vendredi 6 novembre 2015

[Avis en vrac] Vus et revus en 2015 #7

Le Bouton de Nacre, de Patricio Guzmán (2015)

AU CINÉMA - ACTUALITÉS


Seul sur Mars, de Ridley Scott (2015)

A l’aube de la possibilité d’un voyage sur la planète rouge, longtemps exploitée au cinéma dans des œuvres plus ou moins fantasques, plus ou moins réussies (dont il faudra surtout retenir le très sous-estimé Mission to Mars de Brian De Palma et bien entendu Total Recall de Paul Verhoeven), Seul sur Mars arrive à point nommé. Transcendant le retour à la mode de la « hard SF » par une déconstruction méthodique d’un genre marqué par le solennel, il est une parenthèse ludique, optimiste et tout bonnement agréable, à la fois dans la filmographie de son auteur mais aussi face au cinéma hollywoodien contemporain. Mais il marque également, une fois de plus, le talent hors-norme de sir Ridley Scott pour ses invitations à des périples hors-du-commun qui forgent son identité de cinéaste démiurge.

Critique à lire sur Filmosphere.com :



Ni le ciel, ni la terre, de Clément Cogitore (2015)

En voilà un splendide premier film ! Ni le ciel, ni la terre (quel beau titre) est materné par l'influence du Désert des Tartares, splendidement palpable mais jamais prépondérante. Le voyage est incroyable car Cogitore filme l'Afghanistan avec un ton réel certain, tout en conservant la force mystique de ces terres imprenables, évidemment trait important pour son récit. L'ambiance est pesante alors que l'on est en parallèle fasciné par le pays. Mettant en scène un conflit que la France n'aime pas avouer, le film parvient à rentrer dans le vif du sujet sans pour autant en avoir trop dit ou trop montré. C'est aussi un superbe rôle pour Jérémie Renier, comme tout le reste du casting, en phase avec l'esprit, avec les personnages, avec la belle ambition du film. Chapeau.

Fiche Cinelounge


Le Bouton de Nacre, de Patricio Guzmán (2015)

Élégant, singulier, beau. C'en est même plutôt curieux, puisque l'on se retrouve face à un film aux thématiques vastes (l'eau, l'humanité, le cosmos, la culture) mais qui s'avère être finalement d'une simplicité des plus exemplaires. En dissertant autour de l'élément aquatique au Chili, Le Bouton de Nacre voyage dans le temps et l'espace à travers l'Histoire compliquée du pays. En fin de compte, c'est un peu un poème. Un poème qui parle de vie et de mort, comme l'océan lui-même en devient témoin, berceau des hommes pour les uns, cimetière insondable pour les autres. L'heure vingt passe à toute vitesse dans ce périple cinématographiquement superbe, qui vaut bien un coup de cœur. Largement de quoi me donner envie de me pencher un peu plus sur la filmographie de Patricio Guzmán.

Fiche Cinelounge 



Le Fils de Saul, de László Nemes (2015)

Rude entreprise pour un premier film que d'attaquer les camps de la mort en fiction, alors que se multiplient les œuvres malhonnêtes sur la Seconde Guerre Mondiale. L'angle d'attaque de László Nemes est parfait : en s'attaquant au quotidien morbide des sonderkommandos, il évite la redite et surtout sait alors quoi montrer ou ne pas montrer. C'est là l'essentiel de la réussite du Fils de Saul. Dans un cadre 1.37 qui se voit justifié par la mise en scène et plus simplement l'écriture globale du film, tout est dit alors que le minimum a été montré. Le travail sur l'ambiance (visuelle et sonore) est impressionnant autant qu'il décrit une machinerie de la mort terrifiante, où les allemands sont d'ailleurs souvent en retrait, gardes-chiourmes au loin ou officiers en plein tourisme. C'est bien là le plus horrible, cette impression que le camp pourrait presque fonctionner seul, l'essentiel des bourreaux ou complices des bourreaux (dont, hélas, les sonderkommandos) étant eux-même prisonniers. Indirectement, le film pose des questions morales fascinantes. Reste peut-être ce personnage de Saul, dont mon intérêt pour sa quête n'a pas été toujours à la hauteur de "l'univers" qui l'entoure, ou même de ses camarades d'infortune. Néanmoins, une réussite qui force le respect.

Fiche Cinelounge



Maryland, d'Alice Winocour (2015)

La coïncidence du calendrier de sorties a voulu que Maryland soit distribué conjointement à Ni le ciel, ni la terre, ce qui est tout de même génial quand le film de Winocour est quelque part la suite de celui de Cogitore : le retour et la reconversion d'un traumatisé de guerre après l'Afghanistan. La co-scénariste de Mustang taille d'ailleurs ici un étonnant écho au film franco-turc, dans cette alternative de film de "forteresse". Car si dans l'un il fallait s'en échapper, dans l'autre se crée une sorte de huis-clos où il faut la protéger des envahisseurs. Matthias Schoenaerts, imposant, bestial, mais aussi fragile, s'impose encore une fois comme l'acteur du moment, peut-être au détriment d'une Diane Kruger plus anecdotique. Mais qu'importe, sacrée ambiance, sacrée maîtrise, et une fois de plus, un film politiquement pas anodin.



L'Homme irrationnel, de Woody Allen (2015)

L'adage dit qu'avec Woody c'est un film sur deux. Mais je ne suis pas toujours d'accord : autant je trouve que L'Homme irrationnel est certes fort loin du merveilleux Magic in the moonlight, autant j'y ai trouvé un film agréable qui n'est ni vain, ni dénué d'intelligence. Alors, nous ne leurrons pas, outre ce bon vieux Woody, il faut saluer ses deux comédiens principaux qui éclairent comme magistralement tout le film. Allen semble amoureux d'Emma Stone lorsqu'il la filme, et à partir de là je suis d'ores et déjà conquis, d'autant plus avec un personnage si simple, si beau. En face, le certain cynisme avec lequel est traité le superficiel mais tendre (et quand même méprisable) personnage de Joaquin Phoenix complète parfaitement le charmant duo. Bien que l'intrigue mette une plombe à démarrer, les personnages me suffisent, jusqu'à ce dénouement à la fois facile et ingénieux. Et puis, fort heureusement, Allen peut encore compter sur le fidèle Darius Khondji pour éclairer ses images : car si ici il n'est pas question d'une photographie aussi léchée que son précédent, il est toujours bon de pouvoir délivrer des esthétiques aussi simples tout en étant aussi soignées. Et au moins Allen n'a pas besoin de hurler sur tous les toits qu'il tourne encore en pellicule.

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Crismon Peak, de Guillermo del Toro (2015)

Parmi les quarante-sept mille six cent vingt-sept projets entretenus par Guillermo del Toro, fort heureusement, certains voient le jour, et l’auteur mexicain signe ici ce qu’il qualifie lui-même de « son meilleur film ». Si Crimson Peak est indéniablement le fruit d’un artisan expert en la matière, il est aussi, plus étonnement, l’un de ses films les plus imparfaits. Exercice de style certes savant mais laissant un goût d’inachevé, il expose peut-être ici les limites du cinéaste au sein de la production américaine contemporaine, tout en étant une parenthèse plus que bienvenue dans un genre en chute libre.

Critique à lire sur Filmosphere.com :
http://www.filmosphere.com/actus/news/crimson-peak-guillermo-del-toro-2015

Fiche Cinelounge


The Walk : Rêver plus haut, de Robert Zemeckis (2015)

La marque de Robert Zemeckis, formé à l’école Amblin, c’est d’être un expérimentateur hors-normes au sein du cinéma américain. Un certain nombre de ses œuvres peut se targuer d’un talent visuel pas loin d’être visionnaire qui cache (ou non, parfois) un extravagant sens du récit. C’est un pur cinéaste de l’artifice, mais qui prend la peine de s’interroger dessus. Le vertigineux projet The Walk étant tout à fait susceptible de s’accorder à ce genre d’ambition, il faut maintenant se demander comment il peut arriver à transcender cette performance au-delà d’un quelconque (mais potentiellement flamboyant) exercice de style. Le paradoxe, c’est qu’en essayant justement d’aller plus loin, il tend à se gaufrer assez maladroitement et signe un métrage complètement hétérogène.

Critique à lire sur Filmosphere.com :
http://www.filmosphere.com/movies/the-walk-rever-plus-haut-robert-zemeckis-2015

Fiche Cinelounge


Everest, de Baltasar Kormákur (2015)

La perspective d'une sorte de survival sur la fameuse montagne himalayenne dans un film 3D a largement de quoi séduire, surtout depuis la redécouverte de l'incroyable L’Épopée de l'Everest de J.B.L. Noel. Mais pour faire court, c'est presque déconcertant de se dire que malgré le fait qu'il y ait presque un siècle séparant les deux films, Everest peine à proposer quelque chose de plus saisissant ou même impressionnant que le documentaire. Parce qu'il y a trop de personnages (pas toujours intéressants), trop d'apartés mélos, trop d'exposition, le film perd en intensité. Surtout que malgré quelques belles images dispersées çà et là, les prises de vue manquent de réel, trop chargées par divers effets, mouvements de caméra ou autre qui trahissent ce que le film tente de mettre en scène. Et en parallèle la stéréoscopie n'offre jamais vraiment quelque chose, conversion oblige. Du coup on se retrouve face à un petit film d'aventures, moyennement ambitieux, moyennement ficelé, moyennement réussi. Oubliable, hélas.

Pan, de Joe Wright 2015)

Aie aie aie ! Je l'attendais, le nouveau film du virtuose Joe Wright. Pan, c'était l'occasion pour le réalisateur britannique de s'éclater dans une production à gros budget potentiellement personnelle, comme Sam Raimi et son Monde Fantastique d'Oz. En réalité, c'est surtout l'occasion de salement s'échouer. Alors certes, le pire va aussi côtoyer le meilleur ou pas loin. Dans un prologue laborieux et peu convaincant, on retrouve d'emblée la scène d'action la plus inventive et plaisante du film, ressenti qui ne sera jamais vraiment renouvelé par la suite. Wright étale un univers bien trop convenu malgré ses petites fantaisies qui ne font qu’apparaître à l'écran, et surtout, ne prend pas le temps de développer ses personnages, tous interprétés soit par des comédiens absents devant leur fond vert (Rooney Mara ou le jeune Levi Miller), soit en roue libre (Hugh Jackman). Seul Garrett Hedlund semble un minimum porter le film... Il n'en reste finalement qu'une succession de péripéties pas très inspirées, malgré les efforts d'une mise en scène hélas charcutée par un montage trop abrupt ou une surcharge d'effets numérique peu maîtrisés. Quand, en parallèle, John Powell compose l'une de ses meilleures partitions, incroyable d'épique et de tons mélodieux, difficile de ne pas penser à un certain gâchis, peut-être provoqué par la Warner qui a conduit n'importe comment la production du film.

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Vers l'autre rive, de Kiyoshi Kurosawa (2015)

Je ne suis pas un familier de ce Kurosawa-là, et pour cause, Vers l'autre rive est ma première œuvre du bonhomme. Malheureusement je doute renouveler l'expérience, car je suis sorti relativement ennuyé de ce métrage certes plein de poésie et de bonnes idées, mais d'une sobriété excessive qui n'a pas remporté mon adhésion. Autant j'aime ce concept, j'aime la simplicité avec lequel il est amené, j'aime cette manière de ne pas chercher le rationnel, mais passé un cap la démarche devient presque abusive, et être largué pendant presque tout le récit finit par peser. Tadanobu Asano est tout à fait remarquable, mais la plombante Eri Fukatsu gâche trop souvent l'histoire, déjà assombrie par une direction photo grisâtre, typique de ce pâle numérique que je n'apprécie pas du tout, et que je retrouvais déjà dans Still the Water. Pas pour moi, hélas.

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En mai fais ce qu'il te plaît, de Christian Carion (2015)

Que c'est convenu, bon sang ! Autant de moyens pour un film qui semble n'avoir rien à dire sur son sujet, traité comme il le serait dans un vulgaire téléfilm. Où est l'âme dans En mai, fais ce qu'il te plaît ? Où est l'humain, le vrai ? Pas cette vision enjolivée de l'exode de 40. Où sont les pillages, où sont les abandons, où est la violence ? Une poignée de cadavres avec quelques tâches de sang proprettes, ça ne rime à rien pour un film de cette envergure. Autant c'est bien de préserver un film humaniste, autant si c'est pour un regard si convenu sur des évènements déjà battus et rebattus, ça n'est pas la peine. De plus, au vu de la situation actuelle, une vision plus politisée d'un tel exode aurait pu s'avérer très intéressante. Mais non, c'est une énième production polie, avec son casting désincarné qui récite platement toute ses lignes (même - et surtout - Olivier Gourmet, c'est désolant de l'admettre), sa flopée de panzers pour faire gros budget (en revanche, les avions en image de synthèse, ça se voit et ça n'est pas beau) et tous les écueils habituels : mise en scène académique, photographie plate, montage fade. Certes, il y a Ennio Morricone à la partition, mais il ne peut même pas se fendre d'une bonne utilisation de son œuvre. Ça n'est pas désespérément mauvais, finalement, c'est juste désespérément fade et sans idées. Quel gâchis.

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The Visit, de M. Night Shyamalan (2015)

Dans la galaxie de mauvaises idées qui illuminent le paysage du cinéma de genre américain contemporain, le nouveau film de M. Night Shyamalan est susceptible de conférer au réalisateur d’Incassable le titre de pire dégringolade artistique de l’histoire du cinéma, quelque part aux côtés des Dario Argento et consorts. Projet certes personnel, il témoigne toutefois de l’échec de l’auteur à chercher, depuis maintenant des années, une réinvention de son cinéma, ici par le found-footage et la ré-écriture de la grammaire cinématographique. En résulte un certain moment de gêne, cliché, presque parodique, surtout désolant.


Critique à lire sur Filmosphere.com
http://www.filmosphere.com/movies/the-visit-m-night-shyamalan-2015

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AU CINÉMA - RESSORTIES


Irma la Douce, de Billy Wilder (1963)

Comment peut-on ne pas aimer Billy Wilder ? Encore une fois, c'est ce que l'on se dit devant Irma la Douce. Portant ici une romance douce et osée, il expose sa maestria habituelle quant ses personnages qu'il affectionne tant. Mais surtout, ce qui impressionne, dès le premier plan, c'est l'incroyable travail de direction artistique, signée par l'immense Alexandre Trauner. Et dans la mesure où j'ai un immense faible pour les représentations hollywoodiennes de Paris, le film de Wilder y filme sûrement la plus réussie, orgasme constant pour les yeux dans cette myriade de détails et cette ambiance qui finalement révèle bien la patte décorative des directeurs artistiques français. Alors quand bien même le film est un brin longuet, du haut de ses deux heures et demi, il se dévore tout de même non sans passion, non sans être subjugué par tout ce charme, cette belle histoire, cet humour typique de Wilder, et ce couple Jack Lemmon / Shirley McLaine, ponctué par l'hilarant Lou Jacobi. "But that's another story !"

Fiche Cinelounge 

Osterman week-end, de Sam Peckinpah (1983)

Revisionnage.

L'ultime film de Sam Peckinpah est un objet complètement passionnant. C'est une œuvre largement plus imparfaite que ses grands chefs-d’œuvre à bien des égards, peut-être moins inventive cinématographiquement, et pourtant, il se dégage d'Osterman week-end une référence du film paranoïaque. Clôturant une vague surtout entamée dans les années 70 (comme dans Conversation Secrète) il y insère ici le média télévisuel (cher à Peckinpah, qui y a fait ses débuts), plus généralement la vidéo, qui change toute la donne et rend le film presque prophétique dans cette obsession de l'image qui caractérise si bien notre société (de surveillance) contemporaine. Il y a ce truc pervers dans la captation de l'image, comme un pouvoir sur les agissements de la victime, ce qui évidemment sied aux personnages de Peckinpah. Et il s'amuse de ce média qui est tantôt celui de la mort, tantôt celui de mensonge, ultimement celui de la vérité. Puis c'est aussi une rencontre géniale entre John Hurt, Rutger Hauer et Burt Lancaster. Largement de quoi pardonner les quelques confusions scénaristiques, qui ont également leur charme dans la mesure où elles participent à ce chaos mensonger ambiant, où les apparences non seulement ne sont pas ce qu'elles sont, mais en plus s'avère mortelles.

Fiche Cinelounge


Bugsy Malone, d'Alan Parker (1976)

Bugsy Malone (puisque son titre original est tellement plus beau) aurait pu être un film insupportable et braillard s'il n'était pas avant tout filmé avec l'intelligence du britannique Alan Parker. Car si faire un film de gangsters en comédie musicale avec des gamins, c'est alors tout un concept, il aurait pu vite s'épuiser sur l'autel de la plaisanterie. Mais non, par-dessus tout, c'est un vrai film de cinéma, un vrai film de gangsters, une vraie comédie musicale. Sans que ce soit le film le plus brillant de Parker, c'est finalement un fin hommage cinéphile, prenant comme tout malgré son léger ventre mou dans l'écriture avant la résolution. Enfin, c'est aussi l'occasion d'être une fois de plus sous le charme de la - déjà - magnifique et géniale Jodie Foster... Au passage, c'est quelque part désolant de constater comment l'influence de ce beau film d'Alan Parker s'est muée dans le cinéma français pour devenir Big City.

Fiche Cinelounge


N.B. : Oui, j'ai évidemment revu Blade Runner lors de sa sortie en salle, mais ayant déjà écrit quelques lignes récemment à son sujet, je ne veux pas m'aventurer à nouveau dans cet exercice incroyablement ardu qu'est parler de son film préféré.


EN VIDÉO


The Crossing 2, de John Woo (2015)

Je l'attendais très fermement, cette deuxième partie de l'épopée The Crossing. Dans un premier temps, il faut bien avouer que j'ai été totalement déboussolé par cette première demi-heure au montage et à la narration relativement chaotiques, entremêlant et répétant des chapitres du premier volet. Pourquoi John Woo force-t-il de la sorte son film de destins croisés ? Je l'ignore. Toutefois, il renoue, dans la deuxième heure, avec le grand cinéma mélodramatique dont il est capable, transcendant alors cette suite et éclipsant quelque peu les errances de son début. De la même manière que la première partie, à la douce influence de Docteur Jivago, il exploite ici, comme James Cameron dans Titanic (dont on peut soupçonner une certaine influence ici) la fresque socio-historique qui se noue autour de la fameuse catastrophe. Tout le final, somptueux, déchirant, révèle le potentiel de personnages que Woo aura eu peut-être un peu de mal à construire, mais qui finalement, en valaient bien la peine. Un montage de trois heures, réunissant les deux films, pourrait éventuellement transcender le potentiel chef-d’œuvre contenu dans les incroyables images de The Crossing.


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USS Alabama, de Tony Scott (1995)

Revisionnage.

Je suis quelque part assez ébahi par la maîtrise de Tony Scott, qui arrive à s'introduire dans le genre fermé du "film de sous-marin", en passant juste après John McTiernan et son inimitable A la poursuite d'Octobre Rouge, sans souffrir de la comparaison. Au-delà de l'immense talent visuel du réalisateur disparu, il y a derrière USS Alabama un scénario surtout béton (d'ailleurs script-doctoré par un certain Quentin Tarantino, non crédité évidemment) posant finalement assez subtilement ses enjeux post-guerre froide. La hiérarchie au sein d'un pouvoir de fin du monde est remise en question, alors que le film aborde implicitement le racisme sans jamais en avoir vraiment parlé. A l'image, le face-à-face Denzel Washington et Gene Hackman bouffe la pellicule, transcendé par l'incroyable photographie aux couleurs saturées de Dariusz Wolski (aujourd'hui directeur de la photographie pour Ridley Scott, comme quoi) et l'imposante musique d'un Hans Zimmer, qui valait encore quelque chose à l'époque, ici secondé par Harry Gregson-Williams. Une des plus grandes réussites de son auteur.

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Tarzan s'évade, de Richard Thorpe (1936)

Le code Hays est passé par là et cela se ressent. Exit l'érotisme qui faisait tout le charme de la saga. Tarzan s'évade devient un film d'aventure terriblement lambda, voire même assez foutraque à cause d'un sévère manque d'intrigue, et probablement de certains problèmes de production. Pas moins de cinq réalisateurs sont vraisemblablement passés dessus (dont William Wellman), pour le résultat le plus dispensable possible. Alors certes, quelques moments de bravoure sont toujours là, Johnny Weissmuller assure toujours le show... Mais que de déception face à cette soudaine pudeur apparue dans la saga !

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Un frisson dans la nuit, de Clint Eastwood (1971)

Revisionnage.

Ce qui est absolument remarquable, ça n'est pas tant qu'Un frisson dans la nuit soit un excellent premier film, mais c'est de se rendre compte à quel point il trace une ligne directrice programmatique dans la carrière de Clint Eastwood. Presque dès le premier plan d'ailleurs, cet incroyable travelling aérien, à la sobriété matricielle. Le film révèle évidemment le grand cinéaste du drame qu'est Eastwood, fin créateur de personnages, comme en témoigne sûrement cette séquence amoureuse sur fond de "The First Time I Ever Saw Your Face". L'exploit est d'ailleurs double puisque lui-même, acteur, se maîtrise remarquablement bien dans son auto-direction. On pourra toujours imaginer les quelques conseils que lui aura prodigué son mentor Don Siegel, présent dans le casting. Costaud, le Clint.

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La Chevauchée fantastique, de John Ford (1939)

Du western épique signé John Ford, c'est bel et bien La Chevauchée fantastique. Pour se dire à quel point le film est moderne (ou intemporel, c'est selon), il faut voir comment Ford façonne une action virtuose avec un rythme effréné, tout en prenant le soin de ne jamais délaisser ses personnages, sans pour autant les avoir démystifiés en en disant trop. Évidemment, c'est Mad Max : Fury Road avant l'heure (et Miller s'y réfère), mais c'est aussi l'instauration de tout ce qui configurera la figure archétypale du western américain, sous son plus beau jour. Rien que le premier plan sur John Wayne, l'iconisant de la manière la plus ultime qui soit, est un moment de cinématographie incroyable et unique. A voir et à revoir, comme un manuel de cinéma.

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Tremblements de terre, de Mark Robson (1974)

Avant San Andreas, il y avait Tremblements de terre, dont le film- catastrophe récent est quasiment un remake. Sorti presque en même temps que l'indélogeable La Tour infernale, il poursuit la mode entamée par L'Aventure du Poséidon. Sans que le film atteigne le génie du John Guillermin, il en demeure toutefois une aventure certes pas originale pour un sou, mais relativement bien fichue dans sa description du chaos de la catastrophe sismique. En dépit de son âge, le film est visuellement solide, voire même assez impressionnant parfois, tout en se payant le luxe de pouvoir compter sur un chouette casting : le viril Charlton Heston toute comme les apparitions plus légères de Walter Matthau (même s'il faut en revanche endurer l'insupportable - et devenue hideuse de surcroît - Ava Gardner). Alors certes, quelques passages frisent le ridicule, mais la conclusion surprend, et va jusqu'à faire ce que les productions d'aujourd'hui n'osent plus faire. Sympathique pour les amateurs du genre, en somme.

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El Dorado, de Howard Hawks (1966)

Je trouve souvent très beaux ces westerns de la fin de l'ère classique, un peu perdus dans la nouvelle modernité qui s'installe dans le cinéma américain, et laissant la part belle à ces vieilles vedettes se moquant mutuellement de leur état déplorable. El Dorado peut évidemment s'apparenter à une forme d'écho vis-à-vis de Rio Bravo, mais peut-être plus décomplexé, l'âge des protagonistes jouant, et laissant la part belle à un esprit plus jeune, ici incarné par le pétaradant James Caan. C'est une histoire où les personnages sont superbes, extrêmement attachants. En parallèle, Hawks ne se prive pas de réaliser un génial western d'action, aux fusillades dynamiques, modernes, sans musique... Aucun doute sur le fait que Michael Mann soit allé (en partie, du moins) chercher chez Hawks sa manière si crue de filmer ses gunfights. Remarque un peu triviale, mais j'ai trouvé le sound-design des armes particulièrement réussi. Au moins autant que cette somptueuse chanson d'introduction. Bref, un beau western que voilà.

Fiche Cinelounge


Les Proies, de Don Siegel (1971)

Revisionnage.

Œuvre sûrement la plus méconnue de l'incroyable collaboration entre Don Siegel et Clint Eastwood, Les Proies figure sans aucun doute parmi ses plus grandes réussites, sorti la même année (excusez du peu) que L'Inspecteur Harry (trilogie de chef-d’œuvres complétée plus tard par L'Evadé d'Alcatraz). Parfait film du Nouvel Hollywood, montrant une fois de plus comment Siegel, ce vieux briscard élevé à la série B, a su se métamorphoser avec son temps, il comporte aussi l'une des meilleures interprétations d'Eastwood, tout simplement. Il transcende ici cette inquiétante figure fantomatique et perverse (comme il le fera aussi, légèrement différent, dans L'Homme des hautes plaines, sorti deux ans plus tard). Western qui finalement n'en est pas du tout un, film sur la guerre de Sécession sans bataille, romances multipliées sans amour, le film de Siegel exploite judicieusement cet envers du décor, comme l'envers de son acteur, finalement. Une tragédie glauque, terrifiante, géniale.

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Le Sang du châtiment, de William Friedkin (1987)

Film plutôt compliqué pour son auteur (l'ayant complètement remonté dans une director's cut - version vue ici - qui change le fond politique du film), Le Sang du châtiment est en fin de compte autant maladroit que passionnant. Pas réellement abouti sur la forme, assez pauvre compte-tenu des films du même réalisateur, malgré quelques fulgurances visuelles, il pose tout de même des questions de fond réellement entraînantes sur le pour et le contre de la peine capitale. Moralement discutable, et se revendiquant comme tel, il expose froidement, dans ce montage alternatif, sa vision de la chose, assez intelligemment pensée pour remettre en question, le temps de quelques secondes, des principes pourtant déjà bien acquis dans la culture européenne. Si l'on veut d'ailleurs s'amuser à poursuivre le fameux parallèle entre les carrières de Michael Mann et William Friedkin, on pourra toujours remarquer que, d'une certaine manière, Le Sang du châtiment répond à des questions posées dans Le Sixième sens (Manhunter, sorti l'année auparavant). Et inversement. Assez intrigant.

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Convoi de femmes, de William A. Wellman (1951)

On pense régulièrement que le western est un genre profondément macho. Pourtant, force est de constater que bien des grands westerns offrent des rôles de choix aux femmes, premiers rôles ou seconds rôles, et Convoi de femmes l’illustre encore mieux. L'enjeu est des plus primaires mais pourtant universel : amener des femelles à une tribu d'hommes perdue dans les confins de l'Ouest. Et la perspective d'un film d'aventures mettant en scène une majorité de protagonistes féminins marche parfaitement, sans que Wellman n'en face trop : chaque femme trouve une place juste et contribue à la survie du groupe dans des terres hostiles. Robert Taylor (qui n'a jamais été non plus un brillant acteur, malgré ses beaux rôles) se voit quasiment voler la vedette par son escorte féminine. Bref, un western moderne, honnête, dynamique, prenant, qu'il serait bon de redécouvrir.

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Un shérif à New-York, de Don Siegel (1968)

Revisionnage.

Évidemment, Un shérif à New-york paraît plus anodin à la vue des autres collaborations entre Eastwood et Don Siegel. Pourtant le film, aussi imparfait soit-il, a de quoi largement préfigurer L'Inspecteur Harry tout en affirmant la volonté de Siegel de rentrer dans cette nouvelle mouvance jeune du Nouvel Hollywood (encore lui, décidément, on y revient tout le temps). Si le déroulement de l'action est tout ce qu'il y a de plus convenu, la manière avec laquelle Siegel le filme, filme cet univers moderne, cette nouvelle jeunesse décadente, recèle l'essentiel de l'intérêt du film, finalement assez moderne, et faisant habilement le pont entre l'Ouest et l'Est, l'époque classique et l'époque moderne. Et puis, une fois de plus, retrouver Eastwood dans cette figure autoritaire sans merci, cela ne se refuse pas, surtout chez Siegel, qui ne fait de cadeaux à personne.

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Duel, de Steven Spielberg (1971)

Revisionnage.

Il y en a qui sont comme ça : à peine arrivés, ils cassent la baraque. Ce sont des Orson Welles, des Ridley Scott, des James Gray, que sais-je encore... Mieux : certains se payent le luxe de donner des leçons de cinéma avec un téléfilm. Duel, c'est évidemment tout ceci. C'est surtout incroyable. D'autant plus qu'avec la récente version restaurée en blu-ray, on peut enfin découvrir le film dans un format qui l'émancipe plus ou moins du média télévisuel original, désormais conforme à son exploitation cinématographique. Car si le cadre en 4/3 était déjà redoutablement anxiogène, aucun doute sur le fait que Spielberg sache alors déjà manier, avec une virtuosité incroyable, le moins étroit 1.85 avec lequel il fera des merveilles dans une bonne partie de sa carrière. Derrière ses formes d'exercice de style, c'est un pur film de son temps, où l'écriture de Richard Matheson confronte l'Amérique à elle-même, à son vide, à ses inquiétudes névrosées. Bref, à découvrir et à redécouvrir comme une leçon universelle, évidemment de mise en scène mais plus simplement d'écriture, ici prouesse d'efficacité et de simplicité. Peut-être que celui qui l'aura le mieux compris aujourd'hui, c'est George Miller et son Fury Road.

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Quand siffle la dernière balle, d'Henry Hathaway (1971)

Évidemment, j'aime cette figure patriarcale de Gregory Peck, que ce soit au figurée (dans Moby Dick) ou au sens propre (dans Du Silence et des ombres), donc un film d'Hathaway tournant explicitement autour de la thématique ne peut que me charmer. Mais pas complètement, finalement. Alors certes, on va retrouver plein de valeurs solides qui sont plus ou moins propres au réalisateur, sans ici qu'il soit particulièrement inspiré, mais le plus gênant demeure la quête de parenté. Trop naïve, trop niaise même, elle semble ramollir le film et Peck lui-même. Et c'est bien dommage car le reste ne manque pas nécessairement de saveur ou même de violence, à laquelle Peck va évidemment répondre pour protéger sa progéniture imposée. Plus simplement, disons que c'est bien tourné, mais un peu convenu et peut-être un peu dispensable dans la filmographie d'Hathaway.

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Mother, de Bong Joon-Ho (2009)

Un film assez étonnant. Car si Mother reprend la plupart des codes ou ficelles du thriller à la coréenne, l'injection d'un ton éminemment plus dramatique et intime (bien que cette dimension soit souvent restée présente) lui donne sa singularité. Surtout grâce à ce personnage de la mère, évidemment, fascinante et belle, remarquablement interprétée par Kim Hye-Ja, qui lutte pour la vie de son enfant. Et Bong Joon-Ho a finalement bien compris la simplicité nécessaire pour traiter de cette histoire : contrairement à certain de ses homologues ou ses autres films, ici, pas de chichi. C'est alors très agréable de pouvoir voir un cinéma de ce genre, habitué à l'excès, revenir aux choses simples. Simples comme cette séquence d'ouverture, où la mère danse dans les herbes en friche. En parallèle, le film sonde un passé tumultueux, matriciel de la violence, à mettre en parallèle avec celui de la Corée. Bref, un beau film.

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