mardi 25 novembre 2014

[Critique] Interstellar - Christopher Nolan (2014)

Réalisateur : Christopher Nolan

Scénaristes : Jonathan & Christopher Nolan  

Acteurs : Matthew McConaughey, Anne Hathaway, Jessica Chastain

Directeur de la photographie : Hoyte Van Hoytema

Compositeur : Hans Zimmer

Monteur : Lee Smith

Genre : Science-fiction

Nationalité : États-Unis, Royaume-Uni

Durée : 2h49

Date de sortie : 2014



Synopsis : Le film raconte les aventures d’un groupe d’explorateurs qui utilisent une faille récemment découverte dans l’espace-temps afin de repousser les limites humaines et partir à la conquête des distances astronomiques dans un voyage interstellaire.


"PLANÈTE(S) INTERDITE(S)"

C'est presque l'épreuve incontournable de cette fin d'année : écrire quelque chose sur Interstellar. A la lecture de nombreux articles, la moindre des choses que je puisse dire, c'est qu'il y a matière à faire couler l'encre à propos du film de Christopher Nolan. N'entretenons pas le suspens davantage : Interstellar m'a relativement laissé sur le carreau ; un produit intéressant mais chimérique de tout ce qui peut m'irriter dans le cinéma de Nolan, et qui pourtant disposait de bien des bases pour être plutôt réussi. Une fois n'est pas coutume, les lignes de ce papier contiendront de nombreux spoilers et sont donc, de préférence, réservées à ceux qui ont déjà vu ledit film. Au passage, ce qui va suivre n'est pas tant une critique construite, mais plutôt un faisceau de pensées concernant les réussites et échecs du métrage.

Le dernier-né de Nolan se retrouve donc être une synthèse de nombre de ses obsessions et influences, ce qui lui parle de près ou de loin. Nolan y additionne toutes ses inspirations, avec la froideur presque mathématique qu'on lui connaît. Dans un prologue apparaissant comme une relecture moderne de l'Americana, Nolan entasse ses références fordiennes, spielbergiennes et malickiennes, le tout capté depuis le spectre d'une essence qu'il veut kubrickienne. Dès les premières minutes, l'entassement effectué inquiète : dans un plan où Cooper, interprété par Matthew McConaughey, regarde son champ, Nolan et son comparse Hans Zimmer assiègent leur spectateur avec une note maintenue en référence à Ainsi parlait Zarathoustra. Pour être honnête, c'est dans ce genre de détail que Nolan me perd. On repense ainsi forcément à 2001 : L'Odyssée de l'espace, en se disant qu'au même moment musical, chez Stanley Kubrick, le Soleil, la Terre et la Lune s'alignent. Ceci impliquant autrement plus l'intervention de Richard Strauss, plutôt que de voir McConaughey regarder son champ. Nolan appelle rapidement le spectaculaire alors qu'il paraît presque hors-sujet dans cette revisite spirituelle des Raisins de la Colère. L'émotion est artificielle, mais nous y reviendrons.

Pourtant, aucun doute sur le fait que Christopher Nolan tienne un univers réellement intéressant et une histoire, du moins dans les grandes lignes, qui suscite l'attention. Ce futur apocalyptique aux allures bibliques, faisant littéralement retourner la Terre entière à la poussière, sied complètement à l'univers qu'il exploite. L'idée est bien trouvée et formellement d'autant mieux portée par Hoyte Van Hoytema, qui rend le changement de directeur de la photographie gagnant pour Christopher Nolan, jadis accompagné par le plutôt insipide Wally Pfister. L'ensemble est plutôt sobre et le 35mm respire naturellement, retranscrivant l'atmosphère de particules que souhaite décrire Nolan. Hélas, ce genre de détail simple et beau ne parvient pas à survivre dans l’œuvre du cinéaste, compressé par la constante obsession à vouloir être autre chose que beau et simple.


Nolan peine à faire les choses simplement, et dans sa transposition à l'écran de ses fantasmes, tout se confond jusqu'à parfois un beau gâchis aux allures prétentieuses. On se doute évidemment que son frère, Jonathan Nolan, qui officie en co-scénariste, n'est ni Clarke ni Nietzsche, que Zimmer n'est pas Strauss et évidemment que Nolan n'est pas Kubrick. Pourtant, les filiations sont forcées de manière artificielle, et rendent l'ensemble peu digeste. Nolan semble avoir oublié que c'était dans la simplicité d'Insomnia quil avait été le meilleur, héritant très justement de son maître Michael Mann sans trop en faire. Pour Interstellar, il évoquait Rencontres du Troisième type comme une grande référence. Certes, il en reprend des thèmes, la cellule familiale se retrouve au cœur de ce nouveau film, mais c'est à se demander où est passée la simplicité qui caractérise la réussite du chef-d’œuvre de Spielberg.

L'univers s'enrichit de détails parfois futiles, livrant au mieux quelques informations dispensables. La traque du drone vers le début apparaît juste comme un rouage mécanique de scénario ; ailleurs on nous informe gratuitement qu'Apollo 11 aurait été un canular. Passé ce qui suit directement, l'anecdote censée renforcé le drame du personnage de Cooper, l'univers n'est pas davantage enrichit dans le fond, l'information paraît anecdotique et parasite la simplicité des enjeux. Tout s'emballe à la fin du premier acte et le film de Nolan perd en intérêt dans des détails qui m'interpellent. Voulant reproduire l'effet de la découverte de la Porte des Étoiles dans le film Stargate, le réalisateur emploie un dispositif de mise en scène similaire lors de la découverte de la fusée. Comment ne pas trouver ridicule le fait qu'une salle de réunion donne directement, et sans protections particulières, sur le chantier (si ce n'est même le pas de lancement en fait ?) de réacteurs d'un tel engin ? Le détail est en soit anodin, mais pourtant illustre une caractéristique qui me dérange chez Nolan : l'impressionnant doit prédominer. Et quelque part, dans un cinéma qui se veut parfois très sobre, voire anti-spectaculaire, cette notion peut déranger.

Anti-spectaculaire qui justement cherche à s'exprimer dans la scène du décollage, partiellement ellipsée. Une fois de plus, Interstellar semble avoir le cul entre deux chaises. A contrario de Mission to Mars, qui se passait complètement du décollage via une astucieuse ellipse, le film de Nolan dévoile deux plans serrés en longue focale sur le lancement, très impressionnants, très bruyants, avant qu'un cut nous propulse brutalement dans le silence de l'espace. L'intention dans le montage sonore, oscillant donc entre les extrêmes, est tellement grossière et facile qu'elle énerve, Nolan ayant d'ailleurs recourt à ce procédé à plus d'une reprise dans le film (et ce dès le début, au passage). A Nolan qui citait L’Étoffe des Héros de Philip Kaufman comme un modèle, on peut également demander où est-ce qu'est passé l'héritage des impressionnants décollages qui pourtant n'empêchaient pas de mettre en scène, en parallèle, le caractère tantôt céleste ou tantôt effrayant de l'espace, sans pour autant en venir à des procédés si exagérés. La mini-séquence apparaît soit incomplète, soit de trop (l’ellipse intégrale aurait pu être également valable). Bien dommage, d'autant plus qu'un plan de la bande-annonce d'Interstellar dévoilait assez joliment le décollage d'un appareil en plan large ; classique mais efficace. Évidemment, Nolan n'aurait pas pu mettre en avant son fameux effet. Et hélas pour lui, le cut sonore ne parvient pas à provoquer le même effet naturel que celui de Lawrence d'Arabie lors de la légendaire transition vers le désert.

Dans le périple de son odyssée spatiale, à bord du vaisseau Endurance (dont le rapport avec le navire de Shackleton semble grossier si ce n'est même contradictoire), Christopher Nolan développe néanmoins l'une des meilleures idées de tout le film, une idée profondément simple mais belle. Et c'est bien là que l'on se rend compte qu'il a le potentiel de créer de la véritable matière cinématographique. Le cinéaste met en scène l'espace avec les bruits de la nature : la pluie, le vent, l'orage... Le vide apparaît d'autant plus terrifiant, d'autant plus fascinant : la grandeur convoitée par Interstellar paraît pour le coup touchée. Toute une séquence aurait même pu se baser sur cette idée, qui est hélas oubliée trop tôt. Nolan s'appuie le caractère impressionnant des images de l'espace qu'il capte, jouant sur des rapports d'échelle classiques mais parfois efficaces. La caméra de Nolan, fidèle à son auteur, est plutôt statique et cherche à emmagasiner le maximum de puissance visuelle dans ses plans, mécanisme malheureusement forcé par les excès de Hans Zimmer. Lors du passage dans le trou de ver, évidemment point d'orgue de ce chapitre spatial, on a la désagréable impression de se faire hurler dessus par le metteur en scène. Et également cette désagréable impression d'avoir déjà vu le visuel de cette séquence ailleurs.

Abyss. C'est dans Abyss que j'ai déjà vu le même dispositif visuel, ce grand couloir courbé avec des formes imprimées le long des parois. Je ne condamne pas forcément un auteur de reprendre des idées déjà aperçues dans d'autres films, mais lorsque c'est fait avec toute la pompe de Nolan, ceci me reste en travers de la gorge. Entre inspiration et plagiat, la différence peut évidemment se jouer sur la notion du ressenti, mais l'ensemble m'a trop interloqué pour être totalement innocent. Au banc des victimes, en plus du film de Cameron, on retrouve également Contact de Robert Zemeckis, dans lequel Nolan s'est cordialement servi, mais aussi Le Trou Noir de Gary Nelson et même Sphere de Barry Levinson. Des films qui ont été des échecs, ou bien qui ont simplement été oubliés, par ailleurs. Et le problème s'étend jusqu'à toucher la partition de Hans Zimmer. L'influence Philip Glass est mise en avant. Une fois de plus, dans certaines compositions, on se demande où s'arrête l'influence et où commence le plagiat vis-à-vis l'auteur des musiques de Koyaanisqatsi. Et ainsi de suite pour tous les grands compositeurs que la piste sonore évoque : Jerry Goldsmith et sa partition d'Alien, John Williams et celle de Rencontres du Troisième Type, Michael Stearns et celle de Samsara ou encore, et là c'est inattendu, Lennie Niehaus et celle d'Impitoyable, qui subit pour le coup le plagiat le plus avéré. Zimmer s'embourbe dans des compositions foutraques qui reposent toujours sur un crescendo interminable et finissent dans l'agressivité la plus totale. Tous les corps d'instruments paraissent mixés au maximum pour un résultat éprouvant, loin de la subtilité des maîtres dont il s'inspire.

C'est quelque part d'autant plus gênant lorsque l'on sait que le cinéma de Nolan n'en a pas forcément besoin. La quête poursuivie par Interstellar captive pourtant beaucoup et on ne va pas se mentir non plus sur le fait que le réalisateur de The Dark Knight soit capable d'être assez entrainant. Bien dommage de le voir donc sombrer dans ces écueils, ou encore dans d'autres phases trop didactiques qui parasitent l'efficacité cinématographique. On repense au fait d'assister, deux fois de suite, à une conversation entre deux bac +35 qui s'expliquent (à destination du spectateur bien entendu) comment fonctionne l'espace avec de vulgaires dessins. Et rigueur cartésienne oblige (ad nauseam trop souvent), Nolan ne semble pas avoir confiance dans le potentiel surnaturel de son film. Si le deus ex machina existe dans son cinéma, il n'admet justement pas le côté deus et se perd dans les justifications. Le passage dans la cinquième dimension, rationalisé au possible et s’évertuant à tout relier, achève. Pour un film qui se prévaut d'un regard céleste et qui parle du "pouvoir de l'amour", la vision décrite est bien triste, toute en lignes droites et autres figures cubiques, semblant toute droit venu d'Inception. C'est là où le canon de Christopher Nolan affiche ses limites actuelles, se réfugiant une fois de plus dans l’impressionnant et le didactique sur fond de twist (d'ailleurs anticipé depuis le premier acte du film, trahissant grossièrement son enjeu).

Sur l'autel des sacrifices, c'est également tout le chapitre consacré au docteur Mann (le personnage de Matt Damon, donc) qui y passe. Nolan tisse pourtant les bases de l'un des personnages les plus intéressants d'Interstellar. Car il est presque là, le véritable intérêt : cet homme échoué sur une planète sans vie, prêt à tout pour survivre, et qui est justement devenu fou car il a gardé son humanité. Curieusement, le personnage ne semble pas intéresser Nolan, qui en fait un lâche assez pathétique, au destin funeste plutôt pitoyable. Pourtant tout l'enjeu humain se trouvait là, et une lueur d'espoir m'était apparue lors de son réveil en pleurs. De la même manière, Nolan ne prête aucune attention au personnage de Romily, l'astronaute resté seul pendant plus de deux décades (sommeil cryogénique aidant cela dit) alors que le reste de l'équipage visitait une planète. Il y a là un véritable héroïsme humain, simple mais beau, et jamais Nolan ne s'y penche. Le personnage (comme presque tous les personnages secondaires en fait) orbite vaguement autour du récit et est éjecté le moment venu, dans (malheureusement) l'indifférence la plus totale.

Reste l'émotion que Nolan convoite en faisant articuler tout son film autour de la cellule familiale, comme dit précédemment. Rien n'est inintéressant ou complètement raté, mais les enjeux profonds des relations semblent échapper à Nolan. La séquence qui fait le plus mouche est sans aucun doute les fameux messages laissés pendant 23 ans qui sont rattrapés par le personnage de Cooper. La scène est belle, mais il faut malheureusement subir l'incursion futile de Zimmer pour souligner l'aspect mélodramatique qui était pourtant naturel. Les retours sur Terre, en parallèle de l'aventure cosmique, nuisent au rythme et l'on sent bien trop facilement Nolan construire les enjeux de son mélodrame, tellement appuyé qu'il ne touche même plus.

En écho de cette émotion ratée se trouve le casting deluxe d'Interstellar. Faute de personnage bien écrits, la direction d'acteurs manque de précision. Il faut endurer l'intense cabotinage de Michael Caine, qui choquait déjà dans The Dark Knight Rises, ou encore un Casey Affleck totalement absent de son personnage. Même Matthew McConaughey ne convainc pas toujours, souffrant de la (caractéristique ?) mauvaise direction d'acteurs de Nolan : il parait à plus d'une reprise en roue libre. L'acteur ne semble pas être sur la même longueur d'onde cinématographique que le réalisateur. Et à défaut de la présence de Steven Spielberg derrière la caméra (initialement rattaché au projet d'ailleurs), j'aurais souhaité celle de Jeff Nichols, justement cinéaste du céleste autrement plus apte à comprendre ce genre de personnage, les enjeux et l'univers qu'un cinéaste britannique profondément ancré dans un canon froid et urbain.

L'acte final d'Interstellar semble lui-même inachevé ou mal équilibré, n'allant pas assez loin dans ce qu'il décrit. Nolan retombe facilement sur ses quatre pattes, qui sont hélas celles du convenu, celles d'un cinéaste sage qui ne semble pas désireux de réellement faire face à son public. Désormais comme à l'accoutumée, Nolan signe un nouveau film fait d’illusions, sans aucun doute son plus ambitieux et celui au potentiel le plus intéressant. Mais l'illusion, bien qu'elle soit à la mode et plaise au public ne consiste pas en hurler au visage de son spectateur. A ce sujet-là, Interstellar est l'un des films au mixages les plus agressifs que j'ai vu depuis longtemps. Au terme des 2h50 de film, "l'expérience" est éprouvante, celle d'avoir vu un film trop souvent terne dans le fond et dans la forme, un objet bruyant qui propose parfois de jolies images. On pourrait possiblement dire qu'il s'agit du fruit d'un réalisateur en roue libre, ce qui quelque part peut plaire à certains, ceux qui ont confiance en l'auteur qu'ils aiment. Personnellement, j'y vois le fruit d'un réalisateur manquant de maturité et qui est condamné à répéter les boursouflures qui font son succès.


jeudi 13 novembre 2014

[Avis en vrac] '71 (2014), Casanova Variations (2014), Tueurs de Dames (1955), Massacre à la tronçonneuse (1974), La Vie de château (1966), J'Accuse (1919), Les Innocents (1961), La Rumeur (1961), Le fils de Rambow (2007), Le Prisonier d'Alcatraz (1962), Le Trou Noir (1979) et L'Homme aux Colts d'or (1959)

AU CINÉMA


'71, de Yann Demange (2014)

'71 apparait comme thriller d'action sur fond de guerre savamment emmené. Le contexte fonctionne à merveille et l'atmosphère chaotique de Belfast propose une réelle originalité dans le genre. Le film est très simple, parfois aux dépends de la subtilité, tout en servant constamment son efficacité. L'héritage de Paul Greengrass n'est jamais loin, mais l'intelligence dans la démarche du réalisateur est d'avoir réellement compris l'essence de cette influence, plutôt que de bêtement singer, comme tout le monde le fait, ces effets de caméra qui vont dans tous les sens. Le dosage avec précision de '71 est redoutablement bien maitrisé, d'autant plus pour un premier long-métrage. En parallèle, le film va plutôt au bout de son propos, et ne recule pas face à la violence de ses thèmes. Tout se suit de manière fluide, sauf peut-être un dernier acte au rythme moins soutenu, bien que l'action représentée soit toujours intéressante.

En somme, une belle petite percée dans le cinéma que nous délivre Yann Demange, le genre de production sur lequel nous pourrions prendre quelque peu exemple en France, à l'heure où pour le dernier bon "film de guerre" produit, il faut remonter à L'Ennemi Intime en 2005...

Mention spéciale pour la très belle photographie en 16mm !

Fiche Cinelounge


Casanova Variations, de Michael Sturminger (2014) 

Énième adaptation des mémoires de Casanova, portée ce coup-ci par une "fausse bonne idée". Casanova Variations alterne des mises en abîmes, ou plutôt des variations justement, entre le déroulement d'une représentation de pièce d'opéra et l'action qui y est littéralement représentée, des phases se déroulant directement au XVIIIème siècle. Les premières sont désespérément sans intérêt cinématographique, à tel point que l'on a, au mieux, simplement envie de voir la pièce en question, le deuxième sont d'un manque d'inspiration déconcertant. Tout au long du film on se demande quel est l'intérêt de cette adaptation, quel est le fond, que veut-elle nous raconter. Malkovich est en roue libre, réitérant d'une certaine manière son rôle de Valmont, alors que l'on se dit qu'en effet, le projet aurait été intéressant dans les mains de Stephen Frears, ou encore de Joe Wright, ayant réussi avec virtuosité la mise en abîme d'une pièce dans Anna Karénine. Casanova Variations est hélas juste vain et ennuyant.
Tueurs de Dames, d'Alexander Mackendrick (1955)

 Ressortie en salles.

De Ladykillers, je n'avais vu que la version peu convaincante des Coen, et j'attendais beaucoup de l'original. Aucun doute sur le fait que l'on tienne une comédie anglaise déjantée comme on les aime, à l'humour passant par tous les extrêmes, du subtil au bien gras. La loufoquerie de l'ensemble me rappelle Blake Edwards avant l'heure, peut-être d'ailleurs que la présence de Peter Sellers n'est pas étrangère à ce sentiment. Évidemment, cela reste quand même Alec Guinness qui est la grande attraction du film, dans ce rôle improbable et hilarant, rien que sa tête marque déjà le coup. On pourra toujours reprocher un rythme éventuellement imparfait ou encore quelques séquences en deçà, mais l'entrain de l'ensemble se savoure avec un plaisir rare grâce à des personnages judicieusement écrits et mis au bon moment en avant. Voilà qui devrait ravir les amateurs de comédies venues du pays des buveurs de thé, pouvant même profiter de la ressortie au cinéma, notamment grâce au Champo qui fait une petite rétro Alec Guinness.

Fiche Cinelounge


Massacre à la tronçonneuse, de Tobe Hooper (1974) 

Ressortie en salles.

Classique parmi les classiques, évidemment, Massacre à la tronçonneuse n'en reste pas moins toujours d'actualité, à l'heure où le genre horrifique est en pleine perdition artistique et s'embourbe dans une majorité de productions putassières, sans âme et sans idées. Tout est très moderne dans le film de Hooper, et pourtant la recette de son efficacité semble échapper aujourd'hui, tant aux films qu'au public d'ailleurs (j'y pense car quelques clampins dans la salle où je l'ai vu étaient vraisemblablement venus dans l'optique de rigoler devant un vieux nanar). Pourtant tout est concis, direct et intelligent dans Massacre à la tronçonneuse. Le film n'oublie pas d'instaurer avant tout une ambiance, d'ailleurs remarquablement bien aidée par des "catalyseurs sensoriels", notamment dans la piste son, qui semblent hériter en droite lignée d'une tension hitchcockienne. Hooper ne manque pas d'oublier que ce qui marque, ça n'est pas tant la violence physique, mais bel et bien le trauma psychologique.



La Vie de château, de Jean-Paul Rappeneau (1966)

Ressortie en salles.

Un Rappeneau frais et dynamique comme à l'accoutumée, La Vie de château est évidemment porté notamment par le très beau duo Deneuve/Noiret, mais aussi par tout une galerie de seconds rôles vraiment savourables. Le regard bon enfant et comique sur l'Occupation depuis la bourgeoisie rurale s'accorde avec tout un lot de bonnes idées, dont le succès motivera par ailleurs La Grande Vadrouille, produit peu après. Évidemment tout est assez léger, si ce n'est même parfois assez bas de plafond, mais l'écriture, signée notamment par Claude Sautet et Alain Cavalier (rien que ça !) finit par remporter l'adhésion et concilie le drôle avec le beau. Une fois de plus, merci Rappeneau !





J'Accuse, d'Abel Gance (1919)

Ciné-concert à la salle Pleyel.

C'est impressionnant. Il n'y a pas d'autres mots. J'Accuse est une œuvre totale de cinéma, à tel point que le visionnage en salle parait presque indispensable. L'atmosphère est lourde, l'horreur et la crasse décrite par Gance sentent le vécu. Et pour cause, le souvenir des tranchées est encore frais pour lui qui les a faites. A plus d'une reprise on constate évidemment une inspiration majeure pour Un Long Dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet, tant dans les scènes de front que celles civiles. C'est un gros morceau à digérer, parfois trop lourd, au rythme imparfait, mais souvent trop impressionnant et terrible pour que l'on se pose trop de question. Le dernier tiers, la troisième époque, propulse le film dans une autre dimension, et le fameux chapitre du "Debout les morts !" est d'un marquant rare, mettant en scène ce trauma de la guerre, cette fin brutale des idéaux du XIXème siècle qui viennent hanter les vivants, croyant que le pire est désormais derrière. On n'en ressort pas indemne. 

Un petit mot sur le nouvel arrangement musical composé pour la projection : les sonorités sont parfois très intéressantes et s'accordent dans l'ensemble avec le fond du film, mais sont souvent brouillonnes voire trop agressives. La troisième partie reste la mieux composée.


EN VIDÉO


Les Innocents, de Jack Clayton (1961)

Sans doute à mettre aux côtés d'autres grandes réussites du genre comme La Maison du Diable de Robert Wise, sorti deux ans plus tard, Les Innocents se targue d'une ambiance européenne encore plus appréciable, notamment grâce à cette action placée dans un milieu rural de la grande noblesse britannique. L'atmosphère est aux petits ognons et se travaille sans aucun dispositif putassier : aucun jump-scare ou moment particulièrement agressif : la tension augmente de manière très naturelle tout au long du métrage. En chœur, on est terrorisé avec la pauvre Deborah Kerr (qui vit également un trauma d'angoisse dans l'excellent Le Narcisse Noir de Powell et Pressburger) face à cette grande baraque et ces gamins quelque peu malsains, qui ne manquent pas de préfigurer, sous certains aspects, Damien dans La Malédiction, de Richard Donner. Un grand film d'angoisse qui est une jointure remarquable entre le classique et le moderne, à l'influence littéraire très appréciable.



La Rumeur, de William Wyler (1961)

Même si en 1961, Hollywood classique et ses valeurs sont en plein effondrement, La Rumeur n'en reste pas moins redoutablement courageux de s'attaquer assez frontalement à la question de la relation homosexuelle féminine, d'autant plus en la mettant en scène à travers des icônes. A chaque rôle, Hepburn me fascine par son audace, sublimée devant la caméra de William Wyler. Elle incarne avec brio toute la subtilité qui caractérise l'ensemble de l'écriture. Cela dit, ce serait se mentir de ne pas voir dans Shirley MacLaine la comparse parfaite, éclipsant même Hepburn le temps de quelques séquences. Aux côtés de ces beautés féminines, le toujours très élégant James Garner, dont la détresse face à la situation est d'une grande justesse. La Rumeur est profondément beau mais surtout dur, terrible, et va jusqu'au bout, ne renonce pas à mi-chemin et ne cède pas à la facilité. Le film absolu d'un auteur complet.



Le fils de Rambow, de Garth Jennings (2007)

Sans doute l'archétype du film indépendant qui tient une bonne idée "faite à la main" mais qui n'est pas capable de l'exploiter correctement, Le fils de Rambow est une sacré déception. Pour un film qui traite de la créativité, tout est bien convenu et sans idées originales particulières, passés quelques gadgets répartis avec parcimonie lors d'une heure et demi bien longue. C'est dommage car le concept est tout de même extrêmement sympa et porté par un jeune acteur principal fort bien trouvé, au vrai potentiel. Bien que film britannique, il accumule les clichés caractéristiques et insupportables du cinéma indépendant américain. L'ambition n'est finalement pas vraiment là, aucune envie d'aller plus loin que le concept, de faire un beau film sur l'enfance et la cellule familiale. A plus d'une reprise, on se dit qu'un projet similaire par Michel Gondry aurait été formidable. Oubliable, en plus d'être plutôt ennuyant.



Le Prisonier d'Alcatraz, de John Frankenheimer (1962)

Dans les mains d'un grand réalisateur, le film carcéral a souvent des chances d'être une grande œuvre de cinéma et Le Prisonier d'Alcatraz ne déroge pas à la règle. Encore une fois, Frankenheimer délivre un film à la modernité détonante dans son écriture, partant de postulats classiques et s'en affranchissant au fur et à mesure dans la description de cette histoire aussi improbable que belle. C'est encore un de ces films où Burt Lancaster brille de mille feux et bouffe la pellicule de sa présence... Sans trop en faire, alors que Frankenheimer parvient à équilibrer le tout grâce à des seconds rôles vraiment brillants, pensons évidemment à Karl Malden ou aux apparitions plaisantes de Telly Savalas. Absolument à voir, notamment pour ceux qui avaient déjà apprécié voir Lancaster derrière les barreaux dans le très bon Brute Force de Jules Dassin !

Fiche Cinelounge


Le Trou Noir, de Gary Nelson (1979)

A l'heure où le public s'extasie devant Interstellar, il est bon de se replonger dans Le Trou Noir, cette production Disney de 1979 oubliée mais loin d'être inintéressante. A la manière de L'Âge de Cristal, c'est un film assez kitch mais rempli de bonnes idées, dont certaines se retrouvant curieusement dans le film de Nolan. Rappelons le pitch de départ : l'histoire d'un vaisseau perdu qui étudiait les trous noirs et le voyage interstellaire afin de trouver une nouvelle planète habitable pour l'humanité. Hum. Évidemment, le traitement est bien différent mais Le Trou Noir parvient à se créer un vrai capital sympathie, notamment grâce des séquences spatiales vraiment bien fichues, certains effets spéciaux assez impressionnants, ou encore une partition de John Barry qui fait toujours plaisir. Évidemment, il faut passer outre des personnages inintéressants ou pas très bien traités (comme celui de Maximilian Schell), des scènes d'action pas toujours palpitantes et des robots à l'humour lourd (tiens donc...), mais le moment passé est agréable jusqu'à la fin, complètement perchée mais bien plaisante, d'autant plus dans une production Disney. Quelque part, un film qui préfigure complètement Tron.

Fiche Cinelounge


L'Homme aux Colts d'or, d'Edward Dmytryk (1959)

L'Homme aux Colts d'or est un de ces films qui a un potentiel en or mais l'exploite peu, se retrouvant au final à être un western sympathique mais oubliable. Pourtant, tout est là : le casting, l'idée, l'univers, les personnages et un visuel absolument remarquable en scope. Malheureusement, si Edward Dmytryk est un formaliste plutôt talentueux, il manque d'étoffe et cela se remarque dans ses films, comme c'était le cas dans Le Bal des Maudits. Peut-être est-ce la censure qui empêche de développer la relation gay sous-jacente entre Henry Fonda et Anthony Quinn, mais d'autres films de la même décennie, comme La Corde d'Alfred Hitchcock, parvenaient à l'exploiter. Alors que le fond est là, présent dans chaque personnage du film, chacun en proie à des dilemmes intéressants, L'Homme aux Colts d'or se suit comme un petit western agréable mais peu audacieux. Frustration ultime : on voit à peine les fameux Colts d'or.

mardi 11 novembre 2014

[Critique] Paradise Lost - d'Andrea Di Stefano (2014)

Réalisateur : Andrea Di Stefano

Scénariste : Andrea Di Stefano
 

Acteurs : Josh Hutcherson, Benicio del Toro, Brady Corbet

Directeur de la photographie : Luis David Sansans 


Compositeur : Max Richter

Monteur : Maryline Monthieux

Genres :Thriller, biopic

Nationalité : Espagne, France, Belgique

Durée : 2h

Date de sortie : 2014

Titre original : Escobar: Paradise Lost

Synopsis : Nick pense avoir trouvé son paradis en rejoignant son frère en Colombie. Un lagon turquoise, une plage d’ivoire et des vagues parfaites ; un rêve pour ce jeune surfeur canadien. Il y rencontre Maria, une magnifique Colombienne. Ils tombent follement amoureux. Tout semble parfait… jusqu’à ce que Maria le présente à son oncle : un certain Pablo Escobar. 


"LE BON, LA BRUTE ET PABLO ESCOBAR"

A l’heure où la mode des films plus ou moins biographiques impose un académisme douteux sur la plupart des productions du genre, bien des histoires au potentiel intéressant se voient tirées vers les abîmes du classicisme exacerbé et du convenu. Paradise Lost est malheureusement une illustration de plus de ce problème. Co-production européenne et première réalisation de l’acteur italien Andrea Di Stefano, l’évocation d’un pan tardif de la vie du narcotrafiquant Pablo Escobar ne parvient pas à faire valoir ses quelques bonnes idées au-delà d’un conformisme venu tout droit d’une quelconque production hollywoodienne.
 
Propulsé par une introduction plutôt dynamique se déroulant la nuit précédant la reddition d’Escobar aux autorités, Paradise Lost a bien vite fait de s’embourber dans un long flash-back décrivant la rencontre du héros avec la fille du caïd et la plongée dans l’univers de ce dernier. Dès lors, le parallèle avec Le Dernier Roi d’Ecosse est quelque peu inévitable, au détriment du film de Di Stefano hélas. A plusieurs reprises, les films ont des points communs significatifs dans leur structure, sans pour autant que Paradise Lost puisse jouir d’un récit aussi efficacement mené que celui du film de Kevin McDonald. Ici les personnages sont unilatéraux et ne provoquent ni empathie, admiration ou peur, et le point de vue extérieur (le gendre d’Escobar, donc) n’apporte pas grand-chose et est peu palpitant.


Pourtant, aucun doute sur le fait que Pablo Escobar soit une figure réellement intéressante sur laquelle se pencher, à la fois détraquée et complexe. Seulement voilà, les séquences de vie et de développement du personnage manquent : tout est montré de manière très partielle à tel point que finalement, la caractérisation d’Escobar, et plus généralement de tous les autres antagonistes, repose sur des notions très basiques et profondément manichéennes.  Curieusement, le film passe sous silence des évènements de la vie du baron de la drogue qui auraient tout à fait pu servir les enjeux dramatiques. La plongée dans la terreur de l’univers devient somme-toute relative et donc gangrénée par le manque d’ambition dans le traitement des personnages.

Bien entendu, il faut admettre tout de même que Benicio Del Toro porte plutôt efficacement le personnage d’Escobar, investi comme à l’accoutumée, bien que malheureusement le film n’en profite pas tant que cela. D’une certaine manière, on repense également au diptyque Che de Steven Soderbergh, résultat en demi-teinte où la présence de Del Toro dans le rôle-titre relevait le niveau à chaque apparition. Dans le cas présent, le revers de la médaille, c’est que plus rien n’existe à côté, encore moins le bien peu charismatique Josh Hutcherson, au personnage plat et insipide, loin de la fougue que possédait James McAvoy dans Le Dernier Roi d’Ecosse, pour continuer la comparaison.

Avec de tels boulets au pied, difficile pour Paradise Lost de réellement décoller, bien que certaines séquences finissent par fonctionner, voire même être réussies. Il en va d’ailleurs de même pour la mise en scène du film, mêlant parfois au dynamisme une sobriété plus que bienvenue qui fait mouche. Hélas, lesdites réussites se voient toujours nuancées par un détail ou un autre, une lourdeur dans la structure narrative ou dans la réalisation, perdant sa légèreté dans ses moments mélodramatiques au pathos forcé à coups de longues focales sur les visages et de musique quelque peu larmoyante. On trouve d'ailleurs ici un point de déception conséquent, la partition musicale échouant pourtant à d’extrêmement talentueux Max Richter.

Au fur et à mesure de l’avancement du film, on sait de moins en moins quoi ressentir, alors que l’on est hélas gagné par l’ennui. L’aventure est finalement peu entraînante. Rien n’est profondément raté ou détestable (sauf peut-être l’ultime séquence, faute de goût et de subtilité impressionnante), mais tout est d’un générique relativement désappointant et le film s’oublie sitôt vu. Bien dommage, car à nouveau, le personnage et le potentiel sont bien là, mais ne peuvent être pleinement exploités si l’on manque d’audace, en étant trop sage et politiquement correct.


Fiche Cinelounge

 

vendredi 7 novembre 2014

[Avis en vrac] Bande de filles (2014), John Wick (2014), Le Sauvage (1976), Le Hobbit : La Desolation de Smaug (2013, version longue), Révélations (1999), Rosemary's Baby (1968), Sacré Graal (1975), Le Convoi Sauvage (1971), Welcome to the Punch (2013), Les Comancheros (1961) et Stalingrad (1993)

AU CINÉMA


http://www.filmfrancophone.fr/wp-content/uploads/2014/07/bande-de-filles-jpeg.jpgBande de filles, de Céline Sciamma (2014)

Après tout le bien entendu sur Tomboy que j'ai hélas raté (séance de rattrapage en vue) j'ai découvert avec plaisir Céline Sciamma dans Bande de filles. Dès ses premières images, le film m'a percuté et a réussi à me séduire pour que j'intègre l'univers des personnages. L'écriture a l'intelligence de faire face aux murailles que se dressent les personnages par rapport à la société, ou même par rapport à leur propre entourage, ces fameuses barrières sociales (et raciales ?). Et ce qui est très beau c'est que le film ne cherche pas des sentiments artificiels basés sur une image truquée. Dans un premier temps on épargne finalement assez peu de choses au spectateur, qui sera peut-être lui-même pris par l'envie de juger (jugement effacé derrière la caméra de Sciamma qui filme des moments de leur quotidien, bons comme mauvais ou discutables) avant que la réelle tendresse des personnages ne lui soit exposée.

Du coup toute la première partie du film est remarquablement fluide et belle, ainsi de suite dans le développement des personnages jusqu'à un dernier acte qui m'a laissé davantage dubitatif. C'est peut-être là où je suis sensiblement déçu par le film de Sciamma qui m'a quelque peu perdu dans le cheminement psychologique finale de l'héroïne, jusqu'à une fin que je trouve hélas un peu facile, si ce n'est même convenue. Il n'empêche un beau film, finement réalisé et écrit, loin des clichés et horreurs qu'on lui attribue trop souvent. Mention spéciale pour les très chouettes scènes en musique.



http://ia.media-imdb.com/images/M/MV5BMTU2NjA1ODgzMF5BMl5BanBnXkFtZTgwMTM2MTI4MjE@._V1__SX1303_SY579_.jpg
John Wick, de David Leitch et Chad Stahelski (2014)

Un actioner jouissif et assumé comme on en voit malheureusement plus trop. Porté par une pur tradition du genre, un héritage de série B des années 80 comme on les aime, John Wick ne cède finalement pas aux sirènes des modes actuelles concernant l'action. Enjeux simples, pas d’esbroufe scénaristique et action filmée de manière fluide et lisible sont les maîtres-mots. Évidemment, c'est dans cette dernière caractéristique que le film exploite toutes ses qualités, les deux réalisateurs, venant eux-même du milieu de la cascade, ayant parfaitement compris comment filmer l'action, pour un résultat qui fait quasiment figure de modeste modèle du genre dans certaines séquences, notamment la boîte de nuit.

Devant la caméra, un Keanu Reeves charismatique qui fait plaisir à voir, s'éclatant dans le rôle (il est au passage également producteur) et dans lequel on peut même entre-apercevoir un petit côté auto-biographique, Reeves ayant-lui même perdu sa femme il y a une dizaine d'années. L'univers du film est quelque part assez soigné, avec cette confrérie curieuse mais rigolote de tueurs, ça ne tombe pas dans le piège de l'overdose de sérieux... ou d'idiotie. Dommage que le duel final soit un peu décevant, mais peut-être est-ce de la gourmandise, car après tout, Keanu Reeves tue quand même déjà beaucoup de gens dans ce film.

Au passage, c'est un peu le film de la rédemption pour Jonathan Sela, le directeur de la photographie, qui avait pourtant fait l'une des pires photographies possibles sur Die Hard 5. Tu es pardonné, mon fils !



EN VIDÉO 


http://4.bp.blogspot.com/-wBuoaZHv5ZQ/VEfc8zxW4BI/AAAAAAAAASI/qnO8nEzY0cs/s1600/Le%2Bsauvage.jpgLe Sauvage, de Jean-Paul Rappeneau (1976)

Il devient presque incroyable de se dire qu'il y a une quarantaine d'années, la comédie d'aventures ne se résumait pas à Kad Merad parcourant le monde. Joyaux d'une fraicheur inégalable mais malheureusement un peu oublié, Le Sauvage refait peau-neuve grâce à une restauration numérique qui était bien nécessaire.Une heure quarante de dépaysement sur un ton bon-enfant à l'entrain si typique du cinéma français des années 60/70, cela ne se refuse pas. L'efficacité du duo Montand/Deneuve est totale, l'alchimie fonctionne à merveille.

D'ailleurs la fameuse alchimie ne se fait pas qu'entre les acteurs, mais à un niveau beaucoup plus général, tout fusionne dans le film, des images magnifiques captées par Rappeneau à la musique comme toujours remarquable de Michel Legrand. Le film propose des pans de comédie, d'aventure (dont une géniale poursuite) et bien entendu de romance, mais à nouveau tout converge vers le sentiment de beau qui s'en dégage, manifesté par le sourire non-stop du spectateur. Que du bonheur, merci Rappeneau.

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http://www.impawards.com/2013/posters/hobbit_the_desolation_of_smaug_xlg.jpgLe Hobbit : La Désolation de Smaug, de Peter Jackson (2013 - version longue)

Revisionnage.

J'ai beau avoir adoré le premier volet du Hobbit (que je trouve d'ailleurs être peut-être meilleur que ce qui a été fait sur le Seigneur des Anneaux, du moins ça me parle davantage), je ne savais trop quoi penser de la Desolation de Smaug lorsque je l'ai vu l'an passé. La sortie de la version longue (avec des ajouts relativement substantiels, 25 minutes rien que ça) offre la perspective d'un regard nouveau, peu de temps avant la sortie du chapitre de conclusion.

Au niveau des ajouts, il y a à boire et à manger, et certains sont placés sous le signe d'une grosse lourdeur. Le film met du temps à démarrer, passé un flashback qui a été malheureusement alourdi, et c'est vraiment là qu'on se rend compte que tout l'intérêt du film débute dans la forêt de Mirkwood, séquence qui pour le coup marche réellement bien, beaucoup mieux que dans mes souvenirs. Cela dit, c'est aussi là où un problème de taille se pose en parallèle: les mésaventures de Gandalf face au fameux Nécromancien sont encore plus lourdingues qu'avant, la faute à un montage vraiment calamiteux qui tue le rythme mais aussi une action pas franchement palpitante trouvant sa conclusion dans un face-à-face raté.

C'est dommage, parce que le film étale des qualités remarquables et séquences qui marchent vraiment bien, jusqu'au final avec Smaug que j'ai trouvé à nouveau bien plus convaincant et réussi que dans mes souvenirs. Reste ce final franchement douteux qui laisse un goût amer. Globalement, avec du recul, mon avis n'a pas tant que cela changé, le film reste correct, j'apprécie davantage les qualités mais vois peut-être encore plus ses défauts, des séquences hors-sujet ou trop lourdes aux quelques fautes de goût qui sont parfois inexplicables. Dommage, à nouveau.

Pour une critique plus en détails, celle que j'avais rédigée lors de la sortie du film se trouve ici.

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Révélations, de Michael Mann (1999)

Revisionnage.

Un Michael Mann qu'on oublie bien trop souvent dans sa carrière moderne, et pourtant il s'agit-là d'un des sommets du thriller paranoïaque, dans la grande lignée de ceux des années 70. Sans aucun doute l'un des meilleurs films de son auteur, The Insider est le plus maitrisé et finement écrit, à l'ambiance discrète mais pourtant omniprésente, et à la direction d'acteurs encore une fois terrassante.

Encore une fois, on renoue avec cette ambiance pesante et magnétique, d'autant plus travaillée par la précision étouffante dans le découpage du metteur en scène. De son statut de cinéaste post-moderne, Michael Mann a beau être dans une logique de mise en scène très "sur le vif", chaque cadre répond à une pensée précise et contrôlée, comme certains grands formalistes d'Hollywood classique qui se lâchaient dans le symbolisme de leurs plans. Ici, les conversations sont une fois de plus filmées comme des duels de western, avec des rapports de force changeants. Immense film.

D'ailleurs, de manière plus générale, quel autre réalisateur peut rendre aussi cinématographique une conversation par  fax ? C'est dire !

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http://scriptshadow.net/wp-content/uploads/2013/04/rosemarys-baby-poster.jpg
Rosemary's Baby, de Roman Polanski (1968)

Revisionnage.

Que dire ? Que rajouter ? Je l'ignore. Tout est encore d'une modernité détonante dans le film de Roman Polanski, avec une intelligence, une sobriété et une subtilité (ou non-subtilité parfois !) qui devrait davantage servir de modèle aux productions actuelles du genre qui se contentent trop souvent d'agresser le spectateur. Une fois de plus, Polanski a compris que l'immense force de l'horreur réside avant tout dans la création d'un drame intime, donc l'existence de vrais et beaux personnages.

On y distingue également un vrai plaisir de metteur en scène, car chaque plan regorge de notions symboliques, fidèles aux obsessions de son auteur, parvenant à ancrer le surréalisme de l'histoire dans l'univers contemporain façon Nouvel Hollywood du film. Les présences de Mia Farrow et John Cassavetes apportent d'ailleurs une réelle énergie au genre, une nouvelle jeunesse qui permet à Rosemary's Baby d'être encore davantage moderne. De plus, à la manière du hélas assez sous-estimé La Neuvième porte, c'est toujours extrêmement plaisant de voir un auteur obsessionnel aller au bout de son idée, ne pas renoncer en plein chemin et retourner la nature du film, comme d'autres réalisateurs l'auraient fait.

Chef-d’œuvre intemporel et matriciel (le mot est lâché, une fois de plus !), à voir et à revoir. D'ailleurs j'ai moi-même envie de revoir toute la fameuse trilogie des appartements de l'ami Roman.

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http://images.moviepostershop.com/monty-python-and-the-holy-grail-movie-poster-1975-1020465243.jpgMonty Python : Sacré Graal, de Terry Jones et Terry Gilliam (1975)

Revisionnage.

Comment passer à côté de l'opportunité de voir Sacré Graal au cinéma ? Je ne pouvais décemment pas. C'est chose faite. Et c'est surtout l'occasion de constater une énième fois tout le génie du film qui ne s'appauvrit pas à force de revisionnages, bien au contraire même. Le potentiel comique des vannes, celles plus subtiles comme les bien grasses (mais surtout les bien grasses) parait infini et transgénérationnel.

Rien n'est un hasard cela dit et derrière la caméra, les loufoques Anglais ont bien compris qu'une bonne comédie se devait également d'être traitée de manière réellement ambitieuse et cinématographique, même lorsqu'on a pas ou peu de budget. A l'heure des comédies sur-budgetisées et tournées comme des sitcoms, revoir une fois de temps en temps le modèle qu'est Sacré Graal fait du bien. Même sur le plan de l'écriture, tout est d'un millimétrage ahurissant, le rire n'est pas gratuit, il alimente des blagues en cascades construites avec une grande habileté et savamment réparties, garantissant un rythme impeccable et nous faisant à chaque fois trépigner d'impatience de savourer une fois de plus ces vannes que l'on connaît déjà par cœur.

De toute façon, c'est hilarant, difficile de mieux résumer l'expérience.

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http://www.impawards.com/1971/posters/man_in_the_wilderness.jpg
Le Convoi Sauvage, de Richard C. Sarafian (1975)

Un western-survival totalement atypique, bien que toutefois extrêmement représentatif des lubies et de l'originalité des années 70 dans le cinéma américain et de son fameux Nouvel Hollywood. Pas étonnant de retrouver derrière la caméra l'auteur de Vanishing Point, qui était déjà lui-même une ode à la liberté. Une fois de plus c'est un film qui est assez extrême dans son dispositif : il faut se dire qu'un bon tiers du film est constitué par l'agonie du personnage principal (Richard Harris, fabuleux d'ailleurs) au sol, après avoir été grièvement blessé par un ours. Le personnage se construit en résonance avec des flashback plutôt judicieusement amenés, en parallèle de la construction d'un "man versus wild".

Pour mettre en place cette sorte de fable sur l'homme et la nature, où la symbolique y est évidemment très forte, tout est très réduit, rien ne sombre dans le faste, tout doit aller droit au but. Certaines images fortes sont vraiment singulières (c'est quand même curieux de voir un navire traverser les terres forestières de l'Ouest) et l'atmosphère à la limite du surréalisme confère une belle identité au film, renforcé par la géniale et inattendue présente de John Huston devant la caméra. Encore une fois, c'est fou à quel point les westerns peuvent offrir plein de choses différentes !

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http://papystreaming.com/fr/files/2013/04/welcome_to_the_punch_poster.jpgWelcome to the Punch, Eran Creevy (2014)

Un gentil thriller plutôt efficace produit par Ridley Scott. Sur le plan formel c'est un film vraiment bien maitrisé, avec une réalisation fine et lisible, où d'ailleurs on sent que le réalisateur a bien révisé ses leçons héritées du cinéma Hong-Kongais. C'est sans aucun doute cela qui porte le film tout le long, et rattrape un scénario con comme la Lune.

Car c'est peut-être là où c'est bien dommage : avoir une écriture aussi bête pour une réalisation aussi soignée. Alors dans l'ensemble, le rythme est certes bon, pas le temps de s'ennuyer entre les péripéties, mais rien n'est vraiment appliqué : les personnages sont transparents et l'histoire peu intéressante. Malgré tout, certaines scènes sont remarquablement efficaces, fruits d'un réalisateur qui maitrise diablement bien sa caméra, et finalement on passe un moment agréable.

http://www.benitomovieposter.com/catalog/images/movieposter/i-comanceros-img-39837.jpg
Les Comancheros, de Michael Curtiz (1961) 

Ultime film de Michael Curtiz, Les Comancheros ne déroge pas à la règle de son auteur et est une fois de plus un western d'aventures bougrement entrainant. Alors évidemment, c'est du western qui brille, avec des couleurs flashy qui jaillissent de la chemise rouge de John Wayne, c'est du western bien rétrograde sur la condition des Indiens (j'avoue que sur ce point-là, le discours m'a laissé plutôt sceptique, surtout pour un film de 61) et c'est du western pas forcément subtil. Cela dit, il n'empêche qu'on passe un joyeux moment dans une histoire savamment emmenée.

Michael Curtiz a le chic pour faire croiser aux héros dans ses films d'authentiques figures, des seconds rôles souvent précieux et apportant pas mal à l'atmosphère. Évidemment, on repense au caverneux Lee Marvin, mais également à un autre personnage assez intrigant, le chef des comancheros interprété par Nehemiah Persoff : ce n'est pas banal de voir, dans un western, un chef de bande en chaise roulante. Toujours le genre de petit détail qui fait toute la différence ! En sus on retrouve les qualités habituelles de Curtiz, c'est-à-dire une mise en scène impeccable, d'autant plus sublimée ici par un cinémascope redoutablement bien maitrisé, bien plus que John Ford d'ailleurs.

Ultime film qui se savoure avec plaisir, donc. Au passage, les fans d'Indiana Jones seront aux anges : l'arrivée de John Wayne est une influence explicite, jusqu'à même la musique l'accompagnant. Génial à voir !

En revanche, peut-être quelque chose m'a échappé, mais ça m'étonne un peu qu'un western se déroulant en 1843 utilise des armes aussi modernes que cela, notamment les Winchesters...

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http://2.bp.blogspot.com/-OM_zzDjgtJI/UfOM6S17k_I/AAAAAAAAG5s/pKVVBuZwfLA/s1600/Stalingrad+(1993).jpgStalingrad, de Joseph Vilsmaier (1993)

Un choc. Et je ne m'y attendais pas. Cela dit, le fait que ce soit les mêmes producteurs que Das Boot ne m'a finalement pas tant étonné que cela. C'est un film terrifiant, étourdissant, profondément plombant. Je n'en suis pas ressorti indemne. Et à contrario du film de Wolfgang Petersen, ici, dans le froid de Stalingrad, la camaraderie ne compense même plus les horreurs dont on est témoin.

Les scènes de bataille sont retranscrites d'une manière extrêmement dure et viscérale, et rarement l'horreur vécu par les soldats n'aura été aussi bien captée (surtout la bataille dans la neige contre les blindés soviétiques, c'est terrifiant). C'est aussi un film qui a un point de vue extrêmement juste, finement écrit dans son rapport au front Russe. Évidemment il hérite beaucoup de Croix de Fer, mais il reste une production comme j'en ai rarement vue, un film de guerre comme on en fait plus depuis longtemps en Europe.

Difficile d'en parler sans se lancer dans une grande critique complète (à l'occasion, peut-être), mais c'est définitivement à voir. En tout cas, ça m'a brisé. C'est fort.

Pour info, le film semble être dans le domaine public et est disponible ici sur archive.org.

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