AU CINÉMA - ACTUALITÉS
Le blog a été bien peu actif depuis le début de l'année et j'en suis bien désolé. Pour compenser, ci-dessous, un retour sur les sorties vues ces derniers mois... !
Homeland : Iraq année zéro, d'Abbas Fahdel (2015) |
Les 8 Salopards, de Quentin Tarantino (2015)
Passé Boulevard de la Mort, j'avais eu du mal à savoir si j'étais encore en phase ou non avec le cinéma de Quentin Tarantino. Ceci dit, si avec Django Unchained je trouvais déjà une forme de réconciliation des plus plaisantes dans un western mature et remarquablement intelligent, il faut dire que ça n'est presque rien face à la réussite intégrale que constitue à mes yeux Les 8 Salopards. C'est bien simple, je le place dans mon panthéon de l'auteur aux côtés de Jackie Brown. Tarantino marque décidément une évolution décisive dans son cinéma, se radicalisant au passage. Il met un terme à la caractéristique anecdotique qui marque souvent son écriture et remplit de la sorte les trois heures de son film d'une incroyable profondeur. En faisant disserter à sa manière ces huit salopards sur ce qu'est l'Amérique, autant cette néo-guerre civile que celle contemporaine, il tient son film peut-être le plus subtil. Et pourtant, l'exercice de style brillant auquel se prête Tarantino, dans cette utilisation de format en huis-clos, n'occulte jamais tout l'enjeu politique du film. Lui plus que quiconque avait compris que The Thing, dont il s'inspire évidemment, n'était pas qu'une histoire de forme brillante et de suspens. Arrivé à maturation complète, Tarantino défie désormais ouvertement les piliers du cinéma qu'il aime prétendre combattre. Mais la réflexion derrière n'en est pas moins géniale lorsqu'il s'amuse autour d'un cérémoniel lincolnien qui n'aurait pas été étranger à John Ford ou Steven Spielberg, savamment détourné ici. Bien que l'on puisse encore considérer Tarantino comme une anomalie dans le paysage mainstream hollywoodien, force est de reconnaître que le trublion d'autrefois a laissé la place a un cinéaste d'autant plus réfléchi. Et puis, Ennio Morricone, c'est un petit peu comme un cadeau, alors merci.
“L’heure est au bilan”, se martèle-t-on naïvement dans le crâne au cinquième, dixième ou douzième sordide anniversaire de la guerre en Irak. Celui d’Abbas Fahdel semble quasiment antidaté et c’est peut-être le plus effrayant. Homeland : Irak année zéro est l’histoire d’une boucle infernale dont la responsabilité se porte désormais à échelle mondiale, la fresque gigantesque, ne pouvant en être autrement, d’une tragédie généralisée de l’ère contemporaine.
Critique à lire sur Filmosphere :
Si le précédent film de Naomi Kawase, Still the Water, avait été pour moi une expérience difficile, celui-ci gagne très certainement mon cœur. Moins radical, plus simple, Les Délices de Tokyo y gagne énormément. De manière triviale, le premier point d'accroche avec le film est évidemment autour de son thème principal, autour de la nourriture. Ceci dit, il est important de comprendre à quel point le film est incroyablement réussi de ce point de vue là. Il faudrait pouvoir créer une liste de films qui donnent faim. C'est sans doute là un grand talent de metteur en scène, et forcément, Naomi Kawase, très sensorielle dans sa démarche visuelle, le capte avec une merveille sans pareil. Dans le mélodrame que cuisine (!) en parallèle le film, dans ce Tokyo aéré et solaire, loin de celui dont on a l'image, Kawase poursuit également sa réflexion sur la culture, ses enjeux, son évolution et sa perte potentielle. Par ses formidables personnage, elle fait naître une émotion naturelle, qu'elle n'a jamais besoin de renforcer. Dans cet optimisme débordant de vie, malgré la tristesse, il y aurait presque un parallèle à faire avec le récent Mia Madre. C'est un très beau film qui scelle ma réconciliation avec son auteur, après, bien entendu, que je me sois empiffré plein de dorayakis...
Peu de doutes désormais autour de Jeff Nichols : il s'agit bien d'un grand auteur américain en devenir. Héritier des cinéastes de l'Americana, parcourant le spectre de Spielberg à Malick, il est en quelques sortes un salut vis-à-vis de la production actuelle. Et Midnight Special est en quelques sortes à cette image. Réponse aux films de super-héros, il détourne le genre pour se recentrer sur l'essentiel : ses personnages, l'enjeu intime, celui de la cellule familiale. Mais ça n'est pas qu'une réflexion sur la déification de l'enfant car il y mêle l'inconnu. Un monde autre qui perturbe le nôtre, dont évidemment le jeune héros est leur enfant, aux pouvoirs aussi effrayants que fascinants. Mais si la perspective d'un ailleurs inconnu est terrorisante pour les uns, elle est la source de la curiosité de Jeff Nichols. C'est un cinéma où l'on veut croire. Comme il fallait croire Michael Shannon dans Take Shelter. Mais pour croire, il faut sans doute aller voir, aller découvrir, aller comprendre. C'est aussi un film de fuite du système, dans cette échappée sauvage au sein du territoire américain, comme celle de fugitifs. En fin de compte, on comprend que tous les regards expriment les nuances du cinéma de Jeff Nichols : le protecteur Michael Shannon, le loyal Joel Edgerton, la tendre Kirsten Dunst et le curieux Adam Driver, qui, lui aussi, veut voir pour croire. Ne dérogeant pas à la règle, c'est un vrai film d'Amérique, avec ses mythes fantastiques comme ses démons du quotidien, avec ses âmes bienveillantes comme ses fous de Dieu.
The Assassin, de Hou Hsiao-Hsien (2015)
Je suis très sensible aux auteurs qui parviennent à détourner ce que l'on codifie habituellement de "genre" pour proposer une singularité qui, paradoxalement, fait aussi du bien au dit genre. The Assassin, c'est évidemment la passion de la langueur, celle qui sublime le récit, celle qui créé véritablement une histoire marquante. Même si le film de Hou Hsiao-Hsien contient de somptueux personnages, dont évidemment la protagoniste principale, il s'effacent devant l'ambiance qui est instaurée. Ce sont presque des spectres qui parcourent les séquences, cachés derrière les minces draps à travers lesquels le réalisateur les filme. La violence, elle aussi, s'efface. Lorsqu'un combat s'engage, un mouvement d'appareil vient se focaliser sur autre chose. Jamais ça n'est frustrant, pourtant, car c'est sur l'essentiel que l'on se recentre, sur l'intime du récit, étant nécessairement beaucoup plus l'âme du métrage que des combats virtuoses. En fin de compte, il s'agit quasiment de l'un de ces films qui se vit comme une "expérience" ; c'est une rêverie orientale qui transporte loin des canons auxquels nous sommes habitués, pour notre plus grand bonheur. Un fantasme pictural certainement sans pareil.
Qui aurait cru que je m'enticherais de la sorte avec un film de Danny Boyle ? Si je concède au réalisateur britannique comme seul réussite l'excellent 28 jours plus tard, son style formel ravageur a fini par m'agacer. Cependant, la collaboration avec Aaron Sorkin pour Steve Jobs en extirpe le meilleur. C'est un film relativement impressionnant à bien des égards, notamment tout son premier tiers qui flirte constamment avec chef-d’œuvre. Quelque part anti-biopic, loin des canons de narrations assez conventionnels du genre, le scénario de Sorkin s'amuse à décortiquer sa vision de Jobs : une fraude. L'Amérique fabrique ses génies sur du vent. Les joutes orales, notamment avec Steve Wozniak, délicieusement interprété par Seth Rogen, sont fabuleuses. Ce qui est d'autant plus formidable, c'est que Michael Fassbender ne capte pas toute l'attention, les personnages autour de lui existent et c'est le plus important, car ils façonnent à la fois les problèmes moraux que soulève le film, et plus simplement encore, l'enjeu familial autour de Jobs. Il faut enfin noter le superbe travail photographie d'Alwin Küchler, évolutif selon les périodes, et bien évidemment la musique de Daniel Pemberton, qui bien que parfois sur-utilisée par Danny Boyle, est un remarquable morceau musical moderne et classique. Bref, une grande surprise, et tant mieux.
13 Hours, de Michael Bay (2016)
Dans le tumulte géopolitique actuel, il fallait bien que le plus dissonant et maladif des auteurs hollywoodiens apporte son grain de sel. D’un certain point de vue, 13 Hours pourrait être une pierre importante au sein de l’édifice qu’est le film de guerre selon le cinéma post-moderne. Toutes les vitesses, toutes les influences et tous les débordements de Michael Bay s’y recoupent. Comme lui aura été à l’image d’un nouveau cinéma transfiguré par une culture de l’image désinhibée, son film de guerre n’est aussi que le reflet de son propre monde : chaotique, violent, extrême.
Critique à lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/13-hours-michael-bay-2016
Figure discrète mais bienveillante dans le paysage du cinéma américain contemporain, Richard Linklater est toujours prêt à nous enchanter. Everybody Want Some!! est évidemment un regard autobiographique et nostalgique, mais plus encore, une belle approche de l'Amérique tout comme l'était aussi Boyhood. Derrière un teen-movie drôle et dynamique, Linklater trace, non sans profondeur, tout un pan générationnel. C'est un film profondément simple, sans intrigue particulière, mais c'est certainement ce qui fait sa vie et sa force, nous communiquant l'engouement de ses protagonistes. Qu'on se le dise : le casting est une merveille. Le film accumule de nombreux personnages et pourtant tous, par leur écriture et par leurs acteurs, existent. A certains égards, c'est une vraie prouesse. Y répond, sans grande surprise, une bande-son fabuleuse qui sacralise encore davantage cette épopée de jeunesse, regardée à la fois avec tendresse et un brin de gentille moquerie, une formule qui fait souvent mouche.
Saint Amour, de Gustav Kervern et Benoît Délépine
Le cinéma de Kervern et Délépine peut s'assimiler à un bon produit de terroir, bien gras, pas forcément d'un immense raffinement, mais avant tout quelque chose de bon, simple, délicieux. Saint Amour, c'est un peu tout ceci. Depuis qu'ils ont confié à Gérard Depardieu l'un de ses plus beaux rôles contemporains (avec Valley of Love) dans Mammuth, je ne pouvais être qu'enthousiaste face à ce nouveau film. En fin de compte, c'est un film qui fait du bien, sincèrement. Sans artifices, direct, il ne surprend pas nécessairement mais apporte une fraîcheur dans ce début d'année cinématographique 2016 qui n'est absolument pas négligeable. On en ressort apaisé, parce que cette balade champêtre nous aura donné à voir de belles choses, du beau Depardieu, les moments absurdes du couple de réalisateurs comme on les aime (le passage chez Houellebecq !), et enfin cet amour innocent et simple de la culture plouc, moquée avec une tendresse infinie. Et comme à l'accoutumée chez les metteurs en scène, il y a aussi ce sentiment d'être un peu paumé, on ne sait pas nécessairement où le film nous emmène, mais après tout, il peut tout aussi bien nous guider paisiblement. En sortant, on a simplement envie de s'enfiler un petit coup de rouge pour décanter tout ceci. Si ça n'est pas beau ?
Guillaume Nicloux poursuit son nouvel et très bel élan de carrière dans The End, à la fois suite et contraire du très beau Valley of Love. Sans signifier que le terme soit réducteur, c'est encore un très beau film-concept, à savoir ici Gérard Depardieu égaré dans la forêt. C'est une recette un peu magique puisqu'évidement, le film n'existerait pas avec un autre acteur, mais qu'importe. Cette virée quasi-fantastique, littéralement cauchemardesque en fin de compte, est l'occasion de renouer encore le lien entre un simple drame et un film de genre, un survival un brin mystique. Nicloux a un superbe sens du cadre, et la photographie de Christophe Offenstein, tout en simplicité, taille brillamment l'étendue des espaces sylvestres dans lesquels Gégé, formidable, tourne en rond. En fond sonore, l'inquiétante musique d'Eric Demarsan ajoute encore davantage à l'ambiance cet esprit un peu à part, parfois plus proche de sons que d'une mélodie. Le concept s'effile peut-être un peu dans le dernier tiers, qui fait sens dans le fond mais pas amené avec la plus grande des subtilités. C'est là où peut-être on peut regretter la beauté inachevée de son précédent métrage. Il n'en reste pas moins ici un très joli tout petit film à découvrir.
Les Saisons, de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud (2016)
Si j'aime les documentaires portés sur la nature et l'écologie, c'est notamment grâce à leur envergure formelle. Ceci dit, c'est une arme à double-tranchant et si je suis éventuellement stupéfait par certaines images de Home, le moralisateur et vain ton du film est relativement agaçant. Fort heureusement, l'ami Jacques Perrin, épaulé par son compagnon Cluzaud vise quelque chose de plus subtil. Les Saisons, comme ses autres documentaires, a ce ton naïf qui finalement l'affranchit d'une certaine lourdeur. Le propos écologiste demeure, et c'est bien normal, mais il ne prend pas non plus le pas sur ce qu'on pourrait qualifier de formidable film d'aventure au milieu la nature, constitué par des saynètes au sein de chaque caste animale. En cela, le film est résolument impressionnant, car l'illusion des images, parfois (forcément) mise en scène est impeccable. Les jeux sur la réalisation et le montage sont exemplaires. C'est une belle épopée qui ne trahit un aveu de faiblesse que dans sa toute fin, inévitablement prévisible. Enfin, il n'en reste pas moins une balade sauvage des plus revivifiantes, en compagnie d'une musique de Bruno Coulais des plus sympathiques, même si l'on aurait bien volontiers imaginé sur ces images les puissantes notes de L'Ours de Phillipe Sarde.
Voilà un bel exemple de beau classicisme à l'anglaise. Si l’œuvre de Conan Doyle a été retournée dans tous les sens, à toutes les sauces et toutes les cuissons, c'est finalement avec la plus grande simplicité que Bill Condon tire son épingle du jeu dans Mr. Holmes. Point d'enquête alambiquée ou de personnages exubérants, place à un simple drame intime sur fond de vieillesse et d'oubli. Dans un touchant jeu de remise en perspective de Holmes face à son propre mythe, parfois mensonger, le film taille superbement, mais toujours très discrètement, un très bel enjeu émotionnel. La construction avec les flashbacks, moins lourde qu'il ne paraît apriori, sert encore une fois toute la dramaturgie de son protagoniste principal, passionnant. Il en va ainsi de ressaisir un passé qui s'échappe, enfoui sous les strates des romans mythomanes ou tout du moins "légendarisés" de Watson, ou encore de l'amitié avec de dernier, toujours hors-champ, hors-film, comme un souvenir à moitié évanoui, encore vaguement palpable. Impossible de tarir d'éloges à propos de Ian McKellen qui parvient à constamment évacuer tout le misérabilisme de sa condition. C'est un film doux et bienveillant, qui se digère avec un plaisir des plus simples, accompagné par les délicates notes de haut-bois de Carter Burwell.
Le Garçon et la Bête, de Mamoru Hosoda (2015)
C'est là mon premier film de Mamoru Hosoda, et lorsque je consulte d'autres avis, il faut croire que je suis sensiblement plus généreux à son égard par ma méconnaissance de son auteur. Le Garçon et la Bête exploite une fois de plus une thématique que j'aime, le voyage initiatique à travers un rapport d'élève et de maître. L'émotion construite autour des divers personnages fonctionne totalement, tous sont très attachants. Bien que le schéma d'écriture soit simple, voire simpliste, le film poursuit un cours extrêmement agréable jusqu'à son dernier tiers, en revanche plus en demi-teinte. Cette overdose de spectaculaire dans le final trahit peut-être ladite simplicité qui lie les protagonistes et définit leurs sentiments ; c'est aussi par là que passait la beauté du film. Ce que le film aborde à propos du vide intérieur (littéralement) et de la recherche de soi pourrait être passionnant si cela n'était pas aussi démonstratif. Alors, ce qui aurait dû être alors le paroxysme émotionnel du film s'effondre sensiblement comme un flan, de manière très dommageable. Mais la beauté du reste demeure et guide malgré tout mon enthousiasme à son sujet. Un film, finalement, à l'image de cette Bête : très imparfait, malgré tout attachant.
13 Hours, de Michael Bay (2016)
Dans le tumulte géopolitique actuel, il fallait bien que le plus dissonant et maladif des auteurs hollywoodiens apporte son grain de sel. D’un certain point de vue, 13 Hours pourrait être une pierre importante au sein de l’édifice qu’est le film de guerre selon le cinéma post-moderne. Toutes les vitesses, toutes les influences et tous les débordements de Michael Bay s’y recoupent. Comme lui aura été à l’image d’un nouveau cinéma transfiguré par une culture de l’image désinhibée, son film de guerre n’est aussi que le reflet de son propre monde : chaotique, violent, extrême.
Critique à lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/13-hours-michael-bay-2016
Figure discrète mais bienveillante dans le paysage du cinéma américain contemporain, Richard Linklater est toujours prêt à nous enchanter. Everybody Want Some!! est évidemment un regard autobiographique et nostalgique, mais plus encore, une belle approche de l'Amérique tout comme l'était aussi Boyhood. Derrière un teen-movie drôle et dynamique, Linklater trace, non sans profondeur, tout un pan générationnel. C'est un film profondément simple, sans intrigue particulière, mais c'est certainement ce qui fait sa vie et sa force, nous communiquant l'engouement de ses protagonistes. Qu'on se le dise : le casting est une merveille. Le film accumule de nombreux personnages et pourtant tous, par leur écriture et par leurs acteurs, existent. A certains égards, c'est une vraie prouesse. Y répond, sans grande surprise, une bande-son fabuleuse qui sacralise encore davantage cette épopée de jeunesse, regardée à la fois avec tendresse et un brin de gentille moquerie, une formule qui fait souvent mouche.
Saint Amour, de Gustav Kervern et Benoît Délépine
Le cinéma de Kervern et Délépine peut s'assimiler à un bon produit de terroir, bien gras, pas forcément d'un immense raffinement, mais avant tout quelque chose de bon, simple, délicieux. Saint Amour, c'est un peu tout ceci. Depuis qu'ils ont confié à Gérard Depardieu l'un de ses plus beaux rôles contemporains (avec Valley of Love) dans Mammuth, je ne pouvais être qu'enthousiaste face à ce nouveau film. En fin de compte, c'est un film qui fait du bien, sincèrement. Sans artifices, direct, il ne surprend pas nécessairement mais apporte une fraîcheur dans ce début d'année cinématographique 2016 qui n'est absolument pas négligeable. On en ressort apaisé, parce que cette balade champêtre nous aura donné à voir de belles choses, du beau Depardieu, les moments absurdes du couple de réalisateurs comme on les aime (le passage chez Houellebecq !), et enfin cet amour innocent et simple de la culture plouc, moquée avec une tendresse infinie. Et comme à l'accoutumée chez les metteurs en scène, il y a aussi ce sentiment d'être un peu paumé, on ne sait pas nécessairement où le film nous emmène, mais après tout, il peut tout aussi bien nous guider paisiblement. En sortant, on a simplement envie de s'enfiler un petit coup de rouge pour décanter tout ceci. Si ça n'est pas beau ?
Guillaume Nicloux poursuit son nouvel et très bel élan de carrière dans The End, à la fois suite et contraire du très beau Valley of Love. Sans signifier que le terme soit réducteur, c'est encore un très beau film-concept, à savoir ici Gérard Depardieu égaré dans la forêt. C'est une recette un peu magique puisqu'évidement, le film n'existerait pas avec un autre acteur, mais qu'importe. Cette virée quasi-fantastique, littéralement cauchemardesque en fin de compte, est l'occasion de renouer encore le lien entre un simple drame et un film de genre, un survival un brin mystique. Nicloux a un superbe sens du cadre, et la photographie de Christophe Offenstein, tout en simplicité, taille brillamment l'étendue des espaces sylvestres dans lesquels Gégé, formidable, tourne en rond. En fond sonore, l'inquiétante musique d'Eric Demarsan ajoute encore davantage à l'ambiance cet esprit un peu à part, parfois plus proche de sons que d'une mélodie. Le concept s'effile peut-être un peu dans le dernier tiers, qui fait sens dans le fond mais pas amené avec la plus grande des subtilités. C'est là où peut-être on peut regretter la beauté inachevée de son précédent métrage. Il n'en reste pas moins ici un très joli tout petit film à découvrir.
Les Saisons, de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud (2016)
Si j'aime les documentaires portés sur la nature et l'écologie, c'est notamment grâce à leur envergure formelle. Ceci dit, c'est une arme à double-tranchant et si je suis éventuellement stupéfait par certaines images de Home, le moralisateur et vain ton du film est relativement agaçant. Fort heureusement, l'ami Jacques Perrin, épaulé par son compagnon Cluzaud vise quelque chose de plus subtil. Les Saisons, comme ses autres documentaires, a ce ton naïf qui finalement l'affranchit d'une certaine lourdeur. Le propos écologiste demeure, et c'est bien normal, mais il ne prend pas non plus le pas sur ce qu'on pourrait qualifier de formidable film d'aventure au milieu la nature, constitué par des saynètes au sein de chaque caste animale. En cela, le film est résolument impressionnant, car l'illusion des images, parfois (forcément) mise en scène est impeccable. Les jeux sur la réalisation et le montage sont exemplaires. C'est une belle épopée qui ne trahit un aveu de faiblesse que dans sa toute fin, inévitablement prévisible. Enfin, il n'en reste pas moins une balade sauvage des plus revivifiantes, en compagnie d'une musique de Bruno Coulais des plus sympathiques, même si l'on aurait bien volontiers imaginé sur ces images les puissantes notes de L'Ours de Phillipe Sarde.
Voilà un bel exemple de beau classicisme à l'anglaise. Si l’œuvre de Conan Doyle a été retournée dans tous les sens, à toutes les sauces et toutes les cuissons, c'est finalement avec la plus grande simplicité que Bill Condon tire son épingle du jeu dans Mr. Holmes. Point d'enquête alambiquée ou de personnages exubérants, place à un simple drame intime sur fond de vieillesse et d'oubli. Dans un touchant jeu de remise en perspective de Holmes face à son propre mythe, parfois mensonger, le film taille superbement, mais toujours très discrètement, un très bel enjeu émotionnel. La construction avec les flashbacks, moins lourde qu'il ne paraît apriori, sert encore une fois toute la dramaturgie de son protagoniste principal, passionnant. Il en va ainsi de ressaisir un passé qui s'échappe, enfoui sous les strates des romans mythomanes ou tout du moins "légendarisés" de Watson, ou encore de l'amitié avec de dernier, toujours hors-champ, hors-film, comme un souvenir à moitié évanoui, encore vaguement palpable. Impossible de tarir d'éloges à propos de Ian McKellen qui parvient à constamment évacuer tout le misérabilisme de sa condition. C'est un film doux et bienveillant, qui se digère avec un plaisir des plus simples, accompagné par les délicates notes de haut-bois de Carter Burwell.
Le Garçon et la Bête, de Mamoru Hosoda (2015)
C'est là mon premier film de Mamoru Hosoda, et lorsque je consulte d'autres avis, il faut croire que je suis sensiblement plus généreux à son égard par ma méconnaissance de son auteur. Le Garçon et la Bête exploite une fois de plus une thématique que j'aime, le voyage initiatique à travers un rapport d'élève et de maître. L'émotion construite autour des divers personnages fonctionne totalement, tous sont très attachants. Bien que le schéma d'écriture soit simple, voire simpliste, le film poursuit un cours extrêmement agréable jusqu'à son dernier tiers, en revanche plus en demi-teinte. Cette overdose de spectaculaire dans le final trahit peut-être ladite simplicité qui lie les protagonistes et définit leurs sentiments ; c'est aussi par là que passait la beauté du film. Ce que le film aborde à propos du vide intérieur (littéralement) et de la recherche de soi pourrait être passionnant si cela n'était pas aussi démonstratif. Alors, ce qui aurait dû être alors le paroxysme émotionnel du film s'effondre sensiblement comme un flan, de manière très dommageable. Mais la beauté du reste demeure et guide malgré tout mon enthousiasme à son sujet. Un film, finalement, à l'image de cette Bête : très imparfait, malgré tout attachant.
Voilà un film qui représente un colossal dilemme pour moi : il synthétise quasiment tout ce qui peut m'attirer dans le cinéma américain contemporain, en thèmes, en fond, en forme... Et pourtant, quelque chose se brise dans The Revenant, quelque chose est dysfonctionnel. C'est un film complexe à vitesse multiples, partiellement fabuleux, partiellement raté. Il est sans doute possible de voir les germes de certains des défauts du film au niveau du délire égotique qu'il représente, constamment conçu comme une performance de dépassement humain comme technique. C'est impressionnant autant que c'est barbant, finalement. Évidemment, il y a de quoi tomber quatre fois à la renverse face à la nouvelle collaboration entre Inárritu et Lubezki, mais il semblerait que la volonté de l'auteur mexicain d'accomplir une sorte de paroxysme de la forme va finalement à l'encontre de son film. Le sujet de The Revenant, traversant la culture de la violence, la bestialité et la destruction du Nouveau Monde est certainement passionnant, et pourtant pas pleinement traité. Ce sont des éléments qui flottent autour du film, qui participent à la création de son contexte, mais l'enjeu d'Inárritu est ultimement plus simple autour de cette histoire de vengeance. Pourquoi pas, après tout ? Mais le film est alors trop glouton pour pouvoir le supporter, deux heures et demi durant. Autant de temps à trouver que les plans sont remarquablement bien fichus, alors que l'on s'identifie davantage à la caméra plutôt qu'à un regard plus humain. La simplicité du Convoi sauvage de Sarafian manque finalement à ce projet complètement démentiel. Paradoxalement, c'est aussi ce qui le rend passionnant à comprendre, pendant que l'on est abasourdi et illuminé devant cette grosse machine virtuose qui tourne finalement à vide.
Avé César, de Joel & Ethan Coen (2016)
Si j'aime beaucoup les Coen, je n'apprécie pas nécessairement grandement tous les films de leur période contemporaine ; ceci dit, aucun doute sur le fait qu'ils demeurent des auteurs passionnants. Avé César peut s'apparenter en quelques sortes à un volet supplémentaire de la saga des idiots, mais c'est aussi un peu plus que cela. Cette introspection cynique sur Hollywood est éventuellement le prétexte à un délire cinéphile : la reconstitution fantasmée, à travers des saynètes, des genres qui constituent l'essence de cette ère classique. Dans cet ubuesque voyage, aux côtés du génial Josh Brolin, les Coen approchent des thématiques capitales, évidemment dans la conception du cinéma en lui-même comme industrie prostituée pour le public, mais aussi vis-à-vis de la politique au sein de ces studios, à travers l'homosexualité ou le communisme. Il faut cependant accepter que tout ceci ne soit que caressé en surface, le film étant ultimement amené à tourner à vide, suivant un fil rouge peu palpitant. Il est sûrement noble de la part des auteurs de refuser l'éventuel manque de fond de l'exercice de style pur et dur, mais c'est également dommageable vu le déséquilibre que cela entraîne dans le film. Un comble, d'ailleurs, quand même la photographie de Roger Deakins n'est pas excessivement notable, prétextant le pastiche pour détourner avec une fadeur relative l'esthétique de l'ère classique. Il est toujours possible d'épiloguer sur les nombreuses autres qualités du film, parmi ses acteurs ou même l'écriture de certaines séquences (dont, forcément, la rencontre entre les représentants des différentes confessions), mais c'est également se rappeler son certain déséquilibre entre concept et travail de fond.
Le nouveau film de Ben Wheatley devrait être une réussite exemplaire et pourtant quelque chose cloche. C'est étrange. La fable dystopique High Rise a presque tout pour elle : l'adaptation d'un solide matériau et le sens du scénario, un casting de choix savamment dirigé (même - et surtout - Luke Evans), une réalisation sans doute maîtrisée... Mais au milieu de toutes ces qualités, de manière presque indicible, il y a une fracture qui rend le film laborieux et relativement raté. Il faut tout de même envisager qu'en fin de compte, Wheatley se soit égaré devant la densité de son sujet. C'est bien dommage car c'est aussi ce qui était intéressant, il ne s'agit pas platement d'une lutte de classes au sein d'une tour, de la révolte des étages inférieurs contre ceux supérieurs, mais la dissection de l'ensemble d'une société et de ses éléments sans que les uns soient plus valorisés que les autres. Le film ne semble hélas qu'à peine commenter le fond de ce qu'il adapte, ellipsant parfois sans doute trop, notamment dans un derniers tiers au montage (mais c'est sans doute voulu) chaotique. En marchant dans les traces de Cronenberg, Wheatley se vautre à moitié, mais ceci dit, en toute honnêteté, c'est aussi un bel effort qui peut être salué.
Fiche Cinelounge
Green Room, de Jeremy Saulnier (2015)
La violence est un cycle infernal que la société américaine ne manque pas de mettre à jour lors de chacune de ses ères. Green Room est l’un de ces nouveaux essais sur le thème, façon brut de décoffrage. Sans concessions, le solide exercice de style de Jeremy Saulnier porte pourtant les stigmates de cette nouvelle génération : la maîtrise du style devant la réelle interrogation du sujet, comme s’il ne s’agissait que d’un commentaire de l’œuvre des plus grands. Habile, mais risqué.
Critique à lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/green-room-jeremy-saulnier-2015
Il est assez intéressant de constater comment Disney parvient, d'une manière ou d'une autre, à tisser dans sa série de ré-adaptations de classiques des œuvres à moitié réussites car souvent prisonnières de l'ombre de l'originale, mais contenant des éléments de fond passionnants. C'était le cas de Cendrillon de Kenneth Branagh comme c'est ici le cas du Livre de la jungle de Jon Favreau. Passons d'emblée le problème principal, se résumant sans surprise à tout ce qui touche de près ou de loin au dessin-animé sorti en 1977. En revanche, quand le film s'en émancipe, il parvient à proposer un intérêt singulier. La relecture écologiste devient un thème fort, au centre de la compréhension "sociale" et politique de la jungle et du royaume de ces animaux numériques. Hélas, tout le film n'est pas de ce tonneau et parfois bien plus maladroitement écrit, mais il laisse au moins des pistes de réflexion pour justement ne pas le considérer comme un vulgaire produit intéressé. Un cas de figure finalement assez intrigant, d'autant plus renforcé par la mise en scène des plus honnêtes de Jon Favreau, d'autant plus en stéréoscopie native, fait assez rare pour le notifier. Même si peu convaincu pour l'instant, certainement un film à reconsidérer prochainement.
A noter ce très bon article du Nouvel Obs à propos du film et de l'anti-spécisme selon Hollywood.
Spotlight, de Thomas McCarthy (2015)
J'ai lu, à de nombreuses reprises, que le lauréat des Oscars Spotlight serait un nouveau Les Hommes du Président pour la génération contemporaine. Avant toute chose, dans ce cas-ci, j'encourage le revisionnage du film de Pakula afin de comprendre que ça n'est pas qu'une affaire de sujet mais aussi de traitement, à la fois de scénario et, plus encore, de cinématographie. Le film de Thomas McCarthy est sans doute ce que l'on peut assimiler à de l'académisme complet. Il a un sujet certes riche, mais n'en fait rien, la faute à l'absence de regard. Parmi toutes les thématiques que croisent l'affaire, au-delà même de la pédophilie au sein du clergé, rien n'est abordé : l'éthique journalistique est évacuée, le travail de recherche réduit à son minimum dans le mécanisme de scénario, la société américaine n'est pas réellement abordée. Le réquisitoire contre l'Eglise catholique paraît alors un peu désuet et unilatéral quand le problème de fond qui s'y cache n'est pas traité. La mollesse du regard épouse celle des acteurs, fades comme Rachel McAdams ou cabotinant désespérément comme Mark Ruffalo. Il faut tout de même noter l'excellent Liev Schreiber, tout en sobriété, qui se pose comme une rare qualité du film aux côtés de Stanley Tucci. Sans que ledit académisme soit répugnant comme il l'est par exemple The Imitation Game, il délivre simplement un film terriblement oubliable. Ou alors, tout au mieux, un film à lire.
Lorsqu'un studio comme Disney se met à traiter directement de politique dans un film comme Zootopie, il faut prendre des pincettes. A travers un gentil détournement de l'utopie, le film se fend d'une sorte d'analyse sociétale sur fond de thématique communautariste. Vu l'actualité, pourquoi pas. Mais ce qu'il faut aussi voir, c'est à quel point la production chérit le système : Zootopie, c'est un film où le système est mis en péril par des nuisibles, et où il faut justement retrouver l'équilibre et le maintenir. Dans cette société utopiste qui prône naïvement "sois ce que tu veux être", aucun protagoniste ne semble réellement réfléchir, à tel point que l'innocente utopie prend parfois des allures de délire orwellien dans un univers où tout est formaté. Ceci dit, pas besoin de chercher bien loin les racines de cette politique, c'est là un pur produit Disney, sans auteur particulier derrière, écrit par son armée de mercenaires et validé par la tablée d’exécutifs. Je trouve cela extrêmement dérangeant, car sous prétexte d'un thème politique progressiste, le film défend des valeurs on-ne-peut-plus douteuses, garantissant l'hégémonie du système hollywoodien (par extension, américain) sur le monde. Il est toujours possible de se consoler avec le reste du film, correctement réalisé malgré la faiblesse de son écriture, aux gags inégaux mais parfois fonctionnel, pouvant faire alors office d'honnête divertissement, si jamais l'on ne perd pas de vue ce qui se cache derrière.
Triple 9, de John Hillcoat (2016)
Appréciant fortement John Hillcoat, je faisais partie des rares défenseurs des Hommes sans loi. Avec Triple 9, il laissait entrevoir la perspective d'un thriller d'action des plus énervés, un retour à l'essentiel du genre sous les traits d'une série B efficace. Bien que le film soit partiellement ceci, ça n'est hélas qu'un film bien moins ambitieux qu'on ne pouvait l'imaginer. Dans un premier temps, Hillcoat s'incruste dans la caste de réalisateurs prisonniers de l'influence de Heat dans une émule qui n'est pas des plus convaincantes, avant de s'embarquer dans une écriture en fin de compte beaucoup moins intéressante. Alors qu'il décrit éventuellement une société de violence au sein des communautés, comme en témoigne le générique, il passe progressivement à côté de son sujet, préférant s'orienter vers les clichés d'une histoire de mafia Russe et de policiers corrompus. Le film manque terriblement d'enjeux pour les protagonistes, et le réel "personnage" que devrait constituer la ville d'Atlanta n'existe pas vraiment, filmée comme Los Angeles. Cà et là quelques séquences demeurent réussies, comme l'intervention au milieu du métrage, mettant en scène Casey Affleck derrière son bouclier, rappelant à quel point Hillcoat peut être aussi un savant metteur en scène. L'ensemble manque ultimement de charme et d'ambiance, d'une touche d'originalité qui aurait pu le distinguer davantage de la masse constituée par le genre.
Il semblerait que Vincent Garenq fasse tout de même constamment la même chose. Présumé coupable était agréable grâce à son ton très brut alors L'Enquête n'était qu'une laborieuse enquête sans intérêt. Au Nom de ma fille nage quelque part entre les deux mais prouve au passage la tendance de l'auteur à pas avoir quelque chose à apporter sur ses sujets. Le thème de l'indigné qui se dresse contre un système pourri est toujours agréable s'il n'est pas traité de manière unilatérale. Ici, le film évacue l'essentiel des questionnement moraux pour se focaliser, de manière assez manichéenne, sur un père qui rend justice lui-même. L'affaire en elle-même est intéressante, mais Garenq la retrace avec trop de sagesse. Encore une fois, on y place une star dans un rôle qui ne lui convient pas (Auteuil a 30 ans de trop dans certain passages) mais fort heureusement, le charismatique Sebastian Koch tire d'une manière ou d'une autre son épingle du jeu, même si jamais l'écriture ne prend la peine de réellement développer son personnage. Peut-être pas désagréable compte-tenu du précédent métrage de l'auteur, mais certainement très oubliable.
El Clan, de Pablo Trapero (2016)
Voilà un film que l'Argentine a certainement produit pour le marché international, vu le traitement conventionnel au possible qui s'applique sur l'intrigue. El Clan est donc un énième thriller sur fond de faits divers, alors que l'histoire en elle-même pouvait donner lieu à un film bien plus réfléchi comme reflet de sa société. En éculant les poncifs du genre, prétendus fonctionnel dans le cinéma américain, comme la figure paternel traitée en icône de parrain, Pablo Trapero oublie de raconter l'essentiel, ou plus exactement de raconter quelque chose. Le film semble en pilote automatique, à l'image de son montage, incrustant platement la bande-son des années 80 pour meubler l'ensemble. Tout le potentiel politique est finalement évacué dans un film peut-être tourné correctement, mais difficilement intéressant.
Je me suis méfié dès le départ de Creed : L'héritage de Rocky Balboa, pour la simple et bonne raison qu'il poursuit la volonté d'Hollywood de ressucer platement ses franchises à succès, et plus encore à cause de Ryan Coogler, auteur du très discutable Fruitvale Station. Le film repose sur la facilité-même, se refusant tout challenge. Faisant du fils de d'Apollo Creed le héros de cette nouvelle quête de gloire, toute l'empathie est immédiatement biaisée. Alors que Rocky était un gentil vaurien se faisant tout seul, Creed est privilégié capricieux. Si le segment sur l'enfance difficile contient éventuellement du potentiel, le film l'annule plus tard, lorsque le jeune homme convainc Rocky de l'entraîner seulement parce que c'est le fils d'Apollo. Alors que le film de John G. Advilsen avait ses airs de fresque sociale estampillée Nouvel Hollywood, celui-ci tourne à vide et pêche dans le fond. Stallone, unique vecteur d'émotion du film, empêche toute réelle émancipation. Sans surprise, c'est un film qui s'aligne sur les standards du moment, faisant son succès commercial. Ryan Coogler n'y manque d'ailleurs pas, alignant sa mise en scène de la même manière, avec quelques longs plans répartis aléatoirement dans le film parce que c'est la mode. La mode, la mode, la mode. Mais où est la réelle proposition, dans tout ceci ? Cerise sur le gâteau : la musique de Ludwig Göransson, succédant tristement à Bill Conti, est d'une triste vulgarité qui n'est pas sans rappeler celle des productions Marvel.
Dalton Trumbo, de Jay Roach (2015)
L’industrie du cinéma américain a toujours eu un certain don pour faire office de cataplasme sur les plaies de l’histoire du pays. Avec le film Dalton Trumbo, évidemment, c’est Hollywood qui se regarde le nombril, mais plus exactement en y insérant un mea culpa faisant office de réhabilitation vis-à-vis du scénariste jadis placé sur la liste noire. Hélas, trois fois hélas, non seulement Trumbo a déjà été réhabilité, mais plus grave encore : le film élude complètement l’aspect politique de son sujet, trop concentré sur l’hagiographie d’un résistant.
Critique à lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/dalton-trumbo-jay-roach-2015
La cool-attitude est de retour ! Après les médiocres Gardiens de la Galaxie, c'est au soi-disant anti-héros très subversif Deadpool d'embrasser la recette à succès. Dans sa prétendue quête d'originalité, la production de la Fox recycle en réalité une énième fois les grands poncifs du genre entre une avalanche de second degré ne volant pas toujours bien haut. Pour être honnête, certaines blagues provoquent le sourire mais l'abus finit par lasser alors que le film ne propose vraiment rien et tourne complètement en rond. La pauvreté visuelle de l'ensemble ne dupe pas, certainement pas revue à la hausse par son réalisateur, Tim Miller, quelconque mercenaire embauché pour signer le produit. C'est presque dommage que Ryan Reynolds, surprenament inventif et audacieux dans The Voices, sombre de nouveau dans les travers du genre super-héroïque. Comme quoi, le concept ne suffit pas, et ni l'hémoglobine en images de synthèse ni le ton graveleux sur fond d'humour méta permettent de constituer un film réellement intéressant. Voilà qui aurait pu être un beau projet pour Sam Raimi.
Batman v Superman : L'Aube de justice, de Zack Snyder (2016)
Dans ma critique de Captain America : Civil War, je faisais mention de "blockbuster obèses". Le qualificatif est encore une fois ici tout indiqué tant le film de Zack Snyder s'inscrit dans la logique de ces super-productions accumulatives mais totalement désordonnées. Tout ce qui était balourd et crétin dans Man of Steel est transposé et démultiplié dans Batman v Superman. La symbolique ronflante de Snyder est au cœur du problème, persuadé de pouvoir faire un film réflexif combiné au délire pubère de super-héros se castagnant en faisant s'écrouler des immeubles. Là où il s'extirpe éventuellement de la masse des autres faiseurs, c'est que Snyder a des idées. Il en bombarde son film et son régulièrement toutes plus mauvaises les unes que les autres, mais font office d'un style qui souvent fait défaut aux autres productions, ce qui dans l'absolu est presque quelque chose de positif. Il est cependant dommageable que chaque embryon de bonne idée aboutisse à quelque chose de grotesque, que ce soit au niveau de l'idéologie du film comme du visuel ou de la construction scénaristique, finalement incohérente et peu crédible. Tout est prétexte à amener la destruction massive du dernier acte, comme une orgie visuelle doublée d'une cacophonie littéralement éprouvants à subir. Le plus malheureux est peut-être de sentir Ben Affleck coincé dans ce Bruce Wayne maladroitement écrit et donner la réplique à tout ce monde en roue libre. Un film crétin, mais avec des idées. Mais crétin quand même.
Vu sa genèse résolument catastrophique, Jane Got a Gun a en effet tout pour être raté. Sans surprise, ça ne loupe pas et Gavin Hood livre un western d'une pauvreté totale, inintéressant aux yeux du genre, même compte-tenu de la pénurie actuelle. Le côté finalement assez simple de l'intrigue pouvait être une force, cette défense de domicile semblable au dernier acte de Josey Wayles, hors-la-loi (dont il s'inspire certainement), mais il aurait fallu que le film en tire un réel dynamisme capable de transcender cette simple idée. Rien ne prend car les personnages, malgré le background qu'impose le film dans ses lourds flashbacks, n'ont aucune consistance. Ce qui était un postulat simple devient finalement un traitement simpliste. Nathalie Portman, d'ailleurs productrice, porte le film comme elle peut, mais la piètre actrice qu'elle est ne suffit pas à compenser cet intégral et laborieux échec artistique. Dans sa mise en scène, Gavin Hood n'a pas une seule idée de plan original pour conférer une quelconque personnalité à son western, à croire que c'est un film fait avec le désintérêt le plus complet, à l'instar de Joel Edgerton et Ewan McGregor, absents devant la caméra. On pourrait naïvement croire que c'est néanmoins un essai bien tenté, que les circonstances ont fait péricliter, mais le scénario en lui-même est d'une telle pauvreté qu'il paraît difficilement concevable de pouvoir en tirer quoique ce soit.
10 Cloverfield Lane, de Dan Trachtenberg (2016)
Au royaume des fausses bonnes idées, les productions de J.J. Abrams semblent trôner. En fin de compte, il est assez curieux de vouloir étendre l'univers de Cloverfield, film-concept déjà oublié, à travers 10 Cloverfield Lane qui serait sans doute bien plus intéressant sans sa pauvre liaison. Le postulat est assez cliché en fin de compte, mais il y a aussi dans les bases du scénario la recette efficace. On pourrait presque fantasmer sur un remake presque apocalyptique de L'Obsédé de William Wyler. Ce huis-clos peu probant ressemble hélas davantage à un vague délire de jeune réalisateur de court-métrage. Le scénario, hélas revisité pour être formaté, manque complètement de substance, de profondeur, et façonne des personnages inintéressants. Le charmant casting constitué par John Goodman et Mary Elizabeth Winstead recèle une alchimie finalement trop légère pour entretenir la faiblesse de la tension. Ajoutez à cela une réalisation des plus anonymes et un ton qui se croît malin, vous obtenez une production sans envergure, à être très prochainement oubliée.
Dans la jungle débilitante du divertissement contemporain, l’heure est à l’entassement. Hollywood engendre des films obèses sous prétexte de générosité, chaque suite ou spin-off en rajoutant une couche dans les informes univers partagés. Captain America : Civil War est un rayon de plus dans un supermarché déjà encombré, celui qui réunit dans la même promotion tous les produits les plus gras et indigestes avant le passage en caisse du consommateur bien heureux.
Critique à lire sur Filmopshere :
http://www.filmosphere.com/movies/captain-america-civil-war-anthony-joe-russo-2016
The Finest Hours, de Craig Gillepsie (2016)
Voilà une production Disney plutôt curieuse, ratée à presque tous les niveaux, à tel point qu'on se demande ce que l'entreprise vise. The Finest Hours est à inscrire dans le sympathique sous-genre qu'est le film de garde-côtes ou plus généralement de catastrophes maritimes, très prisés par les américains mais jamais franchement renouvelé depuis le très efficace En Pleine tempête de Wolfgang Petersen. Le film essaye de développer ses personnages, mais l'écriture est tellement plate que la tentative, certes louable, confère surtout un ennui des plus profonds dans l'attente des séquences d'action. C'est un film sans passion aucune, extrêmement mollement conçu. La seule bonne idée du film n'est exploitée hélas qu'un instant, en salle des machines avec Casey Affleck, représentée indépendamment du reste du navire, comme un huis-clos à part, sans vue vers l'extérieur, où le commandant n'est qu'une voix à l'interphone. Hélas le film ne poursuit pas dans cette direction et l'ensemble des évènements qu'il décrit est extrêmement conventionnel et déjà-vu. Le ton over-the-top global des aventures maritimes tue d'ailleurs la crédibilité du récit, devenu trop sensationnel sans avoir réellement les moyens ou le talent de le retranscrire. Un téléfilm du dimanche à 80 millions de dollars.
On l'avait dûment attendu, le nouveau film d'Alex Proyas. Ratage cosmique et sans doute mémorable parmi les blockbusters contemporains, on en vient à se demander comment Gods of Egypt a pu être produit. De toute évidence, il ne ressemble ni à un film de Proyas, et n'a même pas un minimum de rigueur pour être assimilé à un film de producteur. C'est une interrogation. D'une laideur rare, entre ses décors vides en carton et ses effets spéciaux non finalisés, le film est un accident intégral. Il serait homérique de chercher à recenser tout ce qui ne va pas dans les deux heures du métrage, mais le paroxysme est certainement atteint avec les séquences de Râ et son pédalo des étoiles, permettant de contempler la détresse complète dans les yeux de son interprète, le pauvre Geoffrey Rush. La mythologie égyptienne est tellement incomprise par tous ces gens qui s'en moquent que le film surfe de la sorte entre le risible et le déplacé. Les situations de comique involontaire sont multipliées à l'extrême, permettant à Alex Proyas de constituer malgré lui un authentique nanar moderne. On a aussi de la peine pour Marco Beltrami, engagé dans cette galère cosmique, recyclant étrangement la tonalité de la partition du Masque de Zorro de James Horner. Bon, après tout, nous ne sommes plus à cela près. Édifiant.