dans un film disséquant de nouveau les valeurs fondatrices de l'Amérique, dans lesquelles Spielberg (à l'instar de son mentor) croit fermement, avec un naïf mais beau patriotisme reflété par Donovan, le personnage de Tom Hanks (qui évoque, quelque part, James Stewart), se dessine un fond politique d'autant plus d'actualité. Sur le Droit de chacun, évidemment, mais aussi sur l'engagement dans lesdites valeurs, qu'elles soient celles de l'Occident ou celles des Soviets, ou peut-être d'autres, qui nous sont plus contemporaines. C'est un film extrêmement fin et avant tout mué par quelque chose de très personnel, un sentiment de vécu de la part de Spielberg. Il traduit l'ambiance dans laquelle il a grandi, jusqu'à même y injecter ses propres souvenirs (le gamin qui remplit la baignoire en prévision du conflit nucléaire). Et dans le climat de paranoïa ambiante qu'il décrit (à ce propos, incroyable acte d'ouverture, donnant tout de suite le ton), il parvient à ne pas perdre de vue ses idéaux humanistes et optimistes. En cela, Spielberg est encore l'un des cinéastes américains les plus précieux qui soit, et les plus nécessaires à l'heure actuelle. Évidemment, il faut saluer le scénario de Matt Charman revu par les frères Coen. C'est aussi l'occasion de retrouver tous les fidèles et géniaux collaborateurs de Spielberg que l'on aime, l'incroyable Janusz Kaminski qui fait encore des miracles ici dans une photographie aux teintes finalement très variées, ou encore Michael Khan qui livre un de ses meilleurs montages, notamment pour de géniaux raccords entre certaines séquences. Le grand absent demeure évidemment John Williams, la succession par Thomas Newman ne se faisant point sans mal. Mais il n'en reste pas moins un grand Spielberg, brillant, lumineux, droit et engagé, fidèle à l'auteur que l'on aime depuis bien longtemps et que l'on est heureux de voir revenir avec plein de projets. Vivement Le Bon Gros géant !



Les Cowboys, de Thomas Bidegain (2015)

On pourrait croire que Les Cowboys, premier film de Thomas Bidegain, scénariste d'Audiard, ne paie pas de mine, et pourtant le coup de maître n'est pas forcément bien loin. Incroyable scénario, évidemment, à l'évolution ambitieuse et inattendue derrière ses airs de remake modernisé de La Prisonnière du Désert. Pour des raisons hélas plutôt évidentes, c'est un film brûlant d'actualité, mais néanmoins sobre, pudique, bien amené. Aussi parce que la caméra de Bidegain sait quoi montrer et comment le montrer. C'est peut-être un film très ambitieux, mais il a aussi la sagesse d'avoir une certaine douceur, une tendresse vis-à-vis de son sujet. Pas de jugement, pas de démonstratif... L'histoire forte épouse ces belles images. François Damiens parvient à se réinventer sans trop en faire, sans que le jeu soit appuyé, même si, progressivement, le film confie la vedette à l'épatant Finnegan Oldfield. Bref, un film qui a tout compris (d'ailleurs produit, entre autre, par les Dardenne) et qui complète un arc de modestes (voire premiers) films français sortis en 2015, mais incroyables dans leur envie de proposer quelque chose de fort.

Knight of Cups, de Terrence Malick (2015)

Si la radicalisation entreprise par Terrence Malick depuis Le Nouveau Monde (et plus encore depuis Tree of Life) ne fait pas l'unanimité, elle me parle. Faisant partie de la poignée de personnes ayant apprécié A La Merveille, je ne pouvais qu'attendre son prochain. Et Knight of Cups me ravit. C'est un Malick à la fois complet et complémentaire, qui explore des errances que certes l'on connaît chez le réalisateur, mais ici captées depuis le prisme d'une vie citadine incroyable. Grand faiseur d'images devant l'éternel, Malick renoue encore avec une expérience visuelle et sensorielle. Les fulgurances formelles sont une fois de plus incroyables : la collaboration entre Malick et Emmanuel Lubezki n'a plus rien à prouver. Certaines images fortes sont, comme à l'accoutumée, chargées d'influence. Voir Rick (Christian Bale) errer seul au milieu des immenses studios hollywoodiens rappelle l'errance mélancolique du Dernier Nabab au milieu de ces mêmes studios. Ailleurs, des images captées du monde moderne évoquent Ron Fricke. C'est un film à vivre, pour ne pas changer. Et tant mieux. Tant mieux d'ailleurs qu'il déplaise à tant de monde, tant mieux qu'il affirme le cinéaste si singulier que Malick demeure. Il complète ici habilement un arc personnel (et entrepris depuis toujours) sur l'Amérique, le besoin relationnel, l'acte de création, la frustration, la mélancolie. C'est peut-être un grand film mélancolique. Mention spéciale aux magnifiques apparitions de Brian Dennehy, figure paternelle dont seule l'imposante image suffit. Terrence Malick aime ce qu'il filme. Et cela se voit, car c'est beau, malgré toute cette tristesse intime, tout ce vide.

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L'Hermine, de Christian Vincent (2015)

J'ai un immense faible pour les films traitant du domaine judiciaire, plus particulièrement ceux qui mettent en scène des procès, car c'est bel et bien le lieu absolu des joutes oratoires. Non seulement, L'Hermine l'exploite parfaitement bien, mais plus encore, car la simple dimension humaine qu'il rajoute fait complètement mouche. Évidemment, c'est un rôle taillé sur mesure pour un Luchini qui, certes génial, ne surprend pas (on a même le droit à la traditionnelle citation lyrique), mais après tout, va-t-on s'en plaindre ? C'est aussi Sidse Babett Knudsen qui charme totalement, dont le visage à lui-seul justifie le faible du personnage de Luchini. A ce propos, la fille de cette dernière se fend d'une réflexion innocente mais bien vue par rapport au film, dans une comparaison avec la scène théâtrale. Et dans tout ce que met en scène (plutôt habilement, bien que très sobrement) Christian Vincent, c'est exactement cela, évidemment par tous ces dialogues plus ou moins déclamés ou marmonnés, mais aussi par le rituel qu'il y a autour de la Cour. Dommage, peut-être, que ladite sobriété soit pas trahie par quelques élans musicaux un brin clipesques. Cela dit, rien qui n'entache outre-mesure ce film finalement très simple, intéressant regard sur les arcanes de cette justice du quotidien.

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Spectre, de Sam Mendes (2015)

Quel 007 glouton ! Prisonnier de l'immense réussite qu'est Skyfall, Sam Mendes tient ici à faire absolument tout en "plus". Plus grand, plus long... mais aussi plus classique. Mais dans sa démarche, il perd l'homogénéité de son film. Spectre va dans tous les sens. S'offrant la séquence d'introduction peut-être la plus brillante de la saga, il parvient tout de même à l'étirer bien trop dans un combat aérien qui n'en finit pas. Pas la peine de revenir sur le générique, presque unanimement critiqué (notamment la terrible chanson de Sam Smith), et à juste titre. L'intrigue, fourre-tout bondien, recycle une recette trop classique qui sied bien mal à l'ère Daniel Craig. Entassant ad nauseam les références parfois plus ou moins discrètes (la base dans un cratère tirée d'On ne vit que deux fois, la clinique au sommet d'une montagne venant d'Au Service secret de sa Majesté), parfois plus ou moins écœurantes (le félin de Blofeld), Mendes s'engouffre dans une apologie de la nostalgie qu'il avait su justement plutôt éviter dans le précédent volet, largement plus orienté vers sa déconstruction (parfois littérale, la DB5 détruite). Le développement des évènements va dans trop de directions et accumule des facilités et surtout connexions plus que douteuses et finalement très décevantes. De nombreux défauts qui ne font que résulter de l'exigence que Mendes lui-même avait insufflé. Il n'y déroge pas totalement, cela dit, puisque son dernier film conserve une certaine qualité largement supérieure à la norme et contient même quelques beaux morceaux de bravoure. Dommage qu'il faille composer sur une base aussi légère, et sur des choix aussi discutables. Même Christoph Waltz, en roue libre, recyclant son numéro de vilain, convainc à moitié.

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Le Voyage d'Arlo, de Peter Sohn (2015)

Bien des années maintenant que Pixar est en dramatique perte de vitesse. Si l'imparfait mais bien intentionné Vice-Versa pouvait éventuellement laisser le doute quant à un éventuel retour à la gloire du studio, Le Voyage d'Arlo confirme finalement bel et bien son errance dans les abîmes du manque d'originalité. Le film a d'énormes problèmes de scénario, car il recycle un périple initiatique déjà maintes fois revus et n'y ajoute rien d'original, pas même un regard neuf sur un schéma déjà très éculé. Le film met en place une vague mythologie du western qui n'est pas déplaisante dans un premier temps : les colons, créer sa terre, son chez-soi, sa famille. Hélas, il faut tout de même qu'elle soit soulignée à l'excès, entre cette musique (très peu inspirée) repompant les mélodies typiques des films de la conquête de l'Ouest et cette histoire de troupeau de bisons. Mais surtout, le plus dommageable demeurent les dialogues, pauvres, qui alourdissent terriblement le film. Pixar passe à côté de l'opportunité de faire un film muet ou presque, comme ils l'avaient fait autrefois dans tout le premier acte du génial Wall-E. Perçu comme cela, leur nouvelle production aurait pu être, quelque part, un génial remake de L'Ours. Mais il aurait fallu s'embarquer d'une subtilité et d'un esprit qui lui fait relativement défaut. Il y a encore quelques séquences pas forcément trop mal fichues qui arrivent à en faire un film d'animation tout juste correct, mais systématiquement on en revient à une déception. Sauf sur le plan technique, imparable dans sa description de paysages et textures photoréalistes. Mais tout cela pour pas grand chose, hélas.



Avril et le monde truqué, de Christian Desmares et Franck Ekinci (2015)

Quelle déception... Pourtant je place toujours de fermes espoirs dans l'animation française, et évidemment un projet comme Avril et le monde truqué avait de quoi susciter un certain enthousiasme de ma part. Mais ici, le pétard mouillé était peut-être un brin prévisible : le pitch et l'univers étaient trop séduisants pour que le film ne s'y perde pas. Car c'est exactement cela : on découvre non sans plaisir l'atypique monde de cette uchronie steampunk (genre et style toujours sous-exploités au cinéma) dans un premier tiers, avant que le déroulement de l'intrigue, trop convenu, ne bouffe notre enthousiasme. Le dernier acte, profondément raté, se traduit en une révélation peu convaincante, aux choix artistiques plutôt inexplicables. Pourtant, d'une certaine manière, le film ne manque pas de richesses, et il a toute la bonne volonté du monde... Mais la mayonnaise ne prend pas, à l'instar de ce casting vocal, où les acteurs de talent ne font pas défaut (Cotillard, Rochefort, Gourmet...), sans que cela ne fonctionne réellement. Une tentative qui rappelle au passage Renaissance de Christian Volkman, s'amusant lui aussi à remodeler Paris à travers un élégant futurisme.

Fiche Cinelounge


Marguerite, de Xavier Giannoli (2015)

Je ne saisis pas tout le patin-couffin effectué autour de Marguerite. Certes, c'est propre, certes, il y a une vague ambition muée par de gros moyens, certes, c'est un sujet qui n'est pas nécessairement inintéressant dans le fond. Mais encore faut-il en faire quelque chose. Ici, c'est bien trop superficiel pour être réellement intéressant. Le personnage de cette cantatrice décalée n'a que trop peu d'intérêt en l'état pour construire le film à ce point-là autour d'elle, surtout quand une galerie de personnages secondaires significativement plus intéressants (et mieux interprétés) l'entoure. Giannoli s'embourbe dans son décorum des années folles françaises, sans toutefois que la transposition du contexte serve réellement son récit (l'art anarchiste, finalement relégué en toile de fond puis ignoré). Ajoutez à cela une photographie que l'on concèdera travaillée, mais trop ancrée dans les standards publicitaires du luxe, pour un résultat bien trop limité et vain. Il demeure toutefois une poignée de bonnes idées de la part de Giannoli pour ne pas rendre son film insupportable, mais pourra-t-on en dire autant vis-à-vis de son protagoniste principal ?



AU CINÉMA - RESSORTIES



Top Gun, de Tony Scott (1986)

Revisionnage, version 3D.

Vous sentez ce doux parfum ? Oui, c’est le kérosène. Mais c’est aussi la sueur, celle si particulière des années 80. C’est aussi celle d’un spectateur qui a encaissé un sacré ride. Figure de proue archétypale du blockbuster, Top Gun a tranquillement traversé trois décades de cinéma en post-combustion pour aujourd’hui apparaître en relief dans une conversion stéréoscopique entamée par feu Tony Scott, peu avant son décès. L’occasion de se repencher sur un phénomène hollywoodien à propos duquel on lit tout et n’importe quoi, au sein d’une filmographie à propos de laquelle on lit tout et n’importe quoi.

Critique à lire sur Filmosphere.com :
http://www.filmosphere.com/movies/top-gun-tony-scott-1986

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Le Magnifique, de Philippe de Broca (1973)

Formidable ! C'est fascinant de redécouvrir de Broca en réel pilier de l'aventure, lui qui anticipait Indy dans L'Homme de Rio, et qui ici, dévoile d'une certaine manière la matrice de films comme Last Action Hero. Alors certes, quelque part, Le Magnifique, c'est un "Bebel show" en roue libre. Mais quel cinéphile y serait insensible ? Car Belmondo est un acteur formidable, généreux, unique. Enfin, Belmondo est à l'image de ce film comme le film lui-même est à l'image de son génial interprète. Inventif du début à la fin, c'est un festin d'humour, d'action, d'érotisme... enfin, de pur cinéma, en somme. De Broca s'amuse avec les formes permises par l’excentrique cinéma des années 70. Car même en finissant par parodier tout le monde, de 007 à Sam Peckinpah, De Broca parvient constamment à se ré-inventer. Enthousiasmant comme pas permis, c'est un film qui donne le sourire tout le long, en se payant même le luxe de questionner la valeur du divertissement populaire. Inimitable, intemporel, génial... et surtout, ne nous mentons pas, hilarant.

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Happy Together, de Wong Kar-Wai (1997)

Revisionnage.

J'aime profondément le cinéma sensoriel de Wong Kar-Wai, avec ces gros plans ou ces mouvements de caméra exagérés où chaque couleur saturée traduit une émotion, un ressenti. Happy Together, c'est l'auteur hong-kongais au meilleur de sa forme. Peu de personnages, des enjeux simples, mais tout est beau, tout est transcendé par la moindre idée qui émane du scénario ou de la mise en scène. Alors, évidemment, c'est aussi Tony Leung, sans qui tout l'esprit de Wong Kar-Wai n'aurait pas la même allure. C'est un film qui va à deux cent à l'heure, sans pour autant être éprouvant, sans être bâclé, sans être inachevé. Et malgré tous les artifices employés par le metteur en scène, on en revient quelque part à de l'émotion pure, car il fait exister ses personnages, leurs relations, et les rend universels. Tout le final est une conclusion incroyable. Bref, c'est (encore une fois) beau dans tous les sens du terme. Que pourrais-je rajouter d'autre pour mieux résumer le film ?



La Sirène du Mississipi, de François Truffaut (1969)

Revisionnage.

Bien que La Sirène du Mississipi ne soit pas un chef-d’œuvre dans la grande filmographie de François Truffaut, il exploite habilement ce qui fait le charme du cinéaste : sa capacité à mêler un cinéma jeune, beau, vrai aux codes plus classiques du genre. Entre film d'amour et film de fugue criminelle, Truffaut s'évertue à filmer ses beaux personnages entre la Réunion et la France métropolitaine. Car oui, c'est peut-être là qu'il faut insister, sur ces beaux personnages. Sur ce Belmondo, éternel, incroyable, romantique, sur cette Deneuve, séductrice, fatale, mais aussi tellement aimante... Truffaut y accomplit si bien ce qu'il entreprend qu'on lui pardonne bien volontiers certaines longueurs excessives, un rythme brinquebalant, ou la musique d'Antoine Duhamel, certes parfois très belle, mais tout de même bien envahissante.

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Les Cendres du temps Redux, de Wong Kar-Wai (1994/2008)

Il va falloir que je sois très honnête : je n'ai rien compris aux Cendres du temps. Pas faute d'apprécier vraiment le réalisateur et le genre, pourtant. Mais j'ai été réellement perdu, dans cette intrigue très trouble aux nombreux personnages qu'on peut éventuellement mélanger. Du coup j'ai littéralement dû me contenter du trip visuel et sonore qu'est - pour ne pas changer - ce film de Wong Kar-Wai. Aucun doute là-dessus : c'est un film splendide à tomber à la renverse. Jusque dans ces combats, à la fois spectaculaires par leur puissance, et anti-spectaculaire par la réalisation qui ne cherche pas à les rendre lisibles mais sensoriel  (malgré les chorégraphies de Sammo Hung). Reste toute cette histoire qui m'a plus ou moins échappé, et reste à savoir dans quelle mesure cela est peut-être dû au montage redux. Cependant, un film avec deux Tony Leung, c'est quand même quelque chose. A redécouvrir un jour, sans doute.

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La Taverne de la Jamaïque, d'Alfred Hitchcock (1939)

Au risque de me faire fustiger : quel Hitchcock raté ! Laborieux et inintéressant, La Taverne de la Jamaïque semble être le fruit d'un réalisateur peu concerné. Évidemment, cela reste quand même un film d'Hitchcock, donc on trouvera une poignée de plans et de séquences qui sont propres à son génie. Hélas, tout est conditionné par ce scénario qui pourrait être génial, mais qui se sabote par ses personnages fades et son déroulement très convenu. Maureen O'Hara (d'ailleurs récemment disparue) semble être tantôt absente, tantôt jouer très mal, alors qu'elle répond à Charles Laughton en roue libre (pour le pire et pour le meilleur). Dans cette ambiance pour le coup hautement théâtrale (ce qui a, si je ne m'abuse, hautement agacé Hitchcock dans sa relation avec ses comédiens), rien ne fonctionne, tout fait factice, et cette ambiance cataclysmique de tempête sur fond de personnages malfaisants n'a rien à envier à celle de Key Largo. Bref, c'est sûrement ma plus grande déception de la part du gros Hitch.

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EN VIDÉO



Tarzan trouve un fils, de Richard Thorpe (1939)

Tout est dans le titre. Peut-on faire plus programmatique que Tarzan trouve un fils ? On retrouve le costaud et viril Johnny Weissmuller dans cette gentille aventure qui a l'avantage d'amener un nouveau personnage récurrent, ledit fils, d'ailleurs prénommé "Boy". Comme tout gamin qui se respecte, Boy est évidemment la source de nombreux problèmes, entre ceux qui veulent le ramener chez lui aux États-Unis, et tout simplement le souk qu'il met dans la forêt, entre deux poursuites avec les lions ou encore les vils et bellicistes autochtones, avant d'appeler au secours son sauvage paternel. Maureen O'Sullivan, ayant préalablement renoncé à l'érotisme (code Hays oblige) dans le précédent opus, devient ici une gentille maman à l'américaine, dont la douceur n'a d'égal que les pectoraux olympiques de l'homme-singe. Et quelque part, ce ton désuet est toujours aussi charmant. Bref, même au milieu de la jungle, on peut jouir d'une famille recomposée. Formidable !

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Will Penny, le solitaire, de Tom Gries (1968)

Lorsque Will Penny démarre, il a tout pour me plaire. C'est un film qui étale doucement le quotidien du cowboy : on a amené le troupeau d'un point à un autre, c'est le moment de toucher la paye, de se dire à l'année prochaine, de savoir qui fait quoi et qui va où pour continuer son chemin... Bref, de la vie au western, ce qui est toujours plaisant. Le film s'oriente petit à petit autour du beau personnage qu'incarne Charlton Heston, viril comme jamais évidemment, mais finalement petit cowboy parmi tant d'autres qui cherche sa place, qui cherche du boulot. Et dans ce quotidien, on a vite fait de croiser de purs cinglés, les déviants de l'Ouest sauvage, comme ici c'est le cas du génial Donald Pleasance. La vie se mue en survie, l'hospitalité en résistance. Un film tout simple mais réussissant ce qu'il entreprend, jusqu'à la toute fin, qui s'assume et va au bout des choses.

Fiche Cinelounge


La Fureur des hommes, d'Henry Hathaway (1958)

Difficile de faire plus efficace : on commence in media res, des hommes en poursuivent un autre, le motif n'est donné qu'ensuite. S'inscrivant dans ce qui pourrait quasiment être un sous-genre à part entière, le western-survival, La Fureur des hommes relève d'autant plus le grand talent (souvent oublié) d'Henry Hathaway. Car non seulement c'est une histoire simple et géniale, diablement rythmée, mais elle prend tout de même la peine de construire d'attachants personnages, dont évidemment celui de la ravissante Diane Varsi, dont on tombe amoureux à chaque apparition. Au beau milieu de cette quête insensée de vengeance, le film ne manque pas de surprendre, notamment dans sa fin, belle, qu'il fallait oser. En prime, un jeune Dennis Hopper, sadique bad-guy. Petite perle méconnue.

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Le Trésor de Tarzan, de Richard Thorpe (1941)

Il faut avouer que l'on a vite fait de mélanger les opus plus mineurs de la saga de Johnny Weissmuller. Tous les prétextes sont bons pour motiver la venue de vils occidentaux dans la jungle sauvage. Le Trésor de Tarzan prétexte inévitablement l'or, source universelle de toute les convoitises, mais reprend une structure comparable à tous les autres. Mais de la même manière qu'il s'aligne sur ses prédécesseurs, c'est un film tout aussi sympathique, remplissant un cahier des charges certes bien prévisible, mais finalement distrayant. Prétextant cependant une production de deux ans (comme l'indique l'affiche) après le précédent volet, on peut tout de même se demander en quoi cet opus est spécialement original ou plus travaillé qu'un autre... Mais après tout, on a eu ce que l'on venait chercher : Johnny Weissmuller qui nage et fracasse des crocodiles.

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John McCabe, de Robert Altman (1971)

Attention grand western ! Mais avec une configuration pareille (Altman, Beatty, Christie, Leonard Cohen à la musique et Vilmos Zsigmond à la photographie), comment faire autrement ? John McCabe est une ode à la délicatesse mélancolique si typique de cette génération du Nouvel Hollywood. C'est un western hivernal à la fois beau et sans vie. Immédiatement, Warren Beatty en impose, car Altman, grand créateur de personnages, sait le façonner, sait le filmer, derrière ses traits d'entrepreneur charismatique mais un peu simple d'esprit. Tout est triste à en mourir et pourtant on tombe amoureux de ce film. L'espoir y est bien maigre. Les gens meurent pour un rien, tout le monde s'en fout, comme le pauvre malheureux du pont. Le seul personnage sensé, ce serait presque Julie Christie, si elle ne se noyait pas dans l'opium pour oublier ce sordide monde. En somme, c'est encore un de ces films que l'on regarde parce que l'on aime avoir le cafard, à l'image de l'incroyable musique de Leonard Cohen, aux sons apaisants qui évoquent la douceur d'un paradis perdu. Et quel final...

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Les Prairies de l'honneur, d'Andrew V. McLaglen (1965)

Intéressant concept que de remettre en question l'engagement de l'américain moyen pendant la guerre de Sécession. Cependant, le propos des Prairies de l'honneur est un peu confus. Évidemment, si dans un premier temps, il s'agit de sensibiliser une famille à la guerre qui les touche, la deuxième partie évolue quasiment en apologie du bellicisme. D'une certaine façon, je pensais que le personnage de James Stewart (d'ailleurs un brin lourdingue, comme hélas il l'est régulièrement devenu en vieillissant) conserverait un minimum sa neutralité, tout en s'engageant dans le conflit pour retrouver son fils. L'écriture apparaît finalement comme assez simpliste, ce qui est franchement dommageable compte-tenu des enjeux initialement proposés. L'impersonnelle réalisation de McLaglen a tout de même un classicisme qui fait figure d'efficacité. Assez décevant, sans que ce soit nécessairement surprenant.

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Directed by John Ford, de Peter Bogdanovich (1971)

Documentaire résolument majeur pour tout cinéphile. En se penchant sur l'immense maître hollywoodien, Bogdanovich fait le pont entre plusieurs générations de cinéastes, qui se rejoignent tous sous le dôme de l'influence fordienne. Synthétisant brillamment l'esprit du réalisateur, Directed by John Ford offre surtout, à l'image de son sujet, une remarquable traversée de l'Amérique dans le temps, et les (grands) espaces. Le documentaire lui-même voyage d'ailleurs dans le temps grâce à sa director's cut, combinant remarquablement les interviews d'époque (dont celle de Ford lui-même, bonhomme d'ailleurs peu commode) et celles plus récentes, explorant l'influence sans limites du cinéaste, à grands renforts de Clint Eastwood et de Steven Spielberg. Plus important : Bogdanovich a su conserver l'immense émotion qui transcende le cinéma fordien. D'un extrait, il est encore capable de nous faire immédiatement pleurer. Cette même émotion, d'ailleurs, autrefois bien gardée par John Ford, et  ici sublimement trahie par quelques mots d'amour secrètement dits à Katharine Hepburn, que le documentaire dévoile. Grand réalisateur, grand documentaire, rien de plus à ajouter.

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Le Bon et les Méchants, de Claude Lelouch (1976)

Naïvement, j'ignorais Claude Lelouch capable d'un cinéma si amer, si politique. Car derrière ses airs de ballade criminelle champêtre au milieu des sots, Le Bon et les Méchants n'y va pas de main morte sur ce qu'il raconte à propos de la France occupée. Lelouch se joue admirablement bien des apparences. Et parlons des apparences, d'ailleurs, dans ce film constitué notamment de longs-plans d'une virtuosité rarement égalée, c'est là un travail d'orfèvre en terme de mise en scène. Et c'est un travail qui fait surtout vivre son film, au gré de l'enthousiasme et de la force de caractère de ses protagonistes principaux, les géniaux Villeret et Dutronc. Le plus passionnant devient peut-être l’ambigu Bruno Cremer, figure changeante s'acoquinant avec qui veut bien de ses services, celui qui, à la prochaine révolution, retournera son pantalon, comme le chantait Jacques. La fin en devient presque traumatisante, dans un film qui navigue entre le rire et l'effroi. C'est passionnant. Bref, une petite merveille de plus dans le cinéma français des années soixante-dix.

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Poltergeist, de Tobe Hooper (1982)

Classique du genre, Poltergeist est pourtant un film quelque part très chimérique, à mi-chemin entre les élans purement horrifiques du réalisateur de Massacre à la Tronçonneuse, et l'esprit de Steven Spielberg qui plane sur une production qu'il n'a pu réaliser. Mais contrairement à certains, je trouve justement cet imprévu mariage heureux, rendant le film quelque part plus riche et plus surprenant que s'il n'était allé que dans une seule direction. L'atmosphère à la fois violente et emprunte d'esprit familial est passionnante. Encore une fois, l'horreur se tisse depuis la peur de la destruction de la cellule familiale. Là sont les enjeux dramatiques les plus forts, relevés par la solide et inspirée mise en scène comme par la partition de Jerry Goldsmith. En somme, un film beaucoup plus subtil, fin et beau que je ne le pensais, vestige d'une époque où ce genre pouvait encore surprendre. Et pan.

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Le Fils du désert, de John Ford (1948)

Certes du pur John Ford, Le Fils du désert a tout de même quelque chose d'assez surprenant. Élevant la mythologie du western à travers une sorte de parabole biblique, il exploite davantage un esprit spirituel qui autrefois était plutôt présent en arrière-plan chez Ford. Il offre aussi à John Wayne un somptueux rôle l'invitant à faire émerger une nouvelle facette de son acting (comme dans ce très beau moment d'errance solitaire dans le désert). Mieux, même, car il s'équilibre avec le trio des protagonistes principaux, dans une amitié très belle, parfois drôle (à mentionner la présence d'ailleurs d'Henry Carey Jr., fils de l'égérie homonyme des westerns muets de John Ford, auquel Wayne lui-même a beaucoup emprunté). Ce qui n'empêche pas non plus le film d'être terre-à-terre voire même dur, mais Ford y fait jaillir une noble émotion. En pardonnant une conclusion un brin expédiée et convenue, on y trouve tout de même un western d'une grande richesse, surprenant à plusieurs niveaux, et dont on ne se lassera jamais, faut-il croire, de découvrir et redécouvrir ces plans de l'Ouest signé par le maître américain.

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Les Aventures de Tarzan à New-York, de Richard Thorpe (1942)

Enfin un peu de neuf dans la saga ! Évidemment, introduire un élément sauvage dans le monde "civilisé" n'est pas le concept le plus neuf possible et quelque part, Les Aventures de Tarzan à New-York pourrait reprendre le chapitre final de King Kong, sorti une dizaine d'années plus tôt. Sous prétexte que Boy est enlevé (!) puis exploité dans un cirque (!!), l'homme-singe va donc vivre de nouvelles aventures dans la grosse pomme. Au programme : on monte sur des voitures, Cheetah met encore le souk, Tarzan découvre la douche et crie dessous, Jane n'a pas perdu ses bonnes manières d'occidentale... Bref, c'est plus rigolo qu'autre chose, mais du coup c'est aussi plus plaisant que les derniers épisodes un peu en demi-teinte. Je suis quand même déçu de ne pas avoir Tarzan hurler en haut de l'Empire State Building, même s'il trouve quand même moyen de faire du parkour avant l'heure entre deux immeubles.

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Le Triomphe de Tarzan, de William Thiele (1943)

Avec l'entrée en guerre des États-Unis, il était en effet impensable de ne pas  voir l'homme-singe hollywoodien s'engager dans le conflit. Le Triomphe de Tarzan revisite donc la saga à travers un film de propagande, justifiant l'engagement du pays. La structure du genre est classique : Tarzan n'est, dans un premier temps, pas concerné par ce lointain conflit, avant que des évènements plus proches ne le force à l'être. On justifie vaguement l'absence de Maureen O'Sullivan (alors réellement engagée, remplacée par un autre personnage interprété par la sexy Frances Gifford), et ensuite tout est prétexte à voir Johnny Weissmuller (qui commence quand même à vieillir, parfois un peu bedonnant) castagner des vilains nazis. Certes peu inventif et toujours faiblard sur l'intrigue, c'est encore une curiosité qu'il n'est pas désagréable de découvrir, à défaut d'être un bon film de la saga.

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Geronimo, de Walter Hill (1993)

Grand fan de western et disciple spirituel de John Ford, Walter Hill aura tout de même eu du mal, malgré quelques films remarquables (dont le génial Sans Retour, impératif à découvrir), à s'affirmer en réalisateur. Geronimo lui donne toutefois un sujet parfait, et pour cause d'ailleurs, c'est entre autre John Milius qui a signé le scénario. Hill applique cependant dessus un regard quelque peu  académique qui tend à décevoir, compte-tenu de la force politique du script. Malgré ledit académisme, on y trouve quand même une certaine rigueur de mise en scène (et encore une fois on sent l'héritage de Ford dans les plans larges), mais elle ne semble jamais transcender ce qu'elle montre. Dommage, aussi, que l'inégale musique de Ry Cooder soit parfois autant intrusive. Le casting est cependant très bien vu, dont l'excellent et charismatique Wes Studi, si l'on excepte le moins convainquant Jason Patric. Film intéressant, intelligent et loin d'être désagréable, mais qui, potentiellement, aurait pu être un grand western, c'est dommage.

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Jonathan degli orsi, d'Enzo G. Castellari (1993)

Simili-remake panthéiste de Keoma, du même Castellari avec le même Franco Nero, Jonathan degli orsi peut éventuellement souffrir de la comparaison avec le premier, chef-d’œuvre du western spaghetti. Cependant, il arrive à se démarquer d'une part par le ton qu'il emploie, devenant davantage une fable écolo et humaniste. On retrouve certes, parfois à l'extrême, les grandes figures du genre déjà présentes autrefois, dont l'influence biblique, jusqu'à la crucifixion, mais disons aussi ce qu'il en est : il n'est pas désagréable de retrouver tout ceci dans un western italien des années 90. Époque oblige, le film paraît sûrement un peu fauché (comme en témoignent les figurants asiatiques censés jouer les natifs américains), mais comme le courant le voulait autrefois, cela a surtout son charme. Et Castellari cherche néanmoins à apporter son lot d'idées dans la réalisation pour rendre son film plus original, plus novateur. Parfois de manière très simple, comme cette double-apparition de Jonathan, qui confronte le plus vieux au plus jeune. Et nom d'une pipe, quel charisme, ce Franco Nero ! Quelle barbe !

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Monte Walsh, de William A. Fraker (1970)

Encore un bel exemple de ces perles du Nouvel Hollywood qui sortent plus ou moins de nulle part, n'étant pas le fruit d'un grand auteur ou ne serait-ce que d'un réalisateur un minimum connu, William A. Fraker étant connu essentiellement pour ses travaux de directeur de la photographie. Monte Walsh, c'est l'Ouest comme on l'aime : celui des vieux cowboys, celui des vieux pistoleros qui ne sont plus dans leur temps, celui des légendes usées. Celui que prophétisait John Ford dans L'Homme qui tua Liberty Valance, celui que reprenait Don Siegel dans Le Dernier des géants. Dans un territoire en pleine mutation, où les villes murissent en parallèle d'une société moderne, les dinosaures Lee Marvin et  Jack Palance errent en cherchant une place auprès de qui voudra bien d'eux. L'heure est à la désillusion, même en s'adaptant. Malgré la société moderne, le monde demeure injuste. Tout ce qu'il reste, peut-être, c'est l'amitié, celle qui sera toujours souveraine dans le western. L'amitié, et l'amour pour Jeanne Moreau, encore qu'il est aussi source de maux. Alors il faut se consoler sur la paisible et belle musique de John Barry, achevant une très belle découverte du genre.

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Robert et Robert, de Claude Lelouch (1978)

Deux loosers, deux Robert, Jacques Villeret et Charles Denner : je suis déjà conquis. Et Claude Lelouch aime ses loosers, comme il le montrait tendrement dans Le Bon et les méchants. Certes, Robert et Robert est bien moins inventif que ce dernier, peut-être plus convenu aussi, mais il n'en reste pas moins un film sacrément drôle dans son discours opposant à un système débile des arriérés notoires à la petite tendance sociopathe. Les confrontations entre le psychorigide Charles Denner et le décalé Jean-Claude Brialy sont hilarantes, face à cette machine qui calcule le conjoint parfait. Le comble est atteint lors d'un voyage "entre célibataires" au lieu si glamour qu'est Waterloo. Même si le scénario ne va relativement nulle part, il se suit avec un certain plaisir, par amour pour ses protagonistes à la fois beaux, touchants (surtout Villeret, évidemment) ploucs au possible et idiots. Mais ces idiots-là aussi, on en fait plus, hélas.

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