jeudi 6 août 2015

[Avis en vrac] Vus et revus en 2015 #5

Mustang, de Deniz Gamze Ergüven (2015)


AU CINÉMA - ACTUALITÉS


Mustang, de Deniz Gamze Ergüven (2015)

En voilà un beau film. Mustang travaille à travers une histoire intime et familiale toute l'ampleur du problème face auquel la Turquie se confronte, ce pays de paradoxes et d'oppositions entre sa modernité et ses traditions culturelles. Mais c'est aussi plus que cela, puisque le (premier, rien que ça) film de la franco-turque Deniz Gamze Ergüven cultive une douce mais intéressante relation avec le genre, en prenant parfois des airs de teen-movie estival comme de film carcéral. Immense réussite du film : l'interprétation globale, à commencer par la plus jeune fille campant Lale, somptueux personnage. Malgré quelques petites entorses à la subtilité (notamment une avec le personnage de l'oncle), le film n'en demeure pas moins une grande réussite, beau dans ce qu'il raconte, beau cinématographiquement... et avec une musique de Warren Ellis, mais que demande le peuple ?

Un Français, de Diastème (2015)

Je dois confesser que je suis allé plutôt à reculons voir Un Français, que j'estimais curieusement un peu trop médiatisé pour un soi-disant film censuré. Fort heureusement, le long-métrage de Diastème est au-delà de cela. C'est un film bourré d'envie et d'idées, au propos peut-être pas si fort et décapant que nous l'aurions espéré, mais au moins juste et assez fin. A part quelques moments de trop (la copine alcoolique et facho était dispensable), jamais le film ne s'embourbe dans un vilain manichéisme putassier. Assez modestement, il ne fait que retranscrire le parcours de quelqu'un qui se cherche et qui a dû se planter pour se trouver. La réalisation, constituée majoritairement de longs plans remarquablement bien fichus, en impose à plus d'une reprise, dès le premier plan d'ailleurs. A l'image, un excellent casting, dirigé avec précision. Malgré la perte de rythme du troisième acte qui ne sait plus forcément où en venir, Diastème parvient à relier son film à l'époque contemporaine sans tomber dans la prise de position vulgaire et opportuniste. Pas mal.

Fiche Cinelounge


Les Mille et une Nuits : volume 1, L'inquiet, de Miguel Gomes (2015)

Il faut vraisemblablement croire que le dernier film de Miguel Gomes a déçu ceux qui avaient adoré Tabou. Partant vierges de connaissances vis-à-vis de la filmographie du cinéaste portugais, j'ai éprouvé un réel intérêt devant Les Mille et une Nuits malgré la pléthore de défauts qu'on pourra sûrement lui imputer. Certes, ça n'est pas toujours subtil. Certes, on peut questionner la démarche du réalisateur quand à certains passages trop démonstratifs. Certes, ça n'est qu'un tiers du film... Mais j'ai été touché par cette manière de transposer de la sorte la situation du Portugal en pleine austérité. L'idée n'est peut-être quelque part pas des plus originales et pourtant elle marche, Gomes s'y retrouve et son discours fait mouche. Et puis, certains plans sont tellement beaux que c'en est enivrant, comme celui, bien entendu, de Shéhérazade sur son bateau, cheveux aux vents. Mention spéciale pour la bande-sonore : non seulement les morceaux sont excellents mais en plus ils sont remarquablement bien insérés dans le montage. Hâte de voir la suite, donc, avant d'émettre un jugement définitif sur l'ensemble.

Fiche Cinelounge


Welcome to Leith, de Michael Beach Nichols et Christopher K. Walker (2015)

J'avais, par le plus grand des hasards, vaguement entendu parler du fameux Cobb il y a quelques années lors de son passage dans le show de Trisha, sans savoir réellement dans quoi il était impliqué. Welcome to Leith fait la lumière sur des évènements résolument passionnants qui, outre le fait de platement dénoncer le nouveau bastion néo-nazi américain, pose des questions quant à la politique à observer dans une telle époque. C'est littéralement impressionnant de voir toute cette bande de dégénérés (et j'insiste sur le mot) parvenir à se réfugier derrière le fameux premier amendement américain. Welcome to Leith expose non seulement les limites de la liberté d'expression mais également celle de la démocratie. Certaines situations dévoilées, à la limite de l'improbable, sont tout de même terrifiantes. C'est une histoire assez incroyable. Dommage parfois que le documentaire ait quelques airs de reportage télévisuel, mais l'intention et le sujet l'emportent. Et malgré tout, on a presque envie d'aller vivre à Leith, dans cette ville du bout du monde qui semble encore sur la Frontière, là où l'on vit le western tous les jours.



While We're Young, de Noah Baumbach (2015)

Devant While We're Young, on pourrait s'attendre à une sorte d'énième (mais peut-être sympathique) feel-good movie sur fond de complémentarité générationnelle. En vérité le film est même plutôt l'inverse en cherchant à diagnostiquer justement le phonème de société qu'est une "génération". C'est peut-être souvent maladroit voire parfois un peu facile, mais le regard est modeste, juste, et évite par ailleurs l’écueil du jugement dans son final. Ben Stiller, encore une fois excellent, contribue à porter le film au côté d'un casting vraiment chouette. Son alchimie avec Naomi Watts est parfaite. Étrange, imparfait... inachevé sûrement, mais pourtant assez intéressant, assez inattendu. Et puis, un film qui met en scène le "Love theme" de Blade Runner ne peut pas être mauvais !

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Alias Maria, de José Luis Rugeles (2015)

Présenté en catégorie Un Certain Regard à Cannes, Alias Maria débarque avec une certaine ambition qui d'ores et déjà lui permet tout de même de tirer son épingle du jeu. En confrontant le film de guerre, façonné dans le quotidien de la guerilla de Colombie, et le drame maternel, Rugeles a en main les outils idéaux pour questionner les thématiques d'actualité de son pays. La plongée dans le chaos ambiant est évidemment très intéressante et surtout dans l'ensemble assez juste, malgré le manque global de subtilité du film, ou alors son rythme (très) brinquebalant. Il n'en reste pas moins une belle tentative, audacieuse, bien maladroite donc, mais quand même sincère.

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Microbe et Gasoil, de Michel Gondry (2015)

Dans la pittoresque boîte à idées qui sert de tête à Michel Gondry réside l’un des savoir-faire de cinéaste les plus appréciables du paysage cinématographique français actuel. Avec une carrière riche, transgenre et internationale, Gondry, passé L’écume des Jours, s’est recentré sur des projets plus modestes, toutefois très personnels, comme Microbe et Gasoil en témoigne. Road movie juvénile sur fond de (trop ?) classique voyage initiatique, le dernier Gondry semble être quelque part la continuité de The We and the I.

A lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/microbe-et-gasoil-michel-gondry-2015/

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La Rage au ventre, d'Antoine Fuqua (2015)

Je n'arrive pas à cerner Antoine Fuqua. Le réalisateur jadis connu pour Training Day, capable de bonnes idées et sans doute capable d'être un bon cinéaste, semble inapte à vraiment réussir un film. Depuis le plutôt surprenant L’Élite de Brooklyn, devenu son film le plus intéressant justement par sa sobriété et sa certaine intelligence en dépit de son côté "James Gray du pauvre", Fuqua s'enterre dans des productions bêtes et sans intérêt. Et malgré son aspect global, c'est plutôt le cas de La Rage au ventre également. Finalement ça n'est qu'un pauvre film de "performances" où tout le monde en fait des caisses pour récolter une statuette dorée. Mais ça ne cache pas un scénario d'une certaine pauvreté, recyclant ce qui a déjà été maintes fois fait au sein du film de boxe (ne serait-ce que Rocky V...) sans jamais être capable de proposer autre chose que la "performance" de son interprète principal, Jake Gyllenhaal, sûrement très investi, mais finalement peu crédible. Le film s'enfonce alors dans son manque d'originalité, accumulant des effets de style qui ne sont pas franchement le point fort de Fuqua, essayant en parallèle de construire un drame bien intentionné mais trop convenu, ne fonctionnant pas vraiment. La Rage au ventre n'est pas détestable, mais quand on se dit que le chef-d’œuvre de Michael Mann Ali est sorti il y a près de quinze ans, un film de boxe où chaque mouvement de caméra se ré-inventait, on se demande quand même quel est l'intérêt du film de Fuqua.

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Ant-Man, de Peyton Reed (2015)

Il suffit d'une fraction de ce qu'il reste du script d'Edgar Wright et Joe Cornish pour faire d'Ant-Man le "meilleur" (par-là entendons "moins pire") Marvel de la "phase 2", c'est dire. Mais c'est aussi d'autant plus désolant de constater tout ce potentiel gâché, sacrifié sur l'autel du formatage désormais habituel venant de la firme des super-héros. Réalisation inexistante, acteurs en perdition, personnages unilatéraux et archétypaux (dont un méchant... méchant !), direction photographique absente... C'est encore un de ces navires sans capitaine à la barre. On reconnaît ça là et chaque élément de mise en scène ou de dialogue propre à Edgar Wright (dont, par exemple, le train miniature, mais aussi le très drôle dialogue dans la voiture entre le héros et Michael Pena). On sauvera peut-être également le visuel des effets-spéciaux, malheureusement alourdi par la fameuse inexistence de la mise en scène de Peyton Reed... Pas aussi catastrophique qu'Avengers : L'ère d'Ultron, donc, mais il y a de quoi en vouloir sévèrement à Kevin Feige d'avoir sabordé de la sorte le projet si personnel qu'a longtemps entretenu le brillant Edgar Wright. Marvel, la firme où l'on vire les gens qui ont des idées.

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Office, de Won-Chan Hong (2015)

Le courant des thrillers violents sud-coréens a-t-il atteint ses limites ? On se le demande face à Office, parodie totale et risible de tout ce que l'on aura préalablement aperçu dans le genre. Et pourtant le réalisateur semble être-là, collaborateur tantôt à la production et à la photographie sur The Chaser, tantôt à l'écriture sur The Murderer. Mais n'est pas réalisateur qui veut... Ici, rien ne semble aller. Déjà, pas ce scénario franchement grotesque qui a aucun moment n'arrive à gérer de l'empathie (ou ne serait-ce de l'antipathie) pour ses protagonistes. Tout est bêtement froid et mécanique, résultat encore plus avarié par une interprétation globalement désastreuse, et une réalisation des plus anodines... Le pseudo huis-clos du bureau devient laborieux et surtout répétitif, dans un film où le ton n'évolue jamais. C'est pire que mauvais, c'est juste ennuyant au possible. Je veux bien que les films en séance de minuit à Cannes ne soient pas forcément des chef-d’œuvre, mais tout de même... Cela fait deux fois que le festival me fait le coup avec un pareil navet.

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Les 4 Fantastique, de Josh  Trank (2015)

"Boarf, ça ne peut pas être pire que les deux précedents films". A la sortie du reboot des 4 Fantastiques, on peut quand même se poser la question. Le film de Josh Trank est passablement un échec intégral, s'échouant dans tout ce qu'il entreprend (pour le peu qu'il entreprend) et accomplissant le miracle d'être laborieux et ennuyeux comme la mort alors que le film ne fait qu'une heure quarante. Il y a avant tout un sévère problème de scénario, mal agencé, mal rythmé, faisant qu'au bout de la moitié du film il ne s'est toujours rien passé. Les personnages sont transparents et les enjeux du film sont absents : on regarde platement, dans l'acte final, un déluge d'explosions et de destruction sans en être affecté d'une manière ou d'une autre. D'autant plus que, chose regrettable dans le genre, la bonne majorité des trucages numériques est complètement ratée. Échec ultime, quand la musique bénéficie des soins de Marco Beltrami et de l'immense Philip Glass, pour un résultat des plus anodins et génériques, n'incluant même pas, dans le montage du film, le meilleur morceau de l'album n'étant autre que le premier. Incroyable qu'on en arrive là. A la sortie, j'en venais presque à me demander si je n'avais pas "préféré" Avengers : L'ère d'Ultron... Quelle catastrophe. On est en tout cas bien loin du modèle cinématographique imposé encore récemment par Bryan Singer dans X : Men : Days of Future Past.

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AU CINÉMA - RESSORTIES


La Randonnée, de Nicolas Roeg (1971)

Quelle claque. Décidément le cinéma australien n'a pas fini de me surprendre... Quelque part, La Randonnée, c'est un peu l'anti-Wake in Fright (sorti d'ailleurs la même année, comme quoi). Si le film de Kotchef, traumatisant au possible, donne envie de fuir le continent, celui de Roeg, malgré sa régulière dureté, donne envie de s'y perdre. Accumulant des images marquantes confondantes de beauté, Roeg décrit un périple incroyable donnant à découvrir une sorte de terre perdue. Rarement on aura si bien capté l'essence d'une terre, et comme me le faisait remarquer un ami, rarement on aura si bien filmé des animaux sauvages dans une fiction. Pour couronner le tout, la musique divine et mémorable de John Barry vient consacrer le film à son rang de chef-d’œuvre... Une grande expérience.

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Bienvenue Mister Chance, de Hal Ashby (1979)

En lisant le pitch, on pourrait s'attendre à une sorte de Blake Edwards, où l'on retrouve de nouveau Peter Sellers (dans son dernier rôle d'ailleurs). Mais que nenni... Quelle surprise. Bienvenue Mister Chance n'est pas une histoire de comédie (quoique le film est capable d'être très drôle), mais plutôt un drame d'une émotion à la fois inattendue et superbe, incroyablement juste. Derrière le ton naïf et mélancolique du film se cache une œuvre à la fois grande et simple sur la société, le monde contemporain... mais sur les gens, aussi. Tout ceci capté avec une élégante simplicité par Hal Ashby, dont l'image est magnifié par le talentueux Caleb Deschanel à la photographie. Peter Sellers, impérial, y détient peut-être son meilleur rôle (avec The Party), mais plus généralement, tout le casting est d'une justesse record. Alors on se demande où le film nous emmène, que raconte-t-il finalement... jusqu'à ce final. Quel final. Quel film !

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Faux-semblants, de David Cronenberg (1988)

Revisionnage.

Le cinéma de David Cronenberg, c'est quelque chose. Mais le cinéma de Cronenberg en salle, c'est une expérience encore différente. C'est étouffant. On se retrouve pris à la gorge par les obsessions malsaines de ce réalisateur que l'on aime tant, ces ambiances lourdes qu'il impose à chacun de ses films ou pas loin. Et évidemment, avec Faux-semblants, cela ne peut-être que le cas. Ce qui aurait pu devenir un bête film à performance dans les mains d'un autre devient un film d'une beauté rare dans les mains de Cronenberg. Car c'est là le plus absurde (ou le plus magnifique, c'est selon) : en dépit de l'horreur contée par le cinéaste, il arrive à créer des personnages résolument beaux, et ne perd jamais de vue que ce qu'il fait, en premier lieu, ça n'est pas de l'horreur, mais un drame. Bien entendu, c'est encore mieux quand on a un Jeremy Irons grandiose en deux exemplaires, ainsi qu'un Howard Shore très, très inspiré. Définitivement un film majeur de Cronenberg

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Midnight Express, d'Alan Parker (1978)

Revisionnage.

Je redoutais quelque part le revisionnage de Midnight Express, film marquant s'il en est, mais susceptible d'être trop ancré dans son époque. Enfin, cela dit, quel film ne l'est pas ? Et si le film-culte d'Alan Parker l'est évidemment, solidement attaché à son temps par la géniale partition électronique de Giorgio Moroder, il n'en reste pas moins un solide morceau de cinéma de la part d'un grand réalisateur britannique trop souvent oublié. Ça n'est pas un film qui mise sur sa subtilité, Parker y va les pieds dans le plat, et pourtant il arrive à tout faire fonctionner, à rendre cette fresque carcérale vivante et prenante. Voire plutôt belle, même dans ses passages les plus (délibérément) kitchs, qui viennent ponctuer l'ambiance de ce lieu misérable où le salut paraît absent. Un film qui fait encore son effet, donc.

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A Touch of Zen, de King Hu (1971)

Assez grande déception... Si j'avais beaucoup aimé le dynamique et westernien Dragon Inn du même King Hu, j'attendais quasiment un chef-d'oeuvre de la fresque de trois heures A Touch of Zen. Principalement, le film se perd régulièrement dans les limbes d'un scénario assez chaotique, partant d'une idée simple et efficace, mais non seulement démesurément étiré en longueur, et surtout affublé d'une sorte d'épilogue presque hors-sujet malgré ses moments épiques. On se demande qu'est-ce que raconte le film, où va-t-il, là où ces enjeux étaient plus limpides -et efficaces- dans Dragon Inn. Et pourtant, par-dessus tous ces défauts, il y a quand même une très belle mise en scène (malgré ses lourdeurs ou les instrusions intempestives de la musique, un peu typique du genre) et surtout un visuel vraiment remarquable, tant dans la direction artistique globale que dans la photographie... Très impressionnant et surtout très dépaysant de ce côté-là. Le premier combat dans la forêt de bambous laisse une image très forte. Si globalement, c'est à ce point-là foutraque, c'est peut-être car le tournage a été infernal... Enfin c'est sans doute une pièce maîtresse du genre et du cinéma taïwanais, une jolie oeuvre à découvrir, mais je m'attendais vraiment à être transcendé.

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Key Largo, de John Huston (1948)

Film noir culte s'il en est, je n'avais pourtant jamais vu ce classique de John Huston. Je ressors toutefois très légèrement déçu de Key Largo, attendant (peut-être à tort) un grand chef-d’œuvre, et me retrouvant à la fin "uniquement" avec un fort bon film. Film maîtrisé, toutefois, impeccablement, du début à la fin. Grand film d'ambiance, une fois de plus, et si ça n'est pas le charisme incroyable du couple Bogart/Bacall qui l'emporte, c'est surtout le grand Edward G. Robinson, qui ici domine tout le métrage de son incroyable présence. La tension est très présente, totalement exacerbée par l'incroyable tempête qui se passe autour de ce huis-clos. Pas mal du tout, quand même.

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Le Château dans le ciel, de Hayao Miyazaki (1986)

Pour une raison qui m'échappe je n'ai jamais pris le temps de vraiment découvrir la carrière de Miyazaki en dehors de ses plus connus (Princesse Mononoké et Le Voyage de Chihiro) et son dernier (Le Vent se lève). Si Le Château dans le ciel faisait parti de ceux qui m'intéressaient le plus, je ne suis pas déçu du voyage, une grande ode d'une poésie sublime, que le cinéaste dédie, comme souvent, aux éléments. En transposant dans son univers des thèmes forts et marquants de son pays (notamment son rapport complexe à l'industrie comme son souvenir douloureux de la technologie au service de la destruction), Miyazaki transcende l'intelligence de l'animation. Mais finalement, c'est un film libre, libre de rêver et de s'envoler. Comme Miyazaki, et sans doute, comme son spectateur, doucement bercé par les mélodies de Joe Hisaishi.

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La Dame de Shanghai, d'Orson Welles (1946)

Alors qu'une rétrospective Orson Welles bat son plein à l'occasion du "centenaire" du cinéaste, impossible de ne pas en profiter pour découvrir La Dame de Shanghai. Encore un de ces films où la patte de Welles transpire dans chaque plan ou pas loin, lui qui a eu cette capacité à filmer des gros plans en noir et blanc comme personne d'autre, sondant les esprits rotors pour ne pas dire dérangés qui parsèment ses œuvres. Et le film est exactement cela, alors que l'on se demande où sa construction scénaristique nous emmène, alors que l'on sait que le piège est omniprésent... jusqu'à un climax final incroyable, mémorable et visionnaire, reprenant les obsessions surréalistes de Welles. Et puis, pour achever le charme de la production, comme si cela ne suffisait pas, il faut bien entendu saluer la prestation de Welles lui-même, ce garçon au charme magnétique, pas forcément beau, mais dont on arrive à tomber presque immédiatement amoureux à la moindre parole qu'il prononce. Plutôt puissant.

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EN VIDÉO


The Crossing - Part 1, de John Woo (2014)

Il se faisait attendre, le nouveau John Woo, surtout après le glorieux retour en Chine que constitue l'épique inégalé Les Trois Royaumes. Si Woo renoue une fois de plus avec l'épique dans The Crossing, il en fait également une fresque historique plus intimiste et encore plus poétique, cette fois-ci emprunte d'une essence largement inspirée par David Lean, plus particulièrement Docteur Jivago. Il s'y décrit un morceau de l'histoire de Chine complexe et douloureux (le film y est d'ailleurs très mal reçu), justement retranscrit à travers ses beaux personnages, qui demeurent éventuellement inachevés à cause de la segmentation du métrage. Mais encore une fois, un grand John Woo se taille devant nos yeux, et encore une fois on constate que l'auteur hong-kongais n'a jamais perdu de vue sa thématique principale : aussi importante soit l'histoire, aussi démesurée soit l'échelle, il n'en reste pas moins, encore une fois, un simple et beau film d'amitié. Vivement la suite !

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Black Sea, de Kevin McDonald (2014)

Malheureuse destinée pour le dernier film de Kevin McDonald qui ne peut même pas jouir d'une sortie en bonne et due forme par chez nous. Dans le sous-genre dernièrement très malmené qu'est "le film de sous-marin" (dont les productions DTV ne se comptent plus), le talentueux et éclectique Kevin McDonald arrive à tirer son épingle du jeu dans Black Sea, mélangeant les genres et inspirations pour façonner son histoire de chasse au trésor. Évidemment, les références inéluctables à Das Boot ou encore à A la poursuite d'Octobre Rouge sont là, mais le film a sa propre identité, son propre ton visuel et dramatique, extrêmement bien fichu. D'ailleurs, dans un premier temps, McDonald ne s'aligne pas sur les conventions du genre et tout le premier acte du film, en forme de drame social, va puiser quasiment chez Ken Loach. C'est dire la diversité du cinéaste. C'est peut-être dommage que le dernier tiers du film devienne sûrement assez prévisible, mais ça n'en reste pas moins une belle aventure, assez angoissante, bénéficiant d'un beau casting et remarquablement bien réalisée, avec, en sus, une photographie des plus incroyables, il faut le souligner.

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Presidio, base militaire San Fransisco, de Peter Hyams (1988)

Si j'ai une vraie sympathie pour l'habile faiseur qu'est capable d'être Peter Hyams (dont il faut surtout retenir Outland, Capricorn One et 2010 : L'année du premier contact), il faut bien avouer que Presidio, base militaire San Fransisco n'est rien d'autre qu'un petit polar pas très ambitieux sur fond d'enquête au sein de l'armée. L'intrigue n'offre rien de spécial, Sean Connery fait juste acte de présence et il ne faut pas forcément compter sur le charisme de Mark Harmon comme personnage principal. Même si le film n'est pas désagréable pour autant, il s'oublie bien vite, trop anecdotique, trop banal. Quitte à apprécier une enquête militaire, autant revoir le maîtrisé Des hommes d'honneur de Rob Reiner.

Fiche Cinelounge


Le général della Rovere, de Roberto Rossellini (1959)

Film passionnant mais extrêmement dur sur l'opportunisme en temps de guerre, Le général della Rovere ne sombre jamais dans la fresque moralisatrice et parvient à conserver toute les subtilités appréciables du néo-réalisme italien. Les situations décrites sont déprimantes alors que l'on voit le personnage principal s'enfoncer sous ses mensonges et son hypocrisie. Mais le pire, dans tout cela, est que tout respire le réel, ces enjeux nous parlent encore. Évidemment Vittorio De Sica porte remarquablement bien le film, dans un rôle à la complexité qui se tisse au fur et à mesure de son avancement dans les limbes de son imposture, jusqu'à un final puissant, à l'insu de quelques longueurs toutefois. Une belle découverte.

Fiche Cinelounge


L'Histoire sans fin II, de George T. Miller (1990)

Après avoir redécouvert le très beau premier volet signé Wolfgang Petersen, il fallait bien voir sa suite, largement moins fameuse. Pour l'anecdote, j'ai pensé tout le long que le réalisateur (crédité George Miller, donc) n'était autre que l'Australien bien célèbre que nous aimons, qui se serait retrouvé on-ne-sait-trop comment sur ce film de commande. Fort heureusement, j'étais dans l'erreur. Car L'Histoire sans fin II (le titre a tout de même une connotation ridicule, du coup) semble un peu être l'archétype de la suite opportuniste sans grandes idées. On retrouve l'univers, mais construit cette fois-ci avec une direction artistique des plus improbables qui donne cette sensation d'être parfois dans un mauvais trip au LSD. L'histoire, inintéressante et surfaite, ne prend jamais, alors que l'on va d'endroit en endroit et que l'on enchaîne des péripéties un peu vaines... Le film n'est pas pour autant foncièrement désagréable car le charme kitchouno-ringard opère, on ne s'ennuie jamais vraiment, mais on est tout de même bien loin de la maestria du premier. Il y a une autre suite, d'ailleurs, paraît-il...

Fiche Cinelounge


After Earth, de M. Night Shyamalan (2013)

Quelle curiosité maladive m'a poussé à voir le dernier film de Shyamalan, je l'ignore. Car c'est un film qui a d'ores et déjà tout pour être raté : un réalisateur qui a perdu le mojo depuis longtemps, un acteur-producteur mauvais et imbuvable, ainsi que, pour couronner le tout, son propre fils qu'il tente d'ériger en star internationale en dépit de son charisme de bigorneau sous anesthésie générale. Pourtant After Earth aurait pu être bien. C'est intéressant de voir cette Terre devenue une planète étrangère et hostile (elle ne l'est pas tant que ça, finalement, dans le film), autant inconnue pour nous que l'est Pandora dans Avatar. Mais à aucun moment les idées ne sont vraiment exploitées, même si l'on sent Shyamalan essayant tout de même de donner un peu d'ampleur, en vain, à sa mise en scène. Totalement compressé par Will Smith (aussi producteur et auteur de l'histoire, donc) et ses projets personnels pour son fils, à aucun moment le réalisateur ne peut proposer quelque chose d'autre, et il en va de même pour le talentueux James Newton Howard. D'une bêtise insondable et d'un manque d'ambition invraisemblable, After Earth se retrouve à être un blockbuster d'une nullité qui n'a pour égal que la mégalomanie de son commanditaire.

Fiche Cinelounge


Les Croods, de Chris Sanders et Kirk De Micco (2013)

Si je n'en attendais rien de particulier, il faut dire que j'ai été plutôt positivement surpris par Les Croods, un film d'animation plutôt riche et intelligent, ce que la bande-annonce, à l'époque de la sortie, ne laissait pas vraiment entrevoir. Avant tout, on distingue l'ambition et la patte visuelle de Chris Sanders, co-réalisateur de l'excellent Dragons, qui ici joue avec son univers pour proposer une mise en scène inventive et surtout très efficace. Mais surtout, au-delà de tout cet aspect formel très luxuriant (la direction artistique est vraiment réussie), il y a un sens de l'intelligence dans l'écriture, une réflexion sur les personnages et sur la famille honnête et bien pensée. Dommage peut-être que, malgré une séquence très forte, la fin soit plus convenue, ou que d'autres péripéties du film soient moins originales, ce qui rend sûrement le film plus bancal ou moins complet que Dragons, mais il n'en demeure pas moins plutôt chouette. Ça passe tout seul, en somme.

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Hannibal, de Ridley Scott (2001)

Revisionnage.

Gladiator à peine bouclé, Ridley Scott se retrouvait déjà sur la suite du Silence des Agneaux, le plutôt boudé Hannibal. Il faut dire que l'adaptation qu'en fait Scott (d'après un très bon script adapté notamment par Steven Zaillian) marque un clivage plutôt net avec le précédent film de Jonathan Demme, tout comme avec le bouquin de Thomas Harris en lui-même. Malgré un début franchement raté (il faut malheureusement dire ce qu'il en est), Ridley Scott mène un film saisissant qui transforme l'histoire du tueur en une peinture de conte fantastique, jusqu'à évoquer directement, dans un dernier chapitre, La Belle et la Bête, référence du genre chère au cœur de Ridley Scott. La tension prend alors une tournure différente, ici plus maniérée, plus référencée, plus littéraire, peut-être d'ailleurs plus en phase avec le personnage de Lecter. Dommage que le personnage de Starling paraisse moins approfondi, alors que l'on regrette l'absence de Jodie Foster au profit d'une Julianne Moore moins inspirée. Rien toutefois qui ne vienne entacher le tableau de ce film finalement vraiment réussi, formellement incroyable (les citations picturales sont remarquables) et accompagné, par ailleurs, d'une splendide composition d'opéra créée pour le film (pas mal !), Vide cor meum, signée Patrick Cassidy, que l'on retrouvera d'ailleurs dans la bande-son de Kingdom of Heaven.

Fiche Cinelounge

Un petit mot également sur Breaking the silence: The Making of "Hannibal", de Charles de Laurizika : comme d'habitude désormais chez Ridley Scott, un long-métrage documentaire sur les coulisses plutôt intéressant signé par Laurizika. Cependant, il est peut-être moins percutant que les autres, passant plus de temps sur des détails mineurs ou même sur Hans Zimmer, alors qu'on en a fait le tour. Le documentaire semble par ailleurs lui attribuer la composition Vide cor meum, ce qui est un peu dommage quand elle a été signée par Patrick Cassidy. Mais l'ensemble demeure intéressant et certaines anecdotes valent le coup. Car il faut bien imaginer la tête du blasé Ridley Scott regardant avec scepticisme Dino de Laurentiis débarquer sur le plateau de Gladiator, en compagnie de Bon Jovi (!), pour lui proposer un film Hannibal, avant que Scott ne réponde "tu sais, je suis en train de finir un péplum, alors enchaîner directement avec des éléphants dans la montagne, bon...".

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Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal, de Steven Spielberg (2008)

Revisionnage.

Il fallait, un jour où l'autre, que je redonne une chance à ce Spielberg. Bien qu'en revoyant sensiblement Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal à la hausse, il n'en demeure pas moins un film malheureusement très faible et surtout bâclé. Pas la peine d'en chercher les causes bien loin, car tout le long du film, le manque d'envie de Steven Spielberg transpire à l'écran, vraisemblablement pas aussi enthousiaste que George Lucas à l'idée de faire un nouvel Indy. Du coup, le film s'égare entre séquences hors-sujet, univers too much et tunnels explicatifs très lourds, platement filmés par Spielberg. Quelques séquences efficaces (la poursuite en moto, par exemple) noyées dans des péripéties grotesques auxquelles on ne croit pas. Même la photographie de Janusz Kaminski paraît hors-sujet, loin du travail de celle de Douglas Slocombe. Seul John Williams fait le boulot (malgré la curieuse incursion d'un morceau de La Guerre des mondes), un minimum inspiré. Toutefois, plus inspiré que ce déprimant casting d'acteurs en roue libre. Toujours bien mitigé, donc, pour rester courtois.

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Le Canardeur, de Michael Cimino (1974)

Revisionnage.

Beau début de carrière pour Michael Cimino, propulsé par Clint Eastwood et sa fameuse firme Malpaso. Le Canardeur a ce vrai esprit de liberté made in Nouvel Hollywood, toujours ponctué par la désillusion et un certain pessimisme qui se cache derrière la naïveté apparente de l'histoire. Le film aurait pu paraître vain mais finalement il est beau, car Michael Cimino créé, comme ce sera le cas dans le reste de sa carrière, des personnages qui ont en eux des morceaux d'Amérique, les rêves autant que les démons. Bien plus sobre et modeste que les films suivant de Cimino, évidemment, mais peut-être déjà très programmatique.

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L'Île des Miam-Nimaux - Tempête de boulette géantes 2, de Cody Cameron et Kris Pearn (2014)

Si le premier film, signé Phil Lord et Chris Miller, était hautement sympathique et inventif, la perspective d'une suite où ils seraient absents de la réalisation avait de quoi laisser dubitatif. Et ça ne manque pas, L'Île des Miam-Nimaux est évidemment beaucoup moins bien. Et ce, à tous les niveaux. Tout est moins riche, que ce soit dans la réalisation ou même la recherche des gags, parfois très feignante. Ceci dit, certains nagent au-dessus du reste et font mouche, comme le coup de la bombe festive. Le film n'est pas désagréable non plus, il se suit, et éventuellement c'est plaisant de découvrir tout ce petit monde de bouffe qui prend vit. Mais l'ensemble a vite ses limites à cause d'une histoire plutôt faible et d'un méchant franchement pénible. Compte-tenu de la réussite du premier, il faut quand même bien avouer que c'est plutôt oubliable.

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Chronos, de Ron Fricke (1985)

Attention immense chef-d’œuvre. Avant de mener à bien Baraka (et peu avant, Sacred Site, un film malheureusement disparu - pour l'instant), Ron Fricke a pu donc s'expérimenter à la réalisation sur Chronos. Et le résultat, ma parole, quel résultat ! Quelle expérience cinématographique. Immédiatement, en utilisant toutefois les mêmes procédés, il parvient à s'émanciper efficacement du cinéma de Godfrey Reggio (pour qui il a été directeur de la photographie) en proposant une expérience sensorielle encore différente. Plus axé sur un seul thème (ici, assez simplement, le temps, sous toutes ses définitions et formes) que les films suivant du réalisateur, Chronos se digère d'une traite et laisse K.O., comme une authentique baffe. Dans une séquence qui, littéralement, accélère jusqu'à en remonter le temps, on est tellement happé par ce qu'il se déroule sous nos yeux que l'on croit remonter dans le temps également. Et, comme si cela ne suffisait pas, il y a, en plus, cette immense partition de Michael Stearns venant sublimer un peu plus l'expérience du film. A découvrir impérativement. Mieux : à vivre.

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The Amazing Spider-man : Le Destin d'un héros, de Mark Webb (2014)

Je l'avoue : je l'ai cherché. Mais quelque part, j'ai été surpris, puisque The Amazing Spider-man : Le Destin d'un héros (quel chouette titre français, cela va de soit) parvient à évacuer le côté extrêmement lambda et générique du premier volet pour présenter une œuvre de mauvais goût total, une sorte d'expérience empirique qui cherche un peu les limites du genre. Ici, ça n'est même plus drôle comme l'était Batman & Robin, on va encore au-delà, d'autant plus que le film se prend très au sérieux. C'est d'un navrant rare. Tout, mais absolument tout, est intégralement moche. La réalisation s'embourbe dans des délires de too much n'allant nulle part, filmant platement des personnages tantôt fades, tantôt carrément ridicules. C'est un film où le ridicule est maître-mot. Enfin, pour couronner le tout, la bouillie d'Hans Zimmer à la musique, signant sans doute sa pire partition (c'est dire), ponctuée par un remix dubstep du Beau Danube bleu de Strauss. On ne pouvait pas tomber plus bas. Et parce que le film fait quasiment deux heures et demi, de ce fait, intenable, insupportable, incroyable de nullité, il devient sûrement le pire film de super-héros que j'ai jamais vu. Voilà, c'est dit.

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Conan le destructeur, de Richard Fleischer (1984)

Revisionnage.

La fin de carrière de Richard Fleischer aura sans doute été un peu rude, bouffée par des films de commande pas forcément glorieux. Si faire une suite au chef-d’œuvre de John Milius avait de quoi donner quelque chose de tout aussi bon, reste que la tâche n'est pas aisée, encore moins lorsque l'on se retrouve à réaliser une production aussi cheap. Évidemment, Conan le destructeur n'est pas très bon. Néanmoins, il a pour lui ce charme désuet de certaines des productions signées De Laurentiis, avec toutefois quelques moments de bravoure dans des combats bien sanglants, et la musique de Poledouris toujours présente, bien que largement moins inspirée. En somme, l'archétype de la suite pas terrible pour laquelle on conserve tout de même une certaine affection. Ça n'est pas malhonnête, c'est juste gentiment raté.

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2010 : L'Année du premier contact, de Peter Hyams (1984)

Revisionnage.

Passer après 2001, l'Odyssée de l'espace, c'est sûrement la tâche la moins aisée qu'il soit pour un réalisateur. Et pourtant, la suite est logique, les bouquins de Clarke offrent le matériau de base. Efficace faiseur hollywoodien, Peter Hyams parvient, plus ou moins étonnement, à signer avec 2010 : L'Année du premier contact, son meilleur film, mais également une fresque de science-fiction très sous-estimée car malheureusement (ou évidemment) dans l'ombre du Kubrick. Et pourtant. Et pourtant, le début est raté, le film met beaucoup trop de temps à démarrer dans une exposition qui ne marche pas, résumant assez platement les enjeux. Cela dit, pendant le voyage, la magie opère, et Hyams (également scénariste de l'adaptation) a l'intelligence de ne jamais démystifier le film de Kubrick. En quête de réponses, le film pose de nouvelles questions. Le contexte concret de 2010 (en pleine guerre froide, donc, en compagnie d'un équipage américano-sovietique) fait voir les enjeux depuis une autre perspective. La philosophie du film devient alors politique, mais avant tout belle, dans ce final incroyable, inattendu, et encore une fois, qui a le bon sens de ne jamais chercher à marcher sur les plates-bandes de 2001, préfigurant ici d'une certaine manière The Abyss de James Cameron. D'autant plus que, techniquement, le film est franchement incroyable et tout au moins aussi impressionnant (ou pas loin) que son illustre prédécesseur. Une vraie redécouverte.

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La Chute de la Maison Blanche, d'Antoine Fuqua (2013)

Après le chef-d’œuvre de Roland Emmerich, White House Down, il fallait bien que je découvre l'équivalent signé Antoine Fuqua, La Chute de la Maison Blanche. Ici, le ton est quand même résolument plus solennel et premier degré, dans un actionner médiocre qui n'est pas loin de certains DTV. Il faut malheureusement mettre en avant la profonde nullité de casting, coincé entre Gerard Butler qui décidément n'est pas très talentueux, et Aaron Eckart qu'il faut croire déjà has-been. Quant au reste, tout est déjà-vu, l'action n'étant pas spécialement inventive même dans sa vague démesure. Par honnêteté, il faut admettre que la violence bien crue est tout de même bienvenue, permettant à l'ensemble de se suivre sans trop s'ennuyer, malgré la certaine nullité ambiante.

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Amadeus, de Milos Forman (1984)

Revisionnage, version director's cut.

Si malheureusement de nos jours on peut presque percevoir Amadeus de Milos Forman comme un des films matriciels de toute cette mode de biopics insipides, on doit alors se demander comment la pomme a pu tomber si loin de l'arbre. C'est un film qui a parfaitement compris l'exercice d'apparence facile mais finalement incroyablement compliqué qu'est le biopic. En prenant toutes les libertés nécessaires à la construction d'un personnage résolument unique, Forman ne se contente pas de livrer une plate fantaisie dans l'univers du maître autrichien. C'est avant tout un film somptueux, somptueux sur les relations qu'entretiennent ses personnages, finalement assez subtilement taillés au-delà de la rivalité Mozart/Salieri. Mais si Forman prend des libertés conséquentes pour traiter comme bon lui semble son personnage principal, il n'en reste pas moins également le plus bel hommage possible à sa musique, relevée ici par une cinématographie franchement impressionnante et une pléiade de comédiens possédés par l'histoire. Non seulement un grand film, évidemment, mais sans doute un modèle du genre, encore aujourd'hui, moderne et virtuose.

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Double Détente, de Walter Hill (1988)

Double Détente est sans doute un film qui aurait pu être génial, mais traité trop platement par Walter Hill alors sorti de son âge d'or. Entasser les clichés éculés sur l'Union Soviétique, c'est certes rigolo, mais ça a également vite ses limites, et ça ne compense malheureusement pas la faiblesse de l'histoire ni même le tandem qui ne marche pas véritablement bien, sans alchimie. Certes, Arnold Schwarzenegger cabotine complètement pour notre plus grand plaisir, on en redemande encore, d'ailleurs. Mais finalement, le film n'est pas aussi généreux qu'il devrait l'être, pas assez déjanté, pas assez explosif.

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Un seul bras les tua tous, de Chang Cheh (1967)

Je ne suis pas forcément très familier avec le genre du Wu Xia Pian, mais j’ai apprécié tout ce que j’en ai vu, notamment les films de Tsui Hark. Ici, peu de doute sur le fait que la trilogie de Chang Cheh soit un pilier du genre. Le premier volet, Un seul bras les tua tous, a beau être longuet dans sa mise en place, impression d’autant plus renforcée par le jeu totalement à côté de la plaque des acteurs, il n’en dégage pas moins un charme unique qui atteint des pics remarquables lors des scènes de combat. Et finalement, tout va droit au but dans l’écriture, jusqu’à offrir un dernier tiers composé presque uniquement de combats parfois très impressionnants, iconisant idéalement ce sabreur manchot qu’il ne faut pas embêter.

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Le Bras de la vengeance, de Chang Cheh (1969)

J’ai lu à plus d’une reprise que Le Bras de la vengeance n’était pas forcément aussi bien que le premier volet, et pourtant j’ai pris tout autant de plaisir. Car si le scénario expédie des enjeux peu probants, tout n’est que prétexte à des combats orgiaques et dantesques face aux sbires des différents bad-guys, qui ont tous leur petite particularité. L’ambition du film est quelque part quintuplée, les affrontements s’envolent comme on l’aime et la violence poussive fait mouche. Encore une fois, le dernier tiers, constitué uniquement de combats, prend des dimensions impressionnantes, et la réalisation de Chang Cheh sait mettre en valeur les chorégraphies incroyables performées par tous les combattants. On finit même par se demander combien il y a de morts dans ce film tellement on ne s’y retrouve plus. Ça, c’est de la vraie générosité.

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La Rage du tigre, de Chang Cheh (1971)

Déjà un « reboot », comme on dit désormais, mais l’on sent bien que Chang Cheh a des idées fraîches en tête pour concevoir un nouveau personnage du sabreur manchot dans La Rage du tigre. Le réalisateur synthétise toutes les réussites des deux précédents volets, y apporte un ton dramatique autrement plus intense et réussi et bien entendu propose des combats qui poussent la virtuosité des chorégraphies encore plus loin. Bien qu’il faille surtout attendre le grand final pour avoir son compte en terme de décès par arme blanche, difficile d’en ressortir déçu, d’autant plus lorsqu’une étrange mais intéressante ambiance façon La Horde Sauvage en ressort. Reste le plus curieux : les régulières incursions musicales de partitions d’autres films, comme celle d’Au service de secret de sa majesté ou encore de L’or pour les braves.

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 La Nuit américaine, de François Truffaut (1973)

Revisionnage.

Sans aucun doute mon Truffaut préféré, également un de mes films préférés tout simplement, La Nuit américaine accomplit cet exploit de prendre la température au sein de la conception d'un art très daté et datable et d'être toutefois encore aujourd'hui complètement dans le vrai, ou pas loin. C'est toujours fascinant de voir ce petit univers s’affairer autour de la conception d'un film vraisemblablement médiocre (Je vous présente Marie), alors que Truffaut arrive à y transcender l'esprit du cinéma, l'esprit de cinéaste. Beau, simple, constant, c'est à voir et à revoir, comme une leçon de cinéma modeste et pourtant totale. Le film-somme des amoureux du 7ème art...

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Les Pirates ! Bons à rien, mauvais en tout, de Peter Lord et Jeff Newitt (2012)

Pas non plus totalement désagréable, parfois capable d'être vraiment drôle, Les Pirates ! est tout de même un film bougrement faible de la part du studio Aardman. C'est une production qui manque terriblement de consistance et surtout d'intelligence, reposant trop souvent sur sa patte technique et artistique pour proposer quelque chose. C'est bien, mais fort limité, et surtout ça n'est pas dans l'esprit du studio, ça n'est pas forcément ce qui dicte ses réussites. Il y a même parfois une overdose d'effets visuels, ce qui trahit quand même l'esprit si atypique de ces productions. Tout l'univers du film s'estompe alors bien rapidement, vite oublié (car vite oubliable). Les personnages ne sont pas particulièrement marquants et le scénario finalement trop convenu, loin de la richesse et de la subtilité que pouvaient proposer Chicken Run ou plus récemment Shaun le mouton.

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Antoine et Antoinette, de Jacques Becker (1947)

C'est peut-être dans un film aussi simple que l'on se dit que le cinéma, c'est vraiment magique. Dans Antoine et Antoinette, on a une sorte de fenêtre ouverte sur le quotidien (ou pas loin) du Paris du lendemain de la guerre, avec la vie de ce petit couple beau et modeste. C'est vrai que les péripéties du scénario peuvent du coup paraître accessoires, aujourd'hui ça n'est plus forcément l'élément le plus intéressant du film, mais bel et bien sa manière d'arriver à capturer un bout de vie. Toutefois, on s'y prend quand même, car perdre un ticket de loto gagnant, c'est une histoire classique que l'on s'est tous imaginé un jour, maintes fois reprises par la suite, et pourtant, quelque part, cela marche encore. Dommage que le dénouement paraisse un peu plus aléatoire, cela dit. Rien qui n'empêche, cependant, un très beau film.

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La Poison, de Sasha Guitry (1951)

Revisionnage.

Si j'avais des souvenirs assez nets du sympathique remake de Jean Becker scénarisé par Japrisot (Un crime au Paradis), je ne me souvenais plus que le matériau d'origine était autrement plus audacieux, voire trash. La Poison est un film qui finalement ne fait pas de concessions sur son sujet et va au bout de ces idées. Tantôt plouc, tantôt macho comme il faut, le scénario de Guitry se construit avant tout sur une science de la répartie absolument imparable, assurant son ton comique évidemment célèbre. Toutefois, le film s’embarrasse aussi de quelques lourdeurs, quelques errances de rythme dont Guitry a souvent du mal à se détacher. Enfin, évidemment, il faut saluer, comme toujours, la prestation du fabuleux Michel Simon, qui pourrait déjà porter le film à lui tout seul, et qui est d'autant plus brillant lorsqu'il prononce les textes de Guitry.

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Le Tigre du ciel, de Jack Gold (1976)

Les films d’aviation, c’est ma marotte. Je n’avais résolument jamais entendu parler du Tigre du ciel jusqu’à ce que je le voie, ayant par ailleurs craint qu’il soit systématiquement dans l’ombre du chef-d’œuvre Le Crépuscule des aigles. Même si les deux films ont évidémment maintes similarités, le Jack Gold est assez singulier dans sa description du conflit, largement moins épique et davantage concentré sur le quotidien, la condition de pilote au sein de ce mode de guerre un peu "nouveau", où d'ailleurs les scènes de combat sont vraiment très bien photographiées. On navigue alors entre un ton mélancolique et naïf, mais évidemment aussi très pessismite, jusque dans ce final déprimant au possible. Enfin, comment ne pas saluer ce brillant casting, où le jeune Peter First parvient à exister entre les brillants Malcom McDowell et Christopher Plummer. Un jolie trouvaille du genre.

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