Hacker, de Michael Mann (2015) |
Comme toujours, j'ouvre avec les articles écris en parallèle pour le site Filmosphere, en complément :
Cendrillon, de Kenneth Branagh (2015) :
Good Kill, d'Andrew Niccol (2015) :
Fast & Furious 7, de Justin Lin (2015) :
Films chroniqués ci-dessous :
Hacker (2015), The Voices (2014), Shaun le Mouton : le film (2015), Every Thing will be fine (2015), Sea Fog : les clandestins (2014), Enfant 44 (2015), Big Eyes (2014), Night Run (2015), Dear White People (2014), Lost River (2014), La Sapienza (2014), Star Trek : le film (1979), Les Valseuses (1974), L’Obsédé (1965), Le Grand embouteillage (1979), La Croisière du Navigator (1924), La Légende de Beowulf (2007), Le Cygne Noir (1942), Superman (1978), Superman II : The Richard Donner Cut (1980/2006), Superman III (1983), Superman IV (1987), Superman Returns (2006), Supergirl (1984), Man of Steel (2013), Un flic à la maternelle (1990), Elle et lui (1957), The Party (1968), Un Crime dans la tête (1962) et Panic sur Florida Beach (1993).
AU CINÉMA – ACTUALITÉS
Chaque film de Michael
Mann est une sorte d’évènement de cinéphile un peu inédit, bien que depuis le
grandiose, mais hélas mal-aimé Miami Vice, le réalisateur divise
bien plus qu’autrefois. Hacker, de nouveau, est un Michael
Mann total. Quelque part, cela n’était qu’une question de temps pour le
cinéaste américain le plus urbain (et le plus virtuose dans ce genre) de
s’engager sur la voie de l’univers digital et d’aller filmer les nouvelles
villes virtuelles qui s’y sont créés. Dès les premiers plans du film, Mann
se réinvente et une fois de plus propose une expérience cinématographique
hors-du-commun, un jeu d’échelle monumental sur la connectivité du numérique,
que bien des réalisateurs ont essayé, en parvenant rarement à un résultat
convaincant. Dès les premières minutes, on sait que l’on va vivre une
expérience unique. Mann reprend l’univers magnétique et absorbant de Miami
Vice, et au fur et à mesure de l’avancement de son récit, se désintéresse d’une
histoire classique pour se concentrer sur des personnages et atmosphères. Le
thriller qui émerge est de nouveau unique, impalpable, voire même fantastique
dans ce final incroyable. Encore un immense film du cinéma américain que l’on
doit à Michael Mann.
Les projets de Marjane
Satrapi me plaisent beaucoup et j’admire son parcours. Avec The
Voices elle trouve l’opportunité de franchir l’Atlantique (bien
qu’ironiquement le film soit tourné en Allemagne) avec cette comédie noire bien
fraiche. Si le sens de la drôlerie est assez fin et utilisé avec une parcimonie
certaine pour ne pas transformer l’ensemble en comédie de genre bouffonne et
marcher sur les plates bande de Sam Raimi, il y a une vraie maîtrise du récit
et des personnages, au sein d’un ton assez particulier qui finalement
correspond bien à la réalisatrice. Et derrière ses airs gentillets ou un peu
vains, The Voices sonde également les dérives de cette Amérique
profonde en carton-pâte. Une sorte de vision jouissive et arriérée de Killer
Joe (qui traitait déjà d’un univers d’arriérés, c’est dire), prenant
une dimension supplémentaire hilarante dans son génial générique de fin. Et
Ryan Reynolds, à la surprise générale, illumine tout le métrage, dirigé d’une
main de maître(sse).
Bien que je n’aie
jamais regardé la série, je ne pouvais qu’être enthousiaste à l’idée d’un
nouveau film Aardman, l’un des derniers studios à préserver tant bien que mal
une patte (voire même, une pâte !) aussi unique. Shaun le Mouton parvient
dès le départ à restituer cette ambiance très simple mais bougrement
universelle et atemporelle qui fait le charme des productions du studio. A
l’instar du très bon Minuscule : La vallée des fourmis
perdues, ici le parti est de mise d’avoir un film muet, ou tout du
moins sans dialogues audibles. La portée du film n’en est que plus grande,
ouverts du coup aux petits mais à l’humour parfois assez bien vu pour faire
plier de rire plusieurs générations. Et puis, c’est mignon comme tout !
Fiche Cinelounge
J’étais très intrigué
par ce nouveau film de Wim Wenders, notamment pour le simple fait qu’il soit en
3D. Every Thing
will be fine ne risque aucunement de décevoir sur ce point grâce au
visuel incroyable qu’il propose, conférant à la 3D une nouvelle dimension que l’on
peut désormais appliquer au drame. Wenders comprend que le relief, ici simple
et réel (à part quelques pics de stylisation) rapproche des émotions de ses
personnages. Quelque part, même si les directions artistiques sont radicalement
opposées, je repense au très sous-estimé Twixt de Francis Ford Coppola, qui
lui également revenait sur le syndrome de la page blanche chez un écrivain,
puisant dans un drame personnel, le tout avec une volonté d’expérimentation
technique. Bien que le scénario du Wenders se perde éventuellement dans les
nombreuses directions qu’il emprunte, il finit par prendre un curieux mais beau
sens à la toute fin. Très imparfait, mais foutrement intéressant, porté par un
casting de choix (j’apprécie franchement de plus en plus James Franco),
formellement assez incroyable (les travellings compensés en 3D, c’est quand
même quelque chose) et à l’ambiance enivrante, renforcée d’ailleurs par la
partition d’un Desplat étonnement inspiré dans ses influences puisées chez
Bernard Hermann. A voir !
Je ne suis pas forcément
un fin connaisseur du cinéma coréen, mais j’ai tout de même découvert Sea
Fog avec un certain enthousiasme, malgré ses défauts assez lourds. D’emblée,
il faut quand même saluer l’ambition d’un tel premier film, une histoire simple
mais aux enjeux prenant et permettant de s’amuser à travers les codes de différents
genres, comme semble l’affectionner les cinéastes coréens. Le problème étant
ici éventuellement que le dernier tiers tire trop en longueur et s’engouffre
démesurément dans un certain manque de subtilité, que le reste du film
parvenait à équilibrer. Je repense éventuellement à cette musique parfois
lourde qui vient casser l’intensité naturelle de certains plans. En reste tout
de même un chouette film d’atmosphère, sans concessions et aux interprétations
soignées, notamment pour l’excellent Kim Yun-seok.
Intéressante
perspective que cette enquête policière dans la Russie industrielle des années
50. Enfant
44 vaut avant tout pour l’atmosphère léchée qu’il dégage dans sa
reconstitution soignée et prenante (peut-être la marque de la production Scott
Free), mais aussi pour un chouette casting de gueules qu’il est agréable de
retrouver dans des rôles autant taillés pour eux. Dommage que le scénario en
lui-même s’éparpille trop et que l’enquête proposée ne soit finalement pas des
plus passionnantes, rendue d’autant plus bancale par le rythme laborieux. Mais
l’ensemble conserve un certain charme et se savoure à nouveau pour cette
ambiance, lourde et peu subtile, mais plutôt maîtrisée.
Fiche Cinelounge
Fiche Cinelounge
Je suis profondément
ennuyé par le cas Tim Burton, car si j’ai pensé pendant longtemps qu’il avait
perdu le « mojo » (avec le terrible La Planète des Singes
comme tournant), sa revisite très imparfaite, très prévisible mais honnête et
modeste de Frankenweenie tendait à me faire croire que le bonhomme
remontait la pente. Hélas, le constat n’est pas forcément confirmé avec Big
Eyes, production convenue et consensuelle où la patte de son auteur ne se
ressent que par quelques éléments de l’univers ou des thématiques, mais jamais
dans l’audace de l’écriture. Peut-être prisonnier d’une production Weinstein et
d’un film « tiré de faits réels », Tim Burton tombe dans l’écueil de
mépriser le personnage qu’il met en scène, à l’inverse du regard que portait
par exemple Martin Scorsese sur son arnaqueur, Jordan Belfort dans Le
Loup de Wall Street. L’écriture est ici unilatérale et si le milieu du
film pose des enjeux intéressants où l’écriture se redresse dans sa subtilité,
tout le dernier acte, tournant à une parodie bouffonne que l’on pourrait croire
venue d’un Woody Allen peu inspiré, trahit le manque d’intérêt de Burton pour
l’histoire. Et pourtant, les enjeux sont là et pourraient être passionnants,
mais à aucun moment, finalement, Burton ne semble s’intéresser au véritable
enjeu dramatique de cette histoire : si son travail est reconnu et admiré,
et qu’elle le continue, c’est grâce à lui. On hérite à la place d’un film
certes pas désagréable, mais plutôt vain et où tout le monde est en roue libre (sauf
Amy Adams, superbe, qui porte seule l’intérêt de l’histoire), et à la fin
moralisatrice et terriblement consensuelle. A croire que tout le monde a fait
ce film par-dessus la jambe, Tim Burton, Danny Elfman comme Bruno Delbonnel.
Ça n’est plus la peine
de relancer une énième fois le refrain « mais où est passé Liam
Neeson », désormais on sait qu’il est perdu, c’est fini. Si j’avais eu une
certaine sympathie pour le très bête mais plutôt prenant Non-Stop (malgré
l’absurdité du dénouement), je n’ai pu ici qu’être totalement consterné par Night
Run, ce polar que l’on a déjà vu quarante-trois fois ces dernières
années et qui a des fâcheux airs de DTV. Peu de choses à sauver dans le film de
Jaume Collet-Serra, écrit et filmé n’importe comment, se voulant plutôt très
punchy mais qui parvient quand même à endormir le spectateur. Point
d’inquiétude suprême : l’atroce bande-son signée Junkie XL (une des pires
de l’année, assurément), qui se charge également de celle de Mad
Max : Fury Road…
Fiche Cinelounge
Un énième film abject
du cinéma indépendant américain (et l’affiche est jaune !) qui entend
traiter du racisme avec un regard nouveau, cool, provocateur mais pas trop. Ne
nous méprenons pas sur Dear White People : il ne s’agit ni
plus ni moins qu’un pastiche de Spike Lee vulgairement déguisé, mais dont la
bêtise globale peut éventuellement atteindre les mêmes sommets. D’autant plus
que dans sa prétendue offensive contre le racisme, on se demande si Justin
Simien ne véhicule pas lui-même une vision rétrograde et raciste, dans un film
où tous les blancs (sauf un) sont méchants, idiots ou profiteurs et où
finalement on fait curieusement l’apologie du clivage communautariste. Presque
rien à sauver, d’autant plus que du début à la fin il n’y a pas de cinéma, Dear
White People ressemble à une sorte de sitcom. Foutage de gueule
d’autant plus total et atroce lorsque le film se complait à se moquer de D.W.
Griffith.
En admettant que l'on puisse accorder une éventuelle sympathie au premier volet, pour son côté frais malgré ses airs télévisuels, Avengers : L'ère d'Ultron repousse les limites de la médiocrité des productions Marvel en délivrant un film incomensurablement boursouflé, d'une laideur record et d'une bêtise atterrante qui ne rend même plus le divertissement regardable. Passé un début d'ores et déjà très consternant, lancé in medias res, accouchant d'un propos faisant doucement l'apologie de l’interventionnisme dans une ambiance fascisto-suprémaciste plutôt douteuse, le film de Joss Whedon ne fera que s'enfoncer progressivement. Plus que jamais, le film est en mode automatique, jusqu'à un vomi d'action final qui n'a même pas de quoi satisfaire et qui se prend en plus très au sérieux. Presque rien n'est réussi ou ne serait-ce que correct, ni le personnage d'Ultron ne dégageant aucun charisme, ni cette vision des années 90 de "l'internet", ni les personnages inspides et inutiles aux Avengers que l'on veut à tout prix mettre en avant comme Hawkeye ou Black Widow (l'occasion de constater une fois de plus la vulgarité de Scarlett Johansson), ni cette réalisation ignoble qui saccage toute l'ampleur des combats, ni le Quicksilver version Whedon qui fait bien de la peine, et ainsi de suite... Seul le personnage de Vision est finalement intéressant, filmé comme Superman, mais il ne demeure pas vraiment exploité. En somme, une calamité du blockbuster, moche et dont on ressort abruti. Pour citer ce qu'a dit un critique "on dirait des chewing-gums qui se battent". Difficile de mieux résumer l'affaire. Et dire qu'on est parti pour dix ans au moins...
Fiche Cinelounge
Afin de ne pas
m’étendre outre-mesure sur Lost River de Ryan Gosling que j’ai
trouvé profondément insupportable (je me suis demandé à plusieurs reprises si
j’allais rester jusqu’à la fin du film), je ne peux que citer une petite phrase
aperçue sur Twitter qui résume bien ce que je pense du film : « Ryan Gosling confond ”faire un film”
avec ”faire un Tumblr en assemblant des gifs de David Lynch et de Mario Bava” ». Et c’est malheureusement là que
se situe, en grande majorité, l’immense problème du film : il n’a pas
d’âme et n’est qu’un concentré infect des références de Ryan Gosling,
références d’ailleurs ô combien originales puisqu’il se retrouve la plupart du
temps à citer des réalisateurs avec lesquels il a tourné, Nicolas Winding Refn
en tête de lice évidemment, mais aussi Terrence Malick. Malheureusement, citer
des auteurs plus intéressants ne rendra pas Lost River meilleur ou plus intelligent pour
autant, esquisse pompeuse et mal achevée qui ne fait que trop compter sur un
visuel imbuvable et une atmosphère sonore superficielle. Un de mes pires films
de l’année aux côtés de Réalité.
Autant l’avouer de
suite, La Sapienza est le premier film à me faire quitter une salle en
près de vingt ans (le dernier en date c’était quand j’étais petit, en 1996 !).
Cet avis est donc extrêmement relatif puisque je n’ai tenu que quarante minutes
devant ce film que je n’ai pas compris, devant cette absence de cinéma qui m’a
rappelé les plus mauvaises productions de fin d’année en école de cinéma. C’est
incroyable car même si de tels parti-pris sont sans aucun doute au cœur des intentions du
film, je me demande comment il est possible d’atteindre un tel seuil d’emmerdement
maximal, comment peut-on infliger ça à son spectateur, quand bien même l’on
cache une quelconque intention derrière. En sus de cette diction intenable des
acteurs, qui rend le film irritant au possible, je n’ai pu que constater l’horreur
formelle de ce que j’ai vu, cette pauvreté numérique aux mouvements de caméra
saccadés et amateurs qui n’arrivent même pas à donner un tant soit peu de
valeur aux monuments italiens filmés. Une purge, je n’en ai pas cru mes yeux
(ni mes oreilles).
AU CINÉMA - RESSORTIES
Revisionnage.
Quel plaisir de
pouvoir redécouvrir le film de Robert Wise sur grand écran (bien que la séance
ait été partiellement gâchée par les spectateurs, mais c’est une autre
histoire) ! Star Trek reste toujours autant une expérience poétique et
sensorielle qui agit quasiment comme une alternative cosmique à 2001 :
L’Odyssée de l’espace. On pourra toujours pester contre le rythme
lancinant pour ne pas dire longuet, mais il instaure une atmosphère
définitivement intense, renforcée tantôt par l’expérimentalisme sonore de
Goldsmith, tantôt par ses envolées lyriques, alors que l’on savoure, une fois
de plus, les compositions visuelles de Douglas Trumbull. Et ce final, ma
parole, quel final, quelle beauté ! On a tout autant envie de lâcher « Oh my God, it’s full of stars » …
Revisionnage.
C’est incroyable de
pouvoir faire une comédie (si tant est que Les Valseuses en soit une,
finalement) aussi libre et intense. Le redécouvrir est d’autant plus nécessaire
à l’heure du formatage intensif du genre, et le film de Blier permet de
répondre à un vrai besoin d’évasion vers un cinéma sans limites, mêlant une
hilarante vulgarité trash à un certain sens de la poésie macabre. On en ressort
autant léger que choqué, ce qui quelque part est fabuleux. Bref, toujours
autant, on est bien, là, à la fraiche.
Si l’on me vend un film de William Wyler sur un détraqué mental, avec Terence Stamp dans le rôle-titre, je ne peux qu’être partant. Et évidemment, la réussite totale de L’Obsédé ne m’étonne pas venant d’un réalisateur dont l’audace et la modernité m’avaient déjà bluffé dans La Rumeur. La richesse principale de l’écriture est bien entendu le fameux obsédé en question, le « collector » comme l’appelle le titre original, sublime personnage à l’enjeu dramatique réel et à l’interprétation détonante de subtilité grâce au grand Terence Stamp. Du coup le film ne sombre jamais dans les travers désormais trop réguliers du genre et offre une alternative splendide mais terrible, dont le dénouement incroyable, bien qu’éventuellement attendu, est magnifié par la mise en scène d'un grand réalisateur. Une relecture moderne géniale de La Belle et la Bête.
Il n’y a que les
Italiens et leur cinéma unique pour avoir un concept aussi énorme que la
perspective d’un embouteillage démentiel dans lequel on insert un casting
all-stars. Le Grand embouteillage propose, dans une première partie, les
traits caractéristiques (mais délicieux) de la comédie grotesque à l’italienne,
en me rappelant par ailleurs l’improbable mais génial segment sur l’autoroute
de Fellini
Roma. Plus étonnement, la seconde partie du film entame un virage
dramatique résolument morbide et inquiétant, transformant le film de Comencini en
constat social terrifiant. Le segment est peut-être davantage bancale et fait
trainer le film en longueur, jusqu’à ce que l’on se demande où tout cela nous
emmène. Curieuse découverte, en tout cas.
Revisionnage en ciné-concert.
Je conservais un
souvenir énormissime de ce Buster Keaton et force est de constater que ce
revisionnage m’a quelque peu désappointé. Si La Croisière du Navigator
reste un Keaton de qualité, il est finalement assez loin derrière les
incroyables Le Mécano de la Général ou Le Cameraman. Toutefois, entre un
début planplan et quelques passages à vide, on trouve quand même son compte en
terme de gags géniaux. D’autant plus que Keaton a une certaine ingéniosité dans
sa mise en scène pour permettre à ses aventures de gagner en ampleur, notamment
dans une séquence sous-marine remarquablement bien fichue.
EN VIDÉO :
Revisionnage.
Il était sans doute
impossible de pouvoir apprécier pleinement La Légende de Beowulf en 2007, lors
de sa sortie. Fidèle à ses motivations d’expérimentateur, Robert Zemeckis
livrait un film quelque part nouveau et dont la forme l’a catalogué trop
rapidement au rang de simple vitrine technologique. Bien plus que cela, c’est
une œuvre remarquable sur l’univers Viking et la tradition des contes oraux,
thème central autour duquel le récit et son ton jouent. Rarement le choix de
cette technique si particulière n’aura été autant justifié, conférant au film une
atmosphère unique et fantasmée, comme une simple histoire déformée et mythique
que l’on se transmet d’une génération à l’autre. C’est aussi l’occasion pour
Zemeckis de passer la vitesse supérieure en termes de mise en scène, profitant
de sa technologie dans chaque plan pour créer également peut-être le meilleur
film en 3D jamais « tourné », au son de la musique puissante et
épique d’un Silvestri déchaîné. Un chef-d’œuvre.
Coupons court :
je pense qu’avec Le Cygne Noir j’ai vu l’une des plus belles esthétiques
permises par le technicolor trichrome. Dès le début on est pris d’assaut par
ces maquettes de galions incroyables (parmi les plus détaillées du genre), ces
décors riches et foisonnants, éclairés par une lumière paradisiaque qui vient
également sublimer le charisme décontracté de Tyrone Power. Le scénario n’est
que prétexte à une débauche d’aventures, mais qu’importe, le spectacle est là,
cohérent et remarquable, d’autant plus ponctué par la plastique agréable de
Maureen O’Hara et le viril Anthony Quinn que l’on aime retrouver régulièrement
en second rôle dans le genre. Sûrement pas aussi sombre que les autres films de
Henry King, mais tout aussi réussi.
Revisionnage.
Je considère le Superman
de Richard Donner comme le monument cinématographique devenu fondateur d’un
genre qui hélas connaît aujourd’hui bien des dérives. Pourtant régulièrement
oublié ou malaimé lorsque l’on aborde le thème des super-héros au cinéma, le
film de Donner s’impose comme une sorte de blockbuster total, de l’entertainment démesuré, très ambitieux,
au casting remarquable (rien que la courte mais superbe présence de Glenn
Ford est un cadeau) et finalement assez
intelligent. Car c’est bien là toute l’adresse de Richard Donner et de
son collaborateur Tom Mankiewicz (qui a repensé le scénario de Mario
Puzo), avoir compris
comment adapter les aventures de l’homme de fer avec un ton
éventuellement
décalé, sans pour autant trahir l’ampleur ou le sens du spectacle, sans
tomber
dans les travers d’une prise au sérieux ridicule, tout en multipliant
les idées
de cinéma, comme en témoigne ce début, à mi-chemin entre un mélange de 2001 :
L’Odyssée de l’espace et 1984, et le plan-séquence improbable
dans l’espace imaginé par Jodorowsky pour son Dune. Le résultat ?
On y croit, bercé dans les airs par l’iconique Christopher Reeves et la
partition incroyable de John Williams.
Revisionnage.
L’éviction de Richard
Donner au milieu du tournage de Superman II (pourtant conçu comme
quasiment un seul et même film avec le premier, une grande fresque épique en
deux parties) a malheureusement joué terriblement sur le destin du film, échoué
dans les mains de Richard Lester qui a accouché d’un opus peu apprécié, peu appréciable
d’ailleurs. Fort heureusement, la reconstruction du film avec cette fameuse Richard Donner Cut permet de redorer un
peu son blason, bien que l’ensemble demeure évidemment encore un peu bancal. Ce
montage-bricolage (incluant même des bouts d’essai) permet tout de même de se
rendre compte de l’ampleur et des ambitions de Richard Donner après le premier
volet Superman. Et la fin, encore une fois over the top mais très
belle, parvient à conclure tout de même idéalement cet hétérogène mais bien
chouette diptyque.
Revisionnage.
C’est finalement le
pauvre Richard Lester, de retour sur Superman III,
qui livre le volet le
plus faible de la saga. Malgré quelques idées sympathiques ou rigolotes,
l’ensemble est constamment hors-sujet et manque surtout terriblement
d’ambition avec cette histoire de piratage informatique qui aurait pu
être avant-gardiste, mais finalement à dormir debout. Le dilemme interne
de Kal-El pourrait être intéressant s’il n’était
pas expédié d’une manière aussi ridicule. Tout au mieux on peut toujours
se
consoler avec le charme désuet qui reste éventuellement intact et
empêche
toutefois de passer un mauvais moment, bien que l’on se demande
sérieusement où
sont passées toutes les idées de cinéma apportées par Richard Donner, un
peu
comme le personnage de Lois Lane, absent presque tout le long du film.
Revisionnage.
Le souvenir que
m’avait autrefois laissé Superman IV était absolument
terrible : un nanar cosmique produit par Menahem Golan et la
« fameuse » Cannon Films. Et pourtant, force est de constater que
toute la première moitié n’est pas si mal du tout. En dépit de quelques aspects
un peu cheap ou d’un Christopher Reeves qui a perdu de sa forme, l’ambition est
tout de même de retour, les enjeux (comme le démantèlement de l’arsenal
nucléaire) sont intéressants et d’actualité et surtout Gene Hackman, toujours
jouissif en Lex Luthor, apparaît de nouveau. Passé l’apparition de Nuclear Man
(!!!), le grotesque typique du studio refait surface, mais qu’à cela ne tienne,
on s’amuse bien à profiter une dernière fois de l’univers.
Revisionnage.
A l’heure où le genre
super-héroïque se dessinait une nouvelle silhouette après le pompier Batman
Begins, Bryan Singer, à travers Superman Returns avait fait le pari
audacieux de revenir à l’essence-même du style, au canon de Richard Donner. Et
forcément, je ne peux être que touché par l’entreprise de ce beau mais
imparfait film, ce blockbuster à l’échec commercial resté dans les annales qui contient
pourtant plus d’idées de cinéma à la minute que l’immense majorité des
productions actuelles. Car s’il faut passer outre un Brandon Routh au charisme
peu percutant, prisonnier de l’ombre de Christopher Reeves, ou encore un Kevin
Spacey en roue libre, on peut toujours compter sur un film au sens épique
hors-du-commun et à la mise en scène qui cache une grande maestria derrière son
classicisme.
Alors que Superman
III s'était planté, les Salkind ont eu la formidable idée d’adapter
Supergirl
au cinéma. Pour le coup, on sombre dans le nanar complet comme les années 80 en
avaient le secret, dans ce film qui n’a ni cohérence ni ambition et qui atteint
des démesures de kitch et d’idiotie. Supergirl, une belle blonde écervelée, a
tout de même d’improbables pouvoirs que même son cousin Kal-El ne possède pas,
comme la faculté de changer de couleur de cheveux, voire même de vêtements en
un clin d’œil (le fantasme de toute femme, avouons-le nous !). Pour être franc, même si l’on rit de bon cœur devant la bêtise
ambiante de cette joyeuse production ou encore devant l'air perdu du pauvre Peter O'Toole, on s’ennuie quand même fermement tant il
ne se passe rien, tant tout manque d’enjeu et tant c’est bien trop long. Il n’y a
guère que Jerry Goldsmith qui aura décidé de livrer un travail décent sur le
film, à l’époque où même pour un nanar, on embauchait un vrai compositeur.
C’est quelque part
sordide puisqu’à l’heure de l’omniprésence de productions Marvel téléfilmesques à l’écran,
je finis par être obligé de concéder à Man of Steel des idées, aussi
mauvais le film soit-il. Beau gâchis tout de même, puisque quelque part il y
avait suffisamment de matière pour faire un film de super-héros un minimum
frais, mais malheureusement il faut que le tout s’aligne dans une tradition de
blockbusters destructeurs idiots et qu’en plus Zack Snyder se retrouve à la
barre. Malheureusement, jamais il ne renouvellera l’exploit de Watchmen
(bien qu’on sente, çà et là, des intentions visuelles intéressantes mais
systématiquement gâchées par l’effet de trop), se contentant simplement
d’exploiter de manière terre-à-terre voire parfois franchement stupide un
univers abscons à la direction artistique incroyable de mauvais goût. Encore une fois,
dommage, puisqu’avec un tel casting il y avait moyen de partir gagnant.
Fiche Cinelounge
Fiche Cinelounge
Arnold Schwarzenegger
a quand même eu le chic pour se retrouver dans un certain nombre de comédies
improbables. Cela dit, la plupart de ses comédies, pas toujours brillantes, ont
quand même su jouer habilement avec l’icône que représente l’acteur, et Un
flic à la maternelle l’illustre parfaitement. En soit, c’est beaucoup
moins inventif qu’Un jour sans fin du même Ivan Reitman, et pourtant les
situations, aussi débiles soient-elles, arrivent tout de même à susciter un
sourire naïf chez le spectateur. On est enthousiaste devant cet Arnie en roue
libre qui en fait des caisses, le capital sympathie est inébranlable. Même si
ça n’est pas bien terrible, c’est un gentil plaisir coupable.
En voilà, du beau
mélodrame ! Elle et lui arrive à reprendre un certain nombre d’éléments
classiques du mélodrame romantique hollywoodien tout en les modernisant, car
après tout ce dont il est question ici est bel et bien une histoire de
tromperie. Mais l’ensemble est d’une beauté intemporelle qui évidemment ne peut
que se refléter dans les traits ténébreux mais attendrissants de Cary Grant ou
encore dans le regard lumineux de Deborah Kerr. La simplicité est le maître-mot
du scénario et lui confère son universalité. Le dernier acte, puissant,
achèvera un spectateur dont les yeux auront été préalablement bien humidifiés.
C’est beau.
Revisionnage.
Je vais commencer de
suite en précisant que j’estime sans aucun doute ou presque The
Party comme la plus grande comédie de tous les temps. Un nouveau
visionnage ne peut me faire que confirmer cette impression, tant je suis hilare
du début à la fin face aux improbables aventures de ce Peter Sellers grimé,
perdu en soirée mondaine. A certains égards, le film de Blake Edwards partage
certains concepts avec les films de Jacques Tati mettant en scène monsieur
Hulot (notamment Playtime), mais le penchant bien plus prononcé pour le
grotesque voire le vulgaire chez le réalisateur américain change la face de cet
humour. Les gags s’enchaînent avec une maitrise du rythme remarquable, sans que
l’on ne tombe dans l’overdose, en saupoudrant habilement le récit de réels enjeux,
jusqu’à un dénouement orgiaque improbable, toujours ponctué par la délicieuse
musique d’Henry Mancini. Et, une fois de plus, il y a de quoi se casser trois
fois la mâchoire de rire dans la fameuse scène des toilettes. C’est dire !
Le traumatisme chez
John Frankenheimer, c’est quelque chose. Quelques années avant que l’on ne
ressorte retourné et prostré de Seconds : l’expérience diabolique,
on pouvait déjà l’être après Un crime dans la tête. Car s’il y a
fort longtemps, j’avais vu le remake de Jonathan Demme qui ne m’avait pas
laissé un souvenir marquant, le Frankenheimer, lui, risque de rester imprimé.
La guerre du Viêtnam n’a même pas encore démarré, Kennedy n’a même pas encore
été assassiné, que déjà les traumatismes de l’Amérique sont là, déjà ils ont
surgit du spectre de la Corée et bouffé ses citoyens de l’intérieur. L’ambiance
est d’un pesant rare, étouffant, boosté par des séquences surréalistes et un
final qui laisse muet. Sans doute le meilleur rôle de Sinatra, poussant le
chanteur dans ses retranchements. Un chef-d’œuvre, une fois de plus.
Revisionnage.
Il ne faudrait pas
oublier Joe Dante, que l’on a que trop souvent relégué dans l’ombre d’autres
grands maîtres de son époque. Panic sur Florida Beach, c’est la
formidable apothéose d’une ère comme un témoignage à la fois hilarant et
touchant sur une autre. Dante dessine avec brillance l’intelligence de cet
hommage, revenant sur des concepts importants du cinéma et le lien étroit que
celui-ci entretient avec son contexte. Loin d’être dans la parodie achevée à
coup de moqueries, le film de Joe Dante marque finalement par sa finesse… Et
peut-être son caractère visionnaire dans le fait de mettre en scène le pastiche
de série B « Mant ! », l’homme-fourmi, à l’heure où l’un des
prochains films de Marvel n’est autre que… Ant-Man. Et c’est bel et bien
dommage qu’Edgar Wright ne soit plus de la partie, car peut-être aurait-il été,
quelque part, un bel héritier de Joe Dante.