dimanche 19 octobre 2014

[Avis en vrac] Le Sel de la Terre (2014), Balade entre les tombes (2014), Ninja Turtles (2014), Trapèze (1956), San Antonio (1945), Mary Reilly (1996) et World War Z (2013)

AU CINÉMA


Le Sel de la Terre, de Wim Wenders Juliano Ribeiro Salgado (2014)

Un peu honteusement, je confesse que c'est mon premier film de Wim Wenders. Je ne dirais pas pour autant que je regrette de commencer sa carrière par là car j'en suis sorti bouleversé. C'est un documentaire d'une véracité exceptionnelle, où l'on sent que le cinéma peut définitivement toucher la vie.

De Salgado je ne connaissais que quelques clichés. J'y ai découvert un artiste impressionnant au regard inimitable, quelqu'un qui donne envie de parcourir le monde même si c'est au risque (inéluctable) d'y trouver des horreurs. L'oeil du photographe n'est cela dit jamais complaisant, jamais putassier, se contentant toujours de capter un moment de vie (ou de mort) dans un contexte fort qui insuffle un esprit à la photographie. L'amour des hommes de Salgado transpire dans chaque cliché, et quand celui-ci arrive à bouts, quand les horreurs sont trop nombreuses, son revirement vers un regard beaucoup plus panthéiste apporte une nuance qui m'émeut beaucoup. Malgré tout ce qui est décrit, le salut existe quelque part.

Derrière la caméra de Wenders, qui partage d'ailleurs la réalisation avec le fils du photographe, le voyage est saisissant. Le dialogue de l'interview est percutant et ce Français ponctué d'un accent sud-américain exulte encore plus le côté poète de Salgado. Je repensais à la poésie percutante à l'accent prononcé de Werner Hezog dans le grandiose La Grotte des rêves perdus. Certainement un immense film dont on ressort soufflé, grâce à ce regard qui voit à travers la terre et les hommes. On se demanderait presque si le côté sanctuaire de l'image d'un cinéma n'est pas le plus beau moyen d'apprécier une photographie, sur un écran plusieurs mètres. 

Dans le top de l'année, assurément !


Balade entre les tombes, de Scott Frank (2014)

Un énième thriller avec Liam Neeson qui défile devant nos yeux et s'oublie immédiatement après. Tout est très classique, convenu et prévisible, sans pour autant que l'ensemble soit profondément mauvais. La mise en scène est tout de même plutôt posée et sobre, même l'écriture, bien que maladroite comme pas permis, reste modeste. Le problème majeur de Balade entre les tombes est simple : c'est incroyablement ennuyant. Les enjeux du scénario sont inintéressants au possible, comme les personnages caricaturaux et sans profondeur, et le tout est redoutablement mal rythmé à tel point que le film parait durer une éternité.

C'est d'autant plus dommage car comme dit plus haut, rien n'est profondément mauvais, c'est au pire un peu bête et convenu, mais ce qui pourrait être une honnête petite série B qui passe toute seule est plombée par ce rythme alarmant, n'aidant pas une enquête qui n'en finit plus. Malgré sa bêtise inter-sidérale, même Non-Stop parvenait à me captiver un minimum. Malheureusement ici c'est juste un thriller mollasson qui finira dans un oubli total après avoir tout de même dûment ennuyé.


Ninja Turtles, de Jonathan Liebesman (2014)

Doucement mais sûrement, Liebesman se hisse, l'air de rien, sur le podium des pires réalisateurs actuels, héritier en droite ligne des Rob Cohen et compagnie. Avec Ninja Turtles on tient probablement un paroxysme d'un film où rien ne va, tout est raté, voire pire : tout est de mauvais goût. On n'a pas le temps de souffler quelques secondes au début que la musique terrible de Brian Tyler envahit déjà le logo Paramount et donne le ton.

Évidemment c'est laid, c'est incroyablement laid. C'est laid et très mal mis en scène. Les scènes d'action sont réalisées n'importe comment, entre des longs-plans improbables et illisibles et du sur-découpage vomitif, décidément Liebesman s'est assuré de battre des records de ce côté-là. C'est là qu'on se dit que l'efficacité (voire virtuosité, j'ose le dire !) formelle d'un Michael Bay est franchement bien loin. Cela dit on atteint tellement des sommets de mauvais goût que quelque part le film en devient très drôle, comme un bon vieux nanar de derrière les fagots. C'est sans compter une intrigue improbable avec un méchant qui raconte son plan qu'on croirait imaginé par un enfant de 8 ans ou encore un rat qui devient maître ninja en regardant des images dans un livre probablement tiré de la collection "... pour les nuls".

En échange du racket de vos neurones et du viol de vos yeux, on a tout de même le droit à d'authentiques rires entre deux passages trop consternants pour être drôles. Car après tout, nous parlons d'un film qui fait un prout en CGI à la tête de son spectateur. C'est dire.


EN VIDÉO


Trapèze, de Carol Reed (1956)

Faire un film hollywoodien dont l'enjeu principal est l'achèvement d'un triple saut périlleux en trapèze a de quoi me laisser tout de même dubitatif, même avec ce casting et même avec la présence de Carol Reed. Trapèze n'a pas franchement l'ambition du très bon Le plus grand cirque du monde d'Henry Hathaway et se recentre davantage autour de l'intime et de la relation entre les trois personnages principaux.

Fort heureusement, le film trouve quand même son intérêt dans la description de son univers, ce petit monde du spectacle contenu à l'intérieur du Cirque d'Hiver Bouglione. Tout ceci contenu dans l'effervence parisienne des années 50 (très bien reconstituée en studio d'ailleurs) apporte un cachet indéniable au film qui compense quelque peu l'inintérêt que l'on porte à la trame dramatique. En parallèle on retrouve tout de même Burt Lancaster très investi dans le film (et pour cause, il est producteur, lui-même un ancien trapéziste d'ailleurs) qui laisse briller de mille feux sa musculature saisissante et qui contribue également à sauver quelque peu le film, en face d'un Tony Curtis un peu passif (malheureusement Curtis se fait régulièrement éclipser dans les films où il partage la vedette) et d'une Gina Lollobrigida carrément affreuse, recouverte d'un pot de peinture gris-verdâtre qui me fait me demander si ça n'est pas l'un des pires maquillages vus. Dommage que les personnages secondaires, dont certains sont intéressants, ne soient pas plus exploités.

La mise en scène de Carol Reed est assez solide même si sans génie, arrive tout de même à exploiter le format cinémascope même si l'on sent bien qu'il n'est pas adapté au thème du film... Reste quelques scènes d'acrobaties plus ou moins impressionnantes exécutées par Lancaster lui-même, qui marquent un net contraste avec celles de Curtis où Carol Reed cache bien mal la présence d'une doublure... Au mieux vaguement sympa, mais tout de même franchement oubliable.


San Antonio, de David Butler (1945)

Les westerns avec Errol Flynn me donnent toujours un enthousiasme inimitable et celui-ci ne déroge pas à la règle. Comme à l'accoutumée : enjeux simples mais exécution d'une redoutable efficacité. L'univers est soigné et vivant grâce à un technicolor une fois de plus incroyable sublimant un vrai travail sur le décor. C'est un vrai film qui met en scène le Texas et ses "Texicans", à croire que cela pourrait presque être un sous-genre du western à part entière.

L'histoire se suit avec plaisir grâce à une galerie de personnages secondaires riche en couleur, notamment ce duo de bad-guys à la complémentarité originale. La toute pouponne Alexis Smith pousse la chansonnette pour notre plus grand plaisir avant que l'on ne profite d'une fusillade finale généreuse et à l'échelle importante. 

Vraisemblablement, Raoul Walsh serait quelque peu passé derrière la caméra, une garanti de plus de l'efficacité de ce bon vieux western des familles.


Mary Reilly, de Stephen Frears (1996)

Intéressante la forme de continuité qu'évoque ce Mary Reilly avec d'autres adaptations des années 90 de la littérature classique fantastique, notamment Dracula de Coppola et Frankenstein de Kenneth Branagh. Sans mal, Stephen Frears invite complètement son cinéma dans cette relecture de l'histoire de Stevenson. Cette vision crasse et désespérante de l'Angleterre industrielle du XIXème siècle est remarquablement bien rendue par la caméra de Frears qui connait son sujet.

L'intrusion de la fameuse Mary Reilly dans l'univers du Dr. Jekyll (et évidemment celui de Mr. Hyde) apporte une touche de tension sexuelle très bien vue et parfaitement exploitée. A ce sujet-là, Julia Robert, très sobre, m'a étonnée. J'émets tout de même quelques réserves sur John Malkovich, évidemment toujours charismatique, mais en revanche régulièrement en roue libre. Cela dit, il manque quelque chose au film de Frears, un grain de folie, quelque chose qui ressorte plus du lot pour faire rayonner davantage son adaptation, pourtant très soignée, peut-être trop sage. On en redemande, on reste sur notre faim. Une découverte agréable même si un peu mineure.


World War Z, de Marc Foster (2013)

Soyons honnêtes : si j'ai voulu rattraper World War Z, c'est uniquement pour Brad Pitt, que je trouve être un des acteurs les plus remarquables du cinéma américains même si certains de ses choix récents me laissent un peu sceptique. Entre un thème qui m'ennuie (les zombies), une production qui s'est mal passée avec plusieurs reshoots, un réalisateur calamiteux ainsi que tout le mal que j'ai entendu dessus depuis sa sortie, World War Z risque peu de me plaire. Et évidemment, c'est un film raté.

Raté, mais curieusement je n'ai pas détesté autant que je le pensais. J'ai été étonnement pris par l'histoire d'un point de vue général, j'ai aimé l'approche globale, le côté globe-trotter qui donnait au thème une ambition plus que bienvenue, même si j'imagine bien volontiers que cette qualité vient du bouquin. Du coup, même si le film est terriblement mal réalisé et scénarisé avec les pieds, j'ai tout de même été pris dans l'intrigue. Après le problème c'est que tout va trop vite, on ne respire jamais, les zombies vont vite, la transformation va vite, la mise en scène va vite, les séquences s'enchaînent vite... A force de tout faire aller trop vite on fait perde de l'ampleur au film qui pourtant aurait pu éventuellement marcher dans les traces élégantes de La Guerre des mondes de Spielberg.

Ça me désole un peu de voir Brad Pitt tourner de nouveau dans ce genre de rôle idiot, même si je reste persuadé qu'un bon réalisateur pourrait changer la donne du tout au tout et tirer le meilleur de l'univers. Encore qu'à la décharge de Marc Foster, son montage semblait déjà plus intéressant. En plus du reste je sauve tout de même une photographie étonnement honnête et une musique correcte signée par le malheureusement sous-employé Marco Beltrami, d'ailleurs accompagné par Muse. Le film n'en reste pas moins raté, mais c'est d'autant plus rageant parce que cela apporte la preuve qu'il y du potentiel un peu partout.



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